Marta de Cidrac
Sénatrice des Yvelines
Vice-présidente de la Commission de l’Aménagement du territoire et du Développement durable
Secrétaire de la Commission des Affaires européennes

Présidente du Groupe d’études sur l’Economie circulaire, Rapporteuse des Lois AGEC et Climat et Résilience, Marta de Cidrac est, notamment en pointe, en matière de combat pour la défense du papier et de l’imprimé face au tout numérique, mais aussi pour la maîtrise de l’empreinte carbone. Rencontre…

À rebours de ce que l’Assemblée nationale a voté, vous aviez souhaité réécrire l’article 9. Quelle était votre motivation ?

Le débat sur le Stop-pub a déjà eu lieu dans le cadre des auditions de la Loi AGEC. Le renforcement du Stop-pub et des sanctions attenantes ont été votés. Aujourd’hui, je ne reprends pas le débat. Si la Loi AGEC n’a pas tout résolu sur tous les sujets, elle a été votée, elle doit pouvoir se déployer, puis être évaluée. Je suis plutôt dans cet état d’esprit. D’une manière générale et notamment dans le domaine de l’environnement, il est important pour nos concitoyens que nous ayons de la stabilité et de la clarté dans nos propositions et nos votes. Le Stop-and-Go législatif est contre-productif. Il faut que cela s’inscrive dans un minimum de temps. Je n’écarte pas le Oui-pub par principe, je dis juste que le moment n’est pas opportun.

Le Oui-pub n’est-il pas aussi stigmatisant ?

J’avais argumenté deux autres aspects lors des auditions de la Loi AGEC. Le système Stop-pub signifie que l’on ne veut pas la publicité, mais dans le Oui-Pub il y a, d’une part, une connotation de la consommation par rapport à son voisinage. Et l’autre volet est plus social : dans ces publicités figurent des bons de réductions qui peuvent être un marqueur social ou de nécessité. Ce sont précisément les raisons pour lesquelles je n’étais pas en accord avec le Oui-pub proposé dans le texte.

Le Gouvernement est revenu à sa version de l’article 9…

J’en conclu qu’il y tient beaucoup. J’essaie, raisonnablement, de convaincre. Je ne veux pas en faire une affaire personnelle, mais je souhaite que la voix des élus soit entendue. De plus je souhaite rappeler que toute réflexion sur l’environnement a aussi des impacts éminemment sociaux.

Le Stop-pub a le mérite d’être clair sans être pour autant stigmatisant…

Ce texte de loi vient à la suite de la Convention citoyenne. Le Gouvernement souhaite lui laisser un gage comme beaucoup de leurs propositions n’ont pas été retenues. C’est une mesure emblématique. Mais je trouve que ceux qui ont accompagné les citoyens de la Convention auraient pu argumenter sur la loi déjà votée. Le travail parlementaire n’est pas quelque chose qu’il faut ignorer !

Le Sénat a voté en janvier une loi pour la sobriété numérique, dont la discussion va commencer à l’Assemblée. Ne croyez-vous pas qu’elle aurait dû s’inscrire dans la Loi Climat et Résilience, puisqu’elle vise aussi à réduire l’impact environnemental du numérique ?

Tout à fait… Je faisais partie de la mission d’information qui a abouti à ce texte. Je trouvais qu’il manquait plusieurs sujets dans cette loi, à l’instar de l’empreinte du numérique. J’ai donc discuté avec mes collègues à l’initiative de cette proposition et leur ai proposé de l’introduire dans La loi Climat et résilience. J’étais favorable à cet aspect. Mais ce texte a finalement été examiné par l’Assemblée nationale au moment où celui de Climat et Résilience était au Sénat et devait poursuivre son chemin jusqu’à une adoption définitive.

Quelles sont, à votre sens, les complémentarités entre
l’imprimé et le digital ?

Je pense que ce sont deux vecteurs qui ne touchent pas au même moment, le même public. L’usage et la temporalité ne sont pas les mêmes. L’imprimé s’inscrit durablement dans le temps alors que le numérique s’inscrit davantage dans l’immédiateté. Il faut garder cela en tête et les deux supports doivent continuer à exister.

Ne serait-ce pas une erreur de tout dématérialiser ?

En France, nous ne sommes pas tous équipés d’ordinateurs… Il reste des personnes qui ne sont pas à l’aise avec un écran. Et construire nos lois en pensant que tout le monde est à l’aise avec le numérique est une aberration.

D’autres sujets ne pourraient-ils pas être mieux pris en compte ?

Tout à fait ! Celui de l’énergie par exemple… Nous avons auditionné les «Conventionnels» avant même que les Rapporteurs soient désignés pour la Loi Climat et Résilience.

Autour de l’énergie, très peu de choses sont arrivées au niveau de la loi, notamment l’énergie décarbonnée qu’est le nucléaire, comme si cet aspect devait être occulté. Cela aurait eu le mérite d’ouvrir le débat pour que l’on puisse clarifier certaines choses. En tant que Législateur, cela me paraissait un sujet éminemment important et qui n’est pas à la hauteur des enjeux du texte annoncé qui était pourtant très attendu. Le 3ème volet, qui n’est pas dans mon périmètre en tant que tel, concerne le logement. Le volet climatique est abordé, en particulier à travers l’isolation thermique. Et pour qu’un logement soit performant, il manque deux supports que sont la ventilation – il ne peut pas avoir une bonne isolation thermique sans ventilation des volumes fermés – et, dans l’autre cas, le refroidissement ou le chauffage pour avoir un équilibre sain dans le logement. Or, la Loi Climat et Résilience ne l’aborde pas sous cet aspect-là. Cela peut être dommageable, car des investissements conséquents vont être mis en œuvre. La réflexion n’est pas totalement aboutie sur ce sujet et je le regrette…

Propos recueillis par
Patricia de Figueiredo.