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Thierry Renaudin
Thierry RenaudinPrésident de John Cockerill Defense

John Cockerill : Concepteur et intégrateur de systèmes d’armes complexes

Quel regard portez-vous sur l’industrie de la défense aujourd’hui ?

Un des enjeux majeurs de l’industrie de défense aujourd’hui est, pour moi, technologique… De ce point de vue, l’élément clé de la période que nous vivons est, bien sûr, la révolution numérique, qui imprègne tous les secteurs de la société. Le foisonnement d’initiatives qui en résulte dans le monde civil, coupé aux moins de financement qui y sont considérables, fait que les acteurs historiques de la défense ne sont plus, comme par le passé, les pionniers ou les moteurs de l’innovation industrielle. Dans la plupart des domaines technologiques liés au numérique, le tempo de l’innovation est maintenant donné par des développements hors défense, sans cesse renouvelés, à une vitesse qui bouscule les standards de développement cadencés des systèmes d’arme. L’État a cherché à répondre à ce challenge via la création de l’Agence de l’Innovation, mais les industriels doivent aussi, de leur côté, muscler leur capacité à être à l’écoute des technologies émergentes disponibles et à les intégrer au plus vite à leurs produits. C’est un défi majeur pour l’avenir !

En 2019, le nom du Groupe change et devient John Cockerill, du nom de son fondateur… Peut-on y voir un retour à la mission et aux valeur d’origine ?

Tout au long de l’année 2017, via plusieurs manifestations dans le monde entier, le Groupe a célébré le bicentenaire de sa création par John Cockerill, pionnier de la Révolution industrielle en Europe continentale. À cette occasion, nous avons eu la possibilité de renouer avec l’ADN de notre fondateur. C’est donc tout naturellement que s’est imposée l’idée de revenir au nom de John Cockerill, d’autant que le nom de CMI était largement partagé avec d’autres entreprises. À ce nom, sont étroitement associées les valeurs d’entreprenariat et d’innovation qui sortent le Groupe depuis que Bernard Serin lui a donné un nouveau souffle en tant que Directeur général et nouvel actionnaire de référence il y a plus de 15 ans.

Comment se déploie actuellement l’offre de John Cockerill en matière de systèmes d’armes multifonctionnels de forte puissance ?

L’offre de John Cockerill vise à fournir aux Forces armées des systèmes d’armes moyen et large calibres, ainsi que leur environnement collaboratif pour véhicules blindés à roues et chenillés à haute mobilité. Elle vise également à assurer la formation à l’utilisation et à l’entretien de nos systèmes, à fournir des moyens de simulation dédiés à la formation des utilisateurs et à la maintenance. Elle vise enfin à assurer la disponibilité des équipements de nos clients et l’intégration de nouvelles technologies tout au long de leur cycle de vie. Elle s’appuie essentiellement sur nos centres de compétences en Belgique et en France pour la conception et la production de systèmes d’armes et nos centres de compétence en France pour tout ce qui relève de la formation et des outils de simulation associés.

Comment définiriez-vous la singularité de cette offre ? En quoi les produits de votre Département « Défense » répondent-ils aux besoins actuels du marché, voire les devancent ?

En matière de calibres, en couvrant la gamme qui va du 25mm au 120 mm, l’offre de John Cockerill est, sans conteste, la plus large du marché, comme l’a illustré le symposium que nous avons organisé en 2018, dans le cadre d’Eurosatory. Elle est également spécialement conçue pour être intégrée sur des véhicules à haute mobilité via un dimensionnement adapté des forces de recul lors du tir. Enfin, cette offre intègre un concept de tourelles modulaires, ajustable à de multiples calibres, qui permet, en particulier, une optimisation en matière de formation et de maintenance. Dans nombre de pays, la question de la puissance de feu maximale liée à une mobilité accrue, s’impose de plus en plus, remettant en cause les choix du passé en matière de chars lourds. Notre offre large calibre a été spécialement développée pour permettre un compromis tout à fait unique dans ce domaine.

À quelles difficultés êtes-vous confrontés, en général, dans votre métier et à quelles contraintes devez-vous répondre en particulier ?

À l’instar de la plupart des sociétés d’ingénierie et de production du monde de la Défense nous sommes confrontés dans notre métier à un marché de renouvellement d’équipements en dent de scie, dont résulte un plan de charge très irrégulier. L’enjeu est donc de maintenir au sein de l’entreprise durant les phases de moindre activité les compétences très pointues dont nous avons besoin. C’est la raison pour laquelle l’un de nos axes de développement stratégique est de maximiser notre activité de soutien aux flottes afin de disposer d’un volume d’affaires récurrent. Toujours dans le domaine des compétences, un autre défi est celui du recrutement de profils qualifiés dans les domaines du logiciel et de l’électronique, domaines, qui, aujourd’hui sont de plus en plus au cœur de la différentiation de nos systèmes. Force est de constater que nous faisons face à un déficit de candidats dans ce secteur.

Y a-t-il une signature propre à la conception des procédés Cockerill® ? Et, plus particulièrement, qu’est-ce qui constitue votre valeur ajoutée ?

Nous sommes concepteurs et intégrateurs de systèmes d’armes complexes. Mais je dirais que ce qui caractérise notre signature dans la réalisation des programmes est notre agilité et notre engagement. Cela se traduit concrètement par notre capacité à mettre sur le marché des nouveaux systèmes en un temps record, bien en deçà des standards habituels du marché. C’est ainsi que nous avons développé et commercialisé en moins de 5 ans 4 variantes d’une tourelle modulaire habitée et non habitée, intégrant 2 calibres différents.

Quels sont les chiffres de John Cockerill Defense dans le monde ?

Depuis maintenant 5 ans, nous alignons un chiffre d’affaires de l’ordre de 500 millions d’euros. Nous rassemblons près de 800 collaborateurs à travers le monde, principalement en Belgique et en France et sommes présents dans plus de 10 pays.

Où en êtes-vous en matière de modélisation et de simulation embarquée, avec, notamment, votre partenaire, Agueris ? Quels types de modules de formation technique et tactique proposez-vous et pourquoi ?

Nous avons conçu et intégré nos outils de simulation au sein de modules de formation dispensés en particulier dans notre Centre de Formation de Commercy, dans la Meuse. Couplés à la simulation, ces modules de formations permettent d’appréhender l’utilisation pratique et la maintenance de nos systèmes, mais aussi de s’entraîner à l’évolution tactique coordonnée de plusieurs systèmes sur le champs de bataille. Les outils de simulation développés par notre filiale, Agueris basée à Velizy, émulent parfaitement le comportement de nos tourelles, dont ils intègrent les éléments d’interface Homme/Machine, ainsi que les éléments de logiciel relatifs au tir balistique. Ils peuvent être déployés via des PC en salle ou directement en tourelles, via l’injection des scénarii d’instruction sur les écrans de l’équipage. Au-delà de la simulation des systèmes d’armes de John Cockeril| Defense notre filiale, Agueris, élabore également des outils de simulation pour des drones, comme, par exemple, dans le cadre d’un contrat avec Safran pour des navires, dans le cadre d’une collaboration avec Naval Group. Agueris s’est, en outre, positionnée en consortium avec d’autres sociétés pour fournir les simulateurs du programme Scorpion.

À quoi ressembleront les armes du futur conçues par John Cockerill ? Et quels sont les prochains grands défis que vous vous êtes fixés ?

Comme tous les systèmes d’armes du futur, ceux conçus par John Cockerill feront un large appel aux technologies combinées de la reconnaissance situationnelle, de la robotique et de l’intelligence artificielle, pour accélérer et faciliter la prise de décision des équipages. C’est un axe d’innovation majeur. Au-delà des défis technologiques que cela représente, nous devrons convaincre les Armées de la pertinence et de la robustesse des solutions que nous proposons.

Un des premiers programmes que nous ciblons concerne la France et le remplacement à venir des VBLs par le VBAE, dans la deuxième phase du programme Scorpion, dans lequel notre ADN de société franco-belge, forte de l’expérience du programme CAMO, rend légitime notre positionnement.

Un autre défi que nous nous fixons à court terme est d’entrer en force sur le marché américain, en proposant une tourelle moyen calibre 30mm, dont le prototype a été développé en partenariat avec l’Armée américaine.

Site web : johncockerill.com