Au cœur de l’actualité, le Kazakhstan apparaît comme l’un des pays avec lesquels il faut désormais compter dans les domaines des Affaires étrangères et de la Diplomatie. En exclusivité, le Ministre Kaïrat Abdrakhmanov fait le point pour les Nouvelles Diplomatiques.

Le Kazakhstan apparaît, de par sa position géostratégique, comme l’un des nouveaux pays en pointe dans le domaine de la politique internationale. À ce titre, il entend intervenir dans des zones d’influence, dont il était jusqu’à ce jour éloigné. Nous pensons, notamment, à la Syrie…

Il est bien vrai qu’en raison de notre politique étrangère, nous ne faisons partie d’aucun conflit international. En effet, nous entretenons des relations amicales avec tous nos voisins et partenaires. Notre approche géostratégique et politique fait que nous pouvons jouer un rôle constructif et servir de pont entre les pays et les cultures différentes. C’est bien pour cela que nous sommes particulièrement impliqués pour gérer ce Processus d’Astana sur la Syrie. Par définition, le Processus vise à améliorer et à surveiller un régime de cessez-le-feu. Notre participation démontre donc notre engagement pour la paix et la stabilité dans cette région…

La Russie est votre grand allié. Cependant, sa stratégie vis-à-vis de la Syrie diffère de celle de l’Occident. Favorisez-vous plutôt la politique russe, qui soutient Bachar El-Assad ou la politique occidentale qui pousse à ce qu’Assad démissionne ?

Je n’y vois pas forcément de grande contradiction. Les principes fondamentaux du droit international doivent être respectés, y compris l’intégrité territoriale de la Syrie. Je pense que toutes les parties intéressées doivent adopter une approche constructive pendant le processus de Genève : c’est la seule possibilité pour trouver une solution.

Votre pays est le premier État de l’Asie centrale élu au Conseil de Sécurité des Nations-Unies. Comment pourriez-vous résumer la politique que votre diplomatie entend mettre en action ?

Nous avons plusieurs priorités que nous avons formulées lors de notre adhésion au Conseil de Sécurité. Tout d’abord, c’est un monde exempt d’armes nucléaires d’ici 2045. Nous visons également à faire de l’Asie centrale un exemple pour la région, fondé sur les piliers de la sécurité, de la paix, de la coopération et du développement. Cependant, une priorité définitive est de lutter contre le terrorisme international et l’extrémisme. À cette fin, nous proposons de constituer une coalition antiterroriste mondiale. Nous avons en outre une priorité en matière de paix et de sécurité en Afrique, car ces questions apparaissent sur l’Agenda du Conseil de sécurité. Dans ce cas précis, nous parlons notamment de la consolidation de la paix, de la protection de l’environnement, de l’aide humanitaire et de la réconciliation. Il existe de plus un véritable besoin dans le domaine de la sécurité et du développement, car les deux sont étroitement liés. Enfin, nous souhaitons que le changement climatique puisse aussi être inscrit dans l’Agenda.

En tant que Membre non permanent pour 2017-2018, le Président Nazarbaïev a insisté, notamment, sur l’importance de son engagement dans le domaine de la non-prolifération nucléaire. Entend-t-il prendre des initiatives particulières, au regard du problème des armes nucléaires sur la péninsule de Corée, par exemple ?

En prenant en compte notre contribution dans le domaine de la non-prolifération et du désarmement nucléaire, nous estimons que le Kazakhstan peut également jouer un rôle et aider à ramener la Corée du Nord à la table des négociations. Ceci, comme vous pouvez l’imaginer, est plus facile à dire qu’à mettre en œuvre ! Même si le Kazakhstan a co-parrainé toutes les résolutions limitant la Corée du Nord dans son accès aux armes nucléaires, nous encourageons indéniablement la reprise des efforts multilatéraux. Tous les pays et les parties concernés doivent prendre en considération les intérêts légitimes des uns et des autres. Dans cette perspective, nous soutenons, par exemple, l’initiative de la Chine, qui procède étape par étape et prend des mesures afin de renforcer la confiance mutuelle pour prévenir une nouvelle escalade de la confrontation. Afin de créer des mesures efficaces, nous avons besoin en premier lieu que toutes les parties prennent en compte leurs préoccupations mutuelles. Il s’agit en réalité d’un message assez fort pour la Corée du Nord – la nécessité d’observer non seulement la résolution de l’ONU, mais aussi d’acquérir une compréhension de l’ordre international existant aujourd’hui.

Votre pays, de par sa proximité avec l’Afghanistan, s’investit dans la lutte contre la menace terroriste. Comment voyez-vous votre relation avec ce pays ?

Tout d’abord, j’aimerais faire un point important. Au Kazakhstan, nous n’envisageons pas l’Afghanistan comme une menace. Au contraire, nous considérons ce pays comme un véritable partenaire. Il s’agit de notre position commune en Asie centrale et nous travaillons en étroite collaboration avec eux dans certains projets économiques communs liés au commerce, aux investissements, aux infrastructures et à l’utilisation correcte du potentiel de transit entre l’Asie centrale et l’Afghanistan. Certes, il y a de nombreux défis émanant de l’Afghanistan, y compris le terrorisme, le radicalisme, l’immigration clandestine, le trafic de drogue, etc. C’est pourquoi nous souhaiterions que le Conseil de sécurité prête une attention particulière, non seulement à la réhabilitation de ce territoire, mais aussi de son engagement dans les processus régionaux afin d’atteindre un développement socio-économique durable.

Quel type d’aide procurez-vous à l’Afghanistan ? Et pouvez-vous préciser en quoi consiste le « Code d’Astana » ?

Le Kazakhstan a fourni 50 millions de dollars aux programmes d’éducation en Afghanistan. Des milliers d’étudiants afghans poursuivent leurs études dans nos universités depuis 2007. Et ensemble, nous mettons en œuvre un projet visant à faire participer les femmes à la fonction publique. Un autre projet actuellement étudié, est le « Code d’Astana », qui vise à lutter contre le terrorisme et l’extrémisme. Dès qu’il sera prêt, il sera pris en compte et évalué par les Etats membres des Nations Unies et les membres du Conseil de sécurité.

La chute de l’Afghanistan et de l’Irak a été provoquée par l’intervention des États-Unis. Quel regard portez-vous sur celle-ci ?

L’invasion appartient maintenant au passé. Aujourd’hui, la présence des forces internationales en Afghanistan offre une protection, en particulier en Asie centrale et nous apprécions énormément les efforts de la communauté internationale pour améliorer la paix et la sécurité dans cette région. C’est pourquoi, nous demandons aux États-Unis, à la Russie comme à l’OTAN de coopérer étroitement avec l’Afghanistan pour fusionner leurs efforts, non seulement dans le combat contre les terroristes et les extrémistes, mais aussi pour renforcer le régime de contrôle des frontières, ainsi que la sécurité, afin de permettre la paix et la réconciliation. Nous comprenons que ce n’est pas facile, mais c’est la seule option désormais.

À tous ces éléments qui contribuent à mettre le Kazakhstan sur le devant de la scène mondiale, s’ajoute l’Expo 2017. Son thème, l’énergie du futur, vise à attirer l’attention de la Communauté internationale sur l’utilisation rationnelle des énergies. Quels sont précisément vos ambitions en ce domaine ?

Jusqu’à présent, plus de onze pays participent à l’Expo. Le thème est très important : l’avenir de l’énergie. Pourquoi avons-nous choisi ce thème ? Parce que nous estimons que les problèmes énergétiques au niveau mondial doivent être pris très sérieusement en considération. Prenez, par exemple, l’Afrique ou les petites îles du Pacifique ou même l’Eurasie ou l’Asie centrale. Dans tous ces cas, les préoccupations en matière d’énergie sont considérables. Nous parlons, bien sûr, de l’efficacité de l’approvisionnement énergétique, de l’accessibilité et des énergies renouvelables. En ce qui concerne les actions récentes dans ce domaine, nous avons ratifié l’accord climatique de Paris que nous allons mettre en œuvre. En outre, nous avons créé notre propre concept d’économie verte et une stratégie spéciale en matière d’énergie durable. Nous avons une stratégie à long terme, ce sont donc des mesures législatives que nous allons prendre…

Comment définiriez-vous les relations entre la France et le Kazakhstan ? Quels sont les domaines à approfondir ?

Les statistiques sont très significatives. La France est l’un des cinq principaux partenaires d’investissement et de commerce pour le Kazakhstan. La France est également notre partenaire stratégique parmi les alliés occidentaux. Presque toutes les grandes entreprises françaises sont présentes au Kazakhstan dans les domaines tels que la haute technologie, les nouvelles technologies, l’informatique, la gestion, l’éducation et bien d’autres. Pour le Kazakhstan, la France est, de plus, exemplaire, en termes de patrimoine culturel. Nous partageons des points de vue communs sur les grands enjeux internationaux et nous n’avons pas de conflit d’intérêts.
Au contraire, nous pouvons facilement attirer notre attention sur le règlement de la crise au Moyen-Orient. Pour toutes ces raisons, nous libéralisons notre régime de visas et nous espérons que la France aussi proposera de son côté un régime de visa gratuit. Dans l’ensemble, je dirais que nous avons une relation ouverte et sincère entre nos deux pays, puisque le partenariat stratégique existe non seulement en paroles, mais aussi en réalité…

 

Propos recueillis par
Olivier de Tilière
et Marina Yaloyan

Kaïrat Abdrakhmanov, ministre des Affaires étrangères du Kazakhstan

Le Ministre Kaïrat Abdrakhmanov (au centre), avec Olivier de Tilière, directeur de la rédaction et Marina Yaloyan, directrice des relations internationnales