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« Moderniser nos méthodes de travail »

Christian Poncelet, Président du Sénat

Législateur avisé, contrôleur vigilant, évaluateur efficace, le Sénat a retrouvé sa place, au sein de nos institutions républicaines. Certes, mais quelle est la place de nos institutions dans une société en proie à une crise de la démocratie représentative, à une crise du politique davantage que de la politique ? Cette question ne peut être éludée, ni esquivée, car les avertissements se multiplient : nous devons contribuer à une refondation du lien entre les institutions et les citoyens. C’est une urgence nécessaire ! C’est une ardente obligation car il y va de la survie de notre modèle républicain. Dans cette perspective, il nous faut résister à la tentation de « vivre cachés » et prolonger résolument notre politique d’ouverture destinée à mieux connaître le Sénat afin de donner un écho accru à ses travaux. L’ouverture est un moyen au service d’une fin : la pérennité du Sénat au service de nos concitoyens. Dans un monde en pleine mutation, ou plutôt en transition difficile vers une nouvelle donne, le Sénat doit faire vivre sa vocation d’assemblée de proximité. Le Sénat doit être, plus que jamais, à l’écoute permanente de la société grâce à son assise constitutionnelle de représentant des 37 000 collectivités territoriales et des 500 000 élus locaux qui se trouvent au plus près des réalités du terrain et des préoccupations de nos concitoyens. Chambre de réflexion, laboratoire d’idées, le Sénat doit éclairer l’avenir des Françaises et des Français pour contribuer à l’indispensable modernisation de la société. Mais comment faire pour remettre l’hémicycle au cœur du débat républicain alors que nous sommes accaparés, jour et nuit, par une inflation normative, une frénésie législative, une boulimie textuelle ? Le florilège est connu : « il ‘ a trop de lois, trop de lois qui tuent la loi ». Ou encore : « la loi bavarde, la loi tatônne, la loi hésite, la loi bafouille ». Pauvre parlement ! Ces critiques oublient ou font mine de passer sous silence que c’est le Gouvernement, ce sont les ministères qui sont les auteurs principaux des lois. Quant aux propositions de lois et d’amendements déposés par les parlementaires, ils procèdent d’une demande de la société. D’une société en manque de références ou de répères qui se tourne de plus en plus vers la loi pour fixer les règles du pacte républicain, conforter « le vouloir vivre ensemble » et obtenir des « rassurances ». Les lois contiennent-elles trop de dispositions réglementaires ?

A dire vrai, la frontière entre la loi et le règlement ne doit pas être sacralisée. Qui dit loi abstraite et générale dit loi à la merci des décrets d’application. Qui dit loi éthérée dit loi moins compréhensible par le citoyen alors qu’une loi plus complète apparaît comme une loi plus immédiatement applicable. Ces considérations étant émises, la question demeure : que faire, face à la demande de lois tous azimuts ? Le problème n’est plus de moins légiférer mais de mieux légiférer et surtout de légiférer autrement, en privilégiant le débat en commission pour les textes techniques, afin de nous garder du temps dans l’hémicycle pour organiser des débats sur des questions de société, des débats susceptibles de déboucher sur des propositions de lois. Cette réflexion sur l’inéluctable rénovation de nos méthodes de travail législatif s’avère désormais incontournable. C’est pourquoi dès la rentrée parlementaire d’octobre 2005, j’ai proposé de créer un groupe de réflexion sur la modernisation des méthodes de travail du Sénat. Ce groupe représentatif de toutes les forces politiques du Sénat, devra dresser un bilan coûts – avantages de la session unique et surtout rechercher, après examen des expériences étrangères, toutes les solutions, même les plus novatrices, pour améliorer notre façon de travailler, dans le respect des droits de tous les parlementaires, et bien sûr de la minorité. Cet objectif nous rassemble tous, car tous ensemble nous avons une préoccupation commune : mieux travailler et améliorer la qualité et la lisibilité des travaux du Sénat.

Cette réflexion sur l’indispensable modernisation de nos méthodes de travail s’avère d’autant plus nécessaire et urgente qu’il nous faudra également dégager du temps, dans l’hémicycle, pour affirmer, renforcer et valoriser notre fonction de contrôle et d’évaluation des politiques publiques comme nous y incite notre nouvelle constitution financière. Le contrôle, c’est une affaire de volonté politique et, au delà de volonté institutionnelle. Dans cette perspective, je souhaite mobiliser tous les sénateurs au service d’un bicamérisme rénové, d’un bicamérisme ressourcé, d’un bicamérisme pérennisé, qui doit contribuer à rapprocher nos concitoyens des institutions de leurs, de notre République.