Bernard Cohen-Hadad
Président du think tank Etienne Marcel

Retraites, dépense publique, immigration économique, Ukraine… À l’aube de la nouvelle année, les occasions de faire preuves de courage politique ne manquent pas.

Si celui qui a du courage est celui qui connaît la peur mais la dompte (Nietzsche), en politique celui qui a du courage est alors celui qui connaît la peur de l’impopularité, sait la surmonter et l’affronte avec pugnacité, dans les paroles et dans les actes, pour modifier le statu quo – dans le sens d’une restauration, d’une simple transformation ou d’une véritable révolution – dès lors que l’intérêt général est en jeu. Et notre histoire politique contemporaine ne manque pas de bons exemples, avec P. Mendès France, Ch. De Gaulle, S. Veil…

Un précédent : la politique de l’offre

Ces dernières années, l’Exécutif a parfois su faire preuve de courage politique. Depuis 2017, il maintient sa politique de l’offre repoussant les assauts de taxation des superprofits et superdividendes qui n’auraient fait que dégrader l’attractivité récemment retrouvée de la France.

Faire le choix de l’efficacité plutôt que des symboles coûteux, avec le financement des dépenses publiques par l’augmentation du volume de travail plutôt que par une hausse des impôts ou de la dette, est un choix relativement courageux. La bravoure n’est toutefois pas l’épithète de toutes les récentes politiques publiques…

2023 : les occasions ne manquent pas

Arlésienne de la nécessaire réforme des retraites, serpent de mer de l’indispensable réduction de la dépense publique, choix opportun de l’immigration de travail, soutien durable à l’Ukraine dans une perspective de paix… Dans les prochaines semaines, l’Exécutif ne manquera pas d’occasion de montrer s’il est capable de faire preuve de courage politique.

Si l’enjeu de la réforme des retraites est d’allonger la durée de vie au travail, un équilibre doit être trouvé entre le report de l’âge légal et l’allongement des annuités de cotisation, de sorte que la charge de la réforme soit également répartie entre les classes sociales, sans oublier « l’enjeu dans l’enjeu » qu’est le taux d’emploi des seniors. La réduction de la dépense publique est quant à elle la condition sine qua non de la poursuite d’une politique de l’offre car l’excès de dépense publique entretient un pays « taxivore » et reste la source de la plupart des maux hexagonaux – pour l’État, pour les particuliers, pour les entreprises. Faciliter le travail d’une main-d’oeuvre immigrée choisie permettrait de régler à la fois un problème social en déconstruisant les communautarismes grâce à l’intégration par le travail, et un problème économique de pénurie de main-d’œuvre et de manque d’attractivité de la France pour les travailleurs qualifiés. Enfin, l’entretien d’un soutien durable aux Ukrainiens en 2023, à mesure que les difficultés impacteront les Français, nécessitera un récit sur la communauté de « combats », pour leur souveraineté mais aussi pour faire vivre nos valeurs communes de liberté et de démocratie, tout en réunissant patiemment les conditions posées par l’Ukraine pour une paix juste et durable. D’autant que le Président Zelenksy administre depuis bientôt un an aux démocraties occidentales des leçons quotidiennes de courage politique (et physique).

Le courage pour tous

Ces différents sujets vont nécessiter du courage politique de la part de la majorité comme de ses oppositions. Si la majorité doit avoir le courage politique de décider et trancher, sans refus d’obstacle, les oppositions qui se veulent « de gouvernement » doivent avoir le courage de soutenir ce qu’elles feraient aux responsabilités et de ne pas proposer ce qu’elles n’y feraient pas, tout en ayant le courage (et la cohérence) d’assumer leurs convictions dans le temps et dans l’espace. Le report de l’âge légal de départ à la retraite figurait par exemple dans le programme des LR pour les élections législatives. S’ils sont cohérents devant leurs électeurs et avec eux-mêmes, ils ne sauraient devenir le parti de la « contre-réforme ».

Le courage en politique, c’est un caractère ou une personnalité au milieu des circonstances. Il n’est ni de droite ni de gauche, ni féminin ni masculin, ni jeune ni vieux. Dans un environnement de plus en plus contraignant, avec les principes de précaution et de transparence, c’est surtout préférer le temps long au temps court.

Le courage des chefs d’entreprise

Si la France peut finalement échapper à la récession en 2023, son économie pliant sans rompre, c’est largement grâce aux chefs d’entreprise ! Les perspectives demeurent en effet solides dans le domaine de l’emploi. Les créations se poursuivraient à un rythme modéré mais qui suffirait à stabiliser le chômage autour de 7 %.

Au moment où les Français subissent l’inflation des prix et les restrictions énergétiques, alors que notre société, « fatiguée », commence à s’interroger sur le toboggan du déclassement sur lequel la France semble désormais engagée dans beaucoup de politiques publiques pourtant stratégiques (éducation, énergie, industrie, santé, etc.), le temps est plus que jamais venu de faire preuve de courage politique. En faisant le pari qu’une impopularité provisoire soit rapidement l’antichambre d’une popularité durable, avant la sanction électorale. Et dans les moments de crises, la reconnaissance de l’histoire est souvent au diapason de celle des urnes !

Bernard COHEN-HADAD
Président du think tank Etienne Marcel