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mplifiée par les micros, la voix caverneuse d’André Malraux évoquant Jean Moulin au moment, entre tous historique du transfert de ses cendres au Panthéon en présence de sa sœur, survivante, Laure, et de De Gaulle, son allocution radiodiffusée et retransmise alors en direct sur les ondes nationales par un jour glacial de décembre 1964 a longtemps retenti pour beaucoup de Français aujourd’hui septuagénaires (et bien  au-delà, ce qui n’est plus rare) comme une oraison funèbre portant sa célébration à un degré d’incandescence tel qu’elle semblait avoir fait fusionner la figure de légende avec l’homme qu’il avait dû être, en le transformant en totem, en présence même du démiurge de la France Libre. Dramaturge en renom, J.M.Besset nous a déjà fait voir plusieurs de ses pièces en jouant sur des registres très divers. Alias Rex, alias Max, Jean Moulin n’a cessé de l’habiter, de le hanter pendant une vingtaine d’années :  en voici le fruit, mais nous n’aurons pas attendu ces deux décennies pour rien. Remarquablement distribuée – et là, il faudrait presque nommer un à un plus d’une douzaine d’interprètes, notamment les trois comédiennes, dans une mise en scène et une scénographie efficaces par leur minimalisme même, en se détachant du peloton, se distingue l’étoile montante du théâtre français : Arnaud Denis, que l’on avait déjà vu casser la baraque dans Molière et dans Oscar Wilde, comme dans… Besset.

A l’égal d’un Maxime d’Aboville, mais sans rivalité possible entre leurs talents tant il sont différents, Denis transcende tout ce qu’il nous offre. Son Jean Moulin est tout autre chose qu’une image d’Epinal : il vit, et parfois même, vit de malentendus – mais il est là, bien vivant, avec ses amours inachevées et ses compagnons d’héroïsme, rivaux potentiels, tous en péril de mort violente et cela, c’est bouleversant. A l’issue du spectacle, vendredi soir, en félicitant l’auteur, Nicolas Sarkozy  lui a dit combien il avait été touché, par-delà la mythification née du célèbre discours de Malraux, de rencontrer cette fois un être humain aussi riche de complexité, le dénommé Jean Moulin. On ne saurait y souscrire plus que votre serviteur, qui a ajouté à Besset, sortant juste de scène : oui, mais il fallait les deux. Au Théâtre 14, vous avez la seconde face jusqu’ici occultée. Il faut se dépêcher d’ aller applaudir un chef-d’œuvre tant qu’il est là, et respire sous nos yeux.

Alain Malraux

                

Théâtre 14,
Mercredi – jeudi 19h,
Vendredi – mardi 20h30,
Samedi 16h et 20h30 

20, avenue Marc Sangnier (XIV°)
Métro Porte de Vanves
Tél. 01 45 45 49 77

Une mise en scène et une scénographie efficaces par leur minimalisme…