Monsieur le Premier ministre,
Après que la proposition de loi « sécurité globale » ait été débattue à l’Assemblée Nationale et avant même qu’elle ne soit examinée par le Sénat, vous avez annoncé l’instauration d’une Commission « indépendante », chargée de la réécriture de son article 24.
Cette décision, que nous contestons, constitue une nouvelle marque de mépris à l’égard du Parlement et singulièrement du Sénat.
Alors que ce texte suscite de vives critiques et cristallise les tensions, le pouvoir exécutif décide de s’en remettre à des experts, qui ne représentent qu’eux-mêmes, plutôt qu’aux Parlementaires qui représentent le peuple français.
Confier à des magistrats le soin de réécrire la loi, c’est risquer d’ajouter à la confusion des rôles constitutionnels de chacun.
Alors que cette semaine, le Ministre de l’Economie n’a pas jugé utile d’être présent devant les Sénateurs lors des débats sur le projet de loi de finances, le Gouvernement marque, une nouvelle fois, son peu de considération pour le Sénat.
Monsieur le Premier ministre, le Sénat n’est pas une instance consultative. Sa mission est de faire la loi, en toute liberté, comme le prévoit la Constitution et le pouvoir exécutif ne dispose d’aucun droit pour affaiblir ceux du Sénat.
Aussi, les Groupes parlementaires que nous représentons estiment de leur devoir de vous signifier, respectueusement mais fermement, qu’ils n’acceptent pas qu’une Commission ne cherche à forcer celle des Sénateurs. Le Sénat est libre et il le restera.
Cette décision, injustifiable au regard de l’esprit de notre Constitution, nous apparaît également incompréhensible, compte tenu de la situation que traverse notre pays.
Pourquoi ajouter aux désordres économiques, sociaux ou budgétaires créés par l’épidémie, un désordre institutionnel ?
Pourquoi, alors que les Français déplorent chaque jour la gestion bureaucratique de la crise, faire le choix, avec cette Commission d’experts, de la technocratie plutôt que de la démocratie ?
Pourquoi, alors que notre démocratie représentative est fragilisée, accroître la crise de légitimité en affaiblissant un peu plus les représentants du peuple français ? Pourquoi alimenter la défiance au lieu de reconstruire la confiance ?
Monsieur le Premier Ministre, face aux lourdes épreuves que la France traverse, les Français ont besoin de clarté et de concorde. La clarté, vous ne le ramènerez pas en cherchant à corseter ou à étouffer le débat sur une proposition de loi qui, parce qu’elle cristallise les tensions, exige la libre expression de toutes les opinions. La concorde, vous ne l’obtiendrez pas en niant les droits du Sénat et en vous privant de l’esprit de responsabilité des Sénateurs quand il s’agit d’équilibrer les exigences de sécurité et de liberté.
Aussi, nous vous demandons, au nom des Groupes parlementaires que nous représentons, de reconsidérer votre décision et de permettre que le Sénat examine en toute liberté, dans le respect de l’équilibre institutionnel et de l’esprit de notre Constitution, la proposition de loi « sécurité globale ».
Nous prions de recevoir, Monsieur le Premier Ministre, l’assurance de notre considération.
Hervé Marseille, Président du Groupe Union Centriste
Bruno Retailleau, Président du Groupe Les Républicains au Sénat
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