L’enfer est, dit-on, pavé de bonnes intentions. La loi dite de « moralisation de la vie publique », pourrait en être le symbole…

À commencer par son nom.

Opportunément débaptisée pour se transformer en « loi pour la confiance de la vie démocratique », elle fleurait bon, dans son appellation précédente, une vigilance toute victorienne, matinée d’un certain poujadisme bien pensant, qui prêtait à sourire, tant il est vrai que lorsque le politique commence à invoquer la morale, on peut souvent s’attendre au pire. Celle-ci étant, par essence, quelque chose de personnel, vouloir légiférer avec ce mot ne pouvait donc que faire frémir. De mauvais esprits avaient même demandé, en évoquant malicieusement l’Afghanistan : à quand un Ministère pour la promotion de la vertu et la répression du vice?
Il fallait donc redonner confiance en la vie démocratique. Projet aussi louable qu’ambitieux, car une simple loi paraît, malgré tout, bien inefficace en pareil cas.
Qui pourrait en effet sérieusement penser, qu’une fois publiée au Journal Officiel, elle aurait suffi à terrasser tel ou tel de nos édiles les plus indélicats ?

On a donc commencé par vouloir régler le cas des emplois dits « familiaux ».

Le législateur s’est un peu pris les pieds dans le tapis, sous-entendant qu’un emploi familial est forcément fictif ! Et puis, quel mal y a-t-il à condition, c’est évident, que le travail fut réellement effectué, de collaborer avec son épouse, comme dans la société civile ? Allez donc l’interdire aux commerçants ou aux professions libérales et on verra, alors, la bronca qui sera déclenchée ! Et pourquoi pas, également, ne pas l’imposer, par exemple, aux organisations syndicales, qui, chacun le sait, ne font jamais engager de membres de leurs familles ? Trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende : il est certain que le législateur, pressé de partir en vacances, n’a pas fait dans la finesse, puisqu’il s’agit d’une peine habituellement réservée… aux voleurs (article 131-4 du code pénal) !

Puis, on s’est attaqué à cette fameuse réserve parlementaire qui suscite tant de réprobation. Personne n’a jugé prudent de s’y opposer. Alors qu’il suffisait simplement de l’encadrer et de la soumettre à un régime déclaratif.

Dans une société profondément grippée, qui a tant besoin d’un peu d’huile dans ses rouages, ladite réserve permettait au député ou au sénateur de traiter directement mille petits dossiers, pour éviter qu’ils ne se perdent dans les méandres de l’administration. Il manquait quelques milliers d’euros pour les Restos du cœur ou le spectacle de fin d’année du troisième âge ? Notre parlementaire pouvait y remédier et doter, en prime, l’association des joueurs de pétanque du coin. Désormais ceux-ci, au nom de la morale républicaine n’auront plus rien. Sans doute s’agit-il d’un progrès…

Mais le plus comique sera, prenons en le pari, d’entendre dans peu de temps, ceux qui vont se plaindre de voir baisser leurs dotations…

Régis Juanico, Député PS, a d’ailleurs fort justement rappelé que sa supression entrainait la disparition de 40 millions d’euros pour les associations.

Pleine de bonne volonté également cette peine complémentaire d’inégibilité en cas de crimes ou de manquement à la probité. Mais qui sera à même de trouver la limite pour un fait de discrimination, d’injure ou de diffamation publique ? On tremble rétroactivement lorsque Victor Hugo traitait Napoléon III de Naboléon, lorsque Jacques Chirac coupait la parole à Laurent Fabius en lui demandant de cesser d’intervenir comme un roquet, ou Pierre Lellouche avertissant Jean-Luc Mélenchon : « on serait au XIX siècle, je vous provoquerai en duel et je vous flinguerai. Malheureusement je ne peux pas ».

Bien sûr, on ne peut que louer la création d’un statut pour les assistants parlementaires (enfin !), la mise en place d’une banque de la démocratie ou la définition d’un système de contrôle des frais arrêté par le bureau de chaque Assemblée, ce qui relève du simple bon sens et qui, curieusement, n’avait jamais été fait. Mais que de bruit et de fureur pour en arriver là !

Raymond Barre avait vu juste : « il faut mettre un frein à l’immobilisme»…

Le législateur, pressé de partir en vacances, n’a pas fait dans la finesse…