Député des Yvelines

« Nous passons de l’actuel PDID doté de 500 millions d’euros au Fonds européen de défense doté de 13 milliards d’euros ! »

La particularité des Groupes d’études est de permettre de travailler sur la durée, d’avancer sereinement sur des sujets. J’avais donc annoncé dans ma campagne pour la présidence, ma volonté de donner une orientation envers les PME  et cela par rapport à la Commission de la Défense où sont, chaque année, auditionnés les grands Groupes, tels le GICAT, le GICAN, le GIFAS… Ces groupements et grandes entreprises ont les moyens de communiquer, mais les PME sont moins représentées, alors qu’elles pèsent un poids important en termes d’emplois sur leur territoire et nous sommes donc attachés à leur donner la parole.

Par rapport aux législatures précédentes, ce Groupe d’études est plus dynamique et se positionne dans le contexte de la nouvelle LPM, avec un budget en augmentation. La Ministre, Florence Parly, tient à mettre l’accent sur l’innovation et l’esprit de décision, ce qui correspond à l’éco-système des PME et dynamise nos territoires, avec le concours de la DGA.

Quels sont les axes de travail de votre Groupe ?

Nous avons des réunions plénières trimestrielles. Au sein du Groupe, nous retrouvons la DGA, la Direction générale du Trésor, BPI France, l’APE, le médiateur des entreprises… À ce sujet, les PME se sentent souvent sous la coupe des grands Groupes dans les contrats de défense et peuvent avoir peur de faire appel à la médiation. Sont également présents le Comité Richelieu, l’Eden Cluster, la Chaire d’économie de la défense du Fonds IHEDN, l’IRIS, l’IRSEM… Autant d’acteurs qui connaissent l’économie de la Défense et qui sont donc souvent consultés. Le Groupe se veut libre. Nous avons mis en place une plénière qui a pour vocation de réunir tous les documents de travail réalisés avec les acteurs. Trois axes de travail, très précis, se détachent :

Sur le financement des PME du secteur de la Défense : elles font appel à des acteurs publics et privés, ce qui induit des difficultés supplémentaires avec, en filigrane, la question de savoir comment faire émerger des fonds stratégiques dans ce secteur, comme le font d’autres pays.

Le Fonds Européen de Défense : avec deux chiffres qui parlent d’eux-mêmes. Nous passons de l’actuel Programme de développement de l’industrie de défense (PDID) doté de 500 millions d’euros au Fonds européen de défense doté de 13 milliards d’euros pour la période 2021-2027! C’est une vraie opportunité de financement au niveau européen. Nos PME sont celles qui demandent le moins ces aides européennes, car elles n’en connaissent pas forcément le fonctionnement. Il y a toute une pédagogie à mettre en place !

Les marchés de compensation : quand une vente (sous-marins, avions…) se réalise dans un pays étranger, les PME sont souvent embarquées aux côtés d’un grand Groupe, ce qui induit un transfert de compétences au niveau local. Elles découvraient alors, au fil de l’eau, les contraintes une fois le contrat signé, que ce soit en Inde, en Arabie saoudite ou ailleurs.  J’ai donc présenté les premières conclusions du Groupe d’études à la Commission de la Défense. Autre sujet, enfin : le maintien des compétences et le besoin de recrutement pour les industries de la Défense afin d’éviter un goulot d’étranglement par méconnaissance. C’est très important. Il faut lutter contre une image un peu ternie alors que ce sont des industries très innovantes, souvent à la pointe de la recherche !

C’est finalement le 18 avril 2019 que le Parlement européen adopte le projet de règlement sur le Fonds européen de la Défense. Avec 328 voix « Pour », 231 « Contre » et 19 abstentions, ce projet est loin de faire l’unanimité…

Que représente l’industrie de la Défense en matière d’emplois ?

Entre 2500 et 3000 entreprises travaillent dans ce domaine, ce qui correspond à 165 000 emplois directs cumulés. Certaines entreprises ont des activités duales, militaires et civiles. Il existe un maillage sur le territoire français même si une partie est concentrée sur des bastions historiques. À titre d’exemple pour le naval : Cherbourg, Toulon, Brest, Lorient, Nantes…

La R&D peut-elle être utile à la société civile ? 

En matière d’IA, de combattants numériques, la frontière est fine. Quand vous construisez le système de navigation d’un navire, vous pouvez le proposer pour la Marine civile. Il sera proche de ce qu’on peut trouver dans un jeu vidéo de simulation. Pour les trois Armes, il existe énormément de formations sur des matériels de défense qui font appel à la réalité augmentée et virtuelle. J’ai été nommé pour trois ans Rapporteur du « Budget 144 » qui est consacré à l’innovation de défense. Pour moi-même, comme pour la Présidente de la Commission Défense, Françoise Dumas, il est important d’avoir une continuité sur ce travail avec les PME afin de faire émerger un éco-système d’innovations. Ce programme « 144 » possède une enveloppe d’1,5 milliard et permet de s’assurer que le travail que nous avons identifié dans le Groupe d’études bénéficie d’une forme de continuité sur le pilotage de l’innovation des différents acteurs. La R&D, strictement de Défense, représente 820 millions d’euros. C’est un budget en augmentation de 8,3% entre 2019 et 2020. Nous sommes sur des enjeux de financement de l’innovation de rupture pour s’assurer que nos Armées vont bénéficier des technologies de pointe. Un sujet qui concerne la souveraineté nationale.

L’industrie de l’armement est-elle l’un des piliers constitutifs d’une Europe de la Défense ?

C’est un sujet essentiel si l’on parle, notamment, d’autonomie stratégique. Quand on voit l’évolution entre ce qui était le premier fonds, dont je parlais plus haut et ce qui passe pour 2021-2027 à 13 milliards pour le FED, on voit que l’industrie de la défense est une priorité.

Tous les regroupements réalisés, ou en perspective, que ce soit dans le terrestre ou le naval (par exemple entre Ficantieri et Naval Group), convergent pour créer une force européenne puissante et multi-pays. La France se trouve, ainsi, au cœur des projets, avec le SCAF, le futur avion de combat aérien, le char franco-allemand, avec Nexter, etc.

Nous avons, dans ce contexte, une place privilégiée, car nous sommes souvent intégrateurs de dispositifs dans un éco-système européen de PME. Nos grands industriels français – Dexter, Naval Group, Thales, Dassault, doivent être en capacité d’intégrer des solutions et des produits qui viennent de PME de toute l’Europe. C’est aussi l’un des enjeux du Fonds européen de Défense…

Propos recueillis par Cécile d’Orville