Juliette Méadel
Juliette Méadel Secrétaire d’État auprès du Premier ministre,
chargée de l’Aide aux victimes

Juliette Méadel

Secrétaire d’État auprès du Premier ministre,
chargée de l’Aide aux victimes

Quel premier bilan tirez-vous de votre entrée au Gouvernement ?…

Le Secrétariat d’État a été créé en février dernier. Notre champ d’intervention s’est progressivement élargi, au-delà des victimes de terrorisme. Je pense notamment aux victimes d’accidents collectifs ou de catastrophes naturelles, telles que les inondations survenues en juin dernier. Il y a un besoin d’incarnation politique et de lisibilité de l’action en faveur des victimes. J’y vois le reflet d’une évolution de notre société qui réclame une protection croissante, ainsi qu’une prise en compte renforcée des plus vulnérables.

Comment aidez-vous concrètement les victimes au quotidien ?

L’une de mes préoccupations, c’est de gérer le jour d’après un drame…

Outre le renforcement de la prise en charge des victimes dans l’urgence, nous avons pris des mesures concrètes : création d’un site (guide-victimes.gouv.fr), qui centralise toutes les informations utiles et permet de réaliser les principales démarches en ligne ; exonérations fiscales pour les ayants-droits des personnes décédées ; paiement intégral des soins par la sécurité sociale ; possibilité pour les associations de victimes, sans condition d’ancienneté, de se constituer partie civile… ce sont des acquis importants.
J’ai été auditionnée, en juin dernier, par la commission d’enquête parlementaire relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme. Son Président, Georges Fenech, a indiqué : « Nous ne pouvons que nous féliciter de toutes ces mesures, qui ont été annoncées dans un temps record ! ». Le rapporteur, Sébastien Pietrasanta, a recommandé que le Secrétariat d’État soit pérennisé et que des moyens dédiés lui soient octroyés. L’impérieuse nécessité d’aider les victimes nous anime tous !

Les Comités Locaux de Suivi des Victimes (CLSV) sont-ils désormais effectifs sur toute la France ou sont-ils uniquement organisés, géographiquement, là ou des attentats ont eu lieu ? Les Préfets ont-ils mission de créer partout cette structure ? 

Après l’attentat de Nice, j’ai décidé de créer des CLSV, qui réunissent, autour du Préfet, les acteurs et les professionnels de l’aide aux victimes. Au plus près des besoins des victimes, ces Comités sont en cours de déploiement : 60 départements sont concernés par le suivi des victimes de l’attaque de Nice. Mon objectif est d’étendre ces Comités locaux aux catastrophes naturelles et aux accidents collectifs. Il faut systématiser ces CLSV, en déclinant ce que nous faisons pour le terrorisme à tous les autres champs de l’aide aux victimes. Les CLSV sont une déclinaison locale du CISV : le Comité national que je réunis tous les mois pour coordonner l’action des différents ministères.

Vous avez assuré vouloir indemniser également les victimes psychologiques… Comment procéder à une évaluation et sur la base de quels critères ?

Pour clarifier les critères d’indemnisation des victimes de l’attentat de Nice, un Conseil d’administration du FGTI s’est réuni début septembre à ma demande. Le Fonds indemnisera les proches des gens assassinés et tous ceux qui ont été exposés au danger, que leurs blessures soient physiques ou psychiques. Par ailleurs, tout individu présent à Nice et qui se sent traumatisé peut aller consulter gratuitement un psychiatre ou un psychologue de la ville, sans avancer les frais…

Et il a été décidé, avec la Ministre de la Santé, de mettre en place un forfait de 10 séances, remboursées chacune à hauteur de 50 euros.

Concrètement, combien y a-t-il de dossiers suivis par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme (FGTI) ?

Pour les victimes d’attentats terroristes perpétrés en France et à l’étranger en 2015 et 2016, le FGTI a ouvert près de 5 000 dossiers d’indemnisation et versé 56,3 millions d’euros de provisions. Le 19 septembre dernier, lors d’un hommage aux 230 victimes tuées par les terroristes depuis septembre 2015, organisé par les associations, le Président de la République a annoncé un renforcement du système d’indemnisation : « Les règles ne peuvent plus rester les mêmes ». Le processus d’indemnisation ne doit pas être vécu comme une épreuve supplémentaire. Les annonces s’inscriront dans la continuité du travail engagé avec le FGTI et les associations pour humaniser et professionnaliser ses relations avec les victimes et améliorer la transparence de ses procédures.

Le budget dont vous disposez ne peut, par définition, être prévu à l’avance, puisqu’il dépend, malheureusement, d’une actualité imprévisible. Dès lors, comment votre Secrétariat d’État fonctionne-t-il ?

Le financement de la politique publique de l’aide aux victimes est une priorité du Gouvernement : il est passé de 12 à 25 millions d’euros de 2012 à 2016. Une nouvelle hausse est prévue, puisque le projet de loi de finances de l’année 2017 consacre 28 millions à l’aide aux victimes. Je me réjouis que les associations en soient les premières bénéficiaires. Elles jouent un rôle essentiel. Par exemple, à la suite de l’attentat de Nice, l’association d’aide aux victimes locale « Montjoye » a été subventionnée par l’État à hauteur de 300 000 euros, pour animer un espace d’information et d’accompagnement. Cet espace doit accueillir toutes les personnes qui expriment un besoin en rapport avec l’attentat.

Vous êtes confrontée en permanence à la détresse humaine… Cela aide-t-il à remettre en perspective les aléas de la vie politique au quotidien ?

Mon rôle est d’être auprès des victimes lorsqu’un événement dramatique survient et de les accompagner, dans la durée, le plus concrètement possible. Le jour où un avion de la compagnie Egypt Air a disparu des écrans radars, le 19 mai dernier, je me suis immédiatement rendue au lieu où les familles étaient accueillies à Roissy. J’étais avec elles lorsqu’elles ont appris que l’avion s’était abimé en mer. La mère d’un passager m’est tombée dans les bras, sa détresse était terrible. Je l’ai assurée que l’État serait toujours à ses côtés. Jamais vous ne pouvez vous résigner après ça ! Le combat pour aider les victimes est une impérieuse nécessité.