« Monsieur le Député »

Le beau mot de « Député » (car il résonne avec une dignité particulière à travers ses trois syllabes) a connu, pour qui sait observer, les fortunes les plus diverses. Monsieur le Député : vous avez, sous ce nom, été envoyé spécial auprès d’Alexandre, délégué auprès des Parthes, représentant auprès des stratèges grecs et du Grand Turc, chargé de mission auprès de Gengis Khan ou de Guillaume de Hohenzollern… Sous la Révolution française, on vous envoya aux États-Généraux, mais démembré en trois, vêtu des trois habits de la haine, bouillis dans la marmite tumultueuse de l’histoire. Vous voilà redevenu ce que vous êtes, Monsieur le Député. Profitez-en pour vous habiller comme tout le monde, pour vous sentir véritablement « l’envoyé » du peuple, l’ambassadeur de l’Opinion auprès de tous les pouvoirs publics, l’envoyé spécial dans toutes les régions et tous les départements.

Oui, car il fut un temps où tel acteur politique ou chef de guerre illustre recevait trente mandats de parlementaire. On trouva cela majestueusement écrasant, excessif. Mais tout cela avait un sens. Celui-ci : « le député du plus petit département représente la France entière ! » Et cela vous indique non seulement l’étendue et la totalité de votre devoir, comme vous ne l’ignorez pas, mais aussi la profondeur de votre mission. C’est à ce prix que le Journal du Parlement, au-delà des Partis les plus respectables, saura vous admirer, vous encourager et, le cas échéant, vous défendre.

C’est le rôle qu’il s’est assigné. Monsieur le Député, en ces temps d’apparence redoutable, sous ces nuages condensés et épais dans le ciel, vous êtes le député de toute la France. Élu du peuple souverain, les temps arrivent où Rousseau et Montesquieu vous incitent à parler en tant que souverain. Nous y sommes !

Claude-Henry Leconte,
Président d’honneur des Journalistes européens