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Europe : fédération ou confédération ?

par Roland Nungesser, Ancien Ministre, Président de « Carrefour du Gaullisme ».

Roland Nungesser, Ancien Ministre, Président de « Carrefour du Gaullisme ».
À un moment où des décisions cruciales doivent être prises pour l’avenir de l’Europe, de nombreuses références sont faites aux options du Général de Gaulle dans ce domaine, donnant lieu à des interprétations divergentes, voire contradictoires. Aussi, « Carrefour du Gaullisme » estime-t-il indispensable de rappeler les propositions du Général, en montrant qu’elles sont valables pour aujourd’hui, comme elles l’étaient hier et le seront encore demain. Quelles autres solutions, en effet, peut-on apporter aux problèmes actuels et futurs de la construction européenne que celles inspirées par le Général de Gaulle ?

Si, contrairement à ce que certains ont dit et répété, le Général de Gaulle était un ardent partisan de la construction européenne, il avait sur celle-ci des idées très précises.

D’abord, il était hostile à toute formule fédérative qui aurait pour effet de dissoudre les États et les nations dans un super État. Il jugeait cette formule illusoire, car elle lui apparaissait théorique dans la mesure où ses plus ardents défenseurs ne la prêchent que tant que les intérêts de leur propre nation ne sont pas en jeu. À ce propos, je me souviens qu’au retour d’un Conseil des Ministres de la Communauté à Bruxelles, le Général m’avait demandé si M. Luns, le Premier ministre néerlandais, fédéraliste acharné, était toujours aussi supranationaliste. Je lui avais répondu : « Oui, mon Général, farouchement tant que nous n’avons pas à discuter du prix des fromages en Hollande. »

Cette prédominance des intérêts nationaux, source de conflits multiples, rendrait cette construction artificielle et donc fragile. Cela est d’autant plus vrai aujourd’hui que, pour des raisons politiques évidentes, nous devons élargir l’Union aux nations qui se sont libérées du joug communiste. Ces nations auraient encore plus de difficultés à s’adapter aux règles d’une vaste Fédération.

Il faudra déterminer une série de formes d’adhésions évolutives, permettant leur entrée dans l’Union tout en facilitant leur adaptation progressive aux règles de fonctionnement. Or une telle démarche serait fondamentalement incompatible avec des institutions fédératives. Le Général de Gaulle considérait que l’intégration dans un système fédéral de nations très différentes par leur histoire, leur langage, leur culture, leurs traditions, n’était pas viable. Les États américains et les Landers allemands ont pu constituer une fédération parce qu’ils partagent des éléments communs, ce qui diffère de véritables nations.

Le caractère fragile des fédérations constituées artificiellement peut ne pas apparaître tant que ces fédérations sont sous la coupe d’un régime totalitaire. Mais dès qu’un vent de liberté souffle, la renaissance des nations, jusque-là étouffées, fait éclater brutalement l’ensemble, souvent de façon d’autant plus dramatique que leur écrasement a été prolongé. Les exemples de l’URSS et de la Yougoslavie en sont une démonstration incontestable.

La Confédération des États, que le Général de Gaulle n’a cessé de prôner, est la seule formule permettant une Union solide tout en étant ouverte, facilitant l’adhésion de nouveaux membres. Il est faux de prétendre que cette formule ne permettrait pas une union efficace. Les délégations de souveraineté que le Général envisageait dans de nombreux domaines, notamment diplomatique, militaire, économique, culturel et même monétaire, suffisent à bâtir une véritable Union européenne.

« Chi va piano, va sano ». Rappelons-nous ce vieux dicton plein de sagesse : construisons sérieusement l’Europe, ne la bâclons pas !

Roland Nungesser,
Ancien Ministre,
Président de « Carrefour du Gaullisme »