Le GIGN célèbre son 50ème anniversaire, marquant un demi-siècle de service exceptionnel et d’excellence opérationnelle. Depuis sa création en 1974, cette unité d’élite de la gendarmerie française a su s’imposer comme une référence mondiale en matière de lutte contre le terrorisme et de libération d’otages. À cette occasion, Le Journal du Parlement a rencontré en exclusivité son commandant, le Général Ghislain Réty.
Le GIGN fête son 50ème anniversaire…
C’est un anniversaire qui s’est inscrit sur la totalité du premier semestre, car il y a en réalité plusieurs dates fondatrices…En effet, d’un point de vue historique, il existait deux GIGN, l’un sur Maisons-Alfort, l’autre sur Mont-de-Marsan, jusqu’à ce qu’ils fusionnent en 1976. Pour notre part, nous retenons le 16 avril 1974, date à laquelle l’Unité de Maisons-Alfort est devenue le GIGN 1 et celle de Mont-de-Marsan, le GIGN 4. Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : nous fêtons bien nos 50 ans en 2024 !
Avez-vous prévu une programmation particulière pour commémorer cet anniversaire ?
Il y a d’ores et déjà eu de beaux événements, à commencer par un rendez-vous phare, au Château de Versailles, le 13 juin 2024, avec, au programme, notamment, une cérémonie à la Galerie des Batailles, des démonstrations de voltige de l’Armée de l’Air et une liste d’invités de pas moins de 800 personnes. On retiendra par ailleurs la sortie d’un timbre dédié au GIGN, qui sera tiré à 600 000 exemplaires, mais aussi la diffusion de nombreux reportages, au premier rang desquels un documentaire historique sur Canal+Docs. Il s’agit de 8 épisodes, sur 8 de nos missions emblématiques, nourris par différents témoignages. D’autres reportages ont également été diffusés à l’occasion du 14 juillet, cette fois via de grandes chaînes nationales et un livre photo nous est en outre consacré. C’est un programme de festivités assez exceptionnel !
Quels sont les grandes dates du GIGN depuis sa création, celles qui vous semblent les plus emblématiques ?
Il existe à mon sens deux types de dates…
Il y a, d’une part, les grandes missions. Souvenez-vous de la libération du car transportant 31 écoliers à Loyada près de Djibouti en 1976; de l’appui du GIGN lors de l’attaque de la Mecque en 1979; de l’intervention lors de la prise d’otages d’Ouvéa en 1988, mais aussi de Marignane en 1994 qui a marqué tous les esprits; ou encore de l’arrestation de Bob Denard et de ses mercenaires, aux Comores, en 1995; sans oublier l’assaut de Dammartin-en-Goële contre les frères Kouachi, en 2015 et, plus récemment, en 2022, l’évacuation de l’Ambassade de Kiev et, un an plus tard, celle des diplomates et des ressortissants français à Khartoum. De très nombreuses autres dates et sauvetages seraient à mentionner… Le GIGN a géré pas moins de 10 détournements d’avions. Il a conduit de multiples missions, en Bosnie, en Afghanistan, en Libye ou, dans un autre registre, au Qatar, pour la Coupe du Monde. Il a aussi couvert de célèbres traques, dans les Cévennes, en Dordogne, en Guyane, etc. Autant d’événements dits « opérationnels » et « historiques »…
Il y a, d’autre part, deux autres grandes dates emblématiques, qui correspondent cette fois à l’évolution et à la restructuration du GIGN…
2007 tout d’abord. Notre organisation ne regroupait jusqu’alors que 80 personnes, centrées autour d’un seul coeur de métier, celui de l’intervention : forcenés, prises d’otages, interpellations d’individus dangereux (trafiquants d’armes, de stupéfiants, auteurs d’homicide). Dès lors qu’il y avait un risque ou une difficulté technique complexe, le GIGN prenait le relais. À titre d’exemple, l’interpellation d’un véhicule en mouvement, de type go-fast avec des voitures ouvreuses et des suiveuses, des modèles, tous, très puissants ou bien des problématiques liées aux enlèvements, aux extorsions de fonds, etc.
Or, à partir de 2007, le GIGN absorbe d’autres Unités : la première, tout d’abord, dédiée à la protection (celle des intérêts français à l’étranger, du Président de la République en exercice, mais aussi des anciens Chefs d’État); la seconde ensuite, spécialisée dans l’acquisition du renseignement (filature dans les trafics, pose de caméras, de balises GPS, de micros) et, enfin, la troisième, consacrée à la formation, qui devient partie intégrante du GIGN. Cette première transformation a été instaurée, principalement pour faire face aux prises d’otages de masse. Rappelez-vous là-aussi de Moscou en 2002 et de l’Ossétie du nord en 2004. Il fallait qu’on soit à même de réagir au cas où cela se produise en France. C’est alors que le GIGN est passé de 80 à 400 individus, avec un tronc commun de formation, d’équipement, un chef unique, des moyens complémentaires… Autant d’éléments nous permettant d’être 100% autonomes en cas de crise. Nous souhaitons en effet bénéficier de nos propres piégeurs, de nos propres spécialistes en ouverture et en effraction…
2021 est l’autre date emblématique. Elle correspond en effet à la deuxième grande réforme. Cette année là, 14 Antennes ont été créées, 7 en Métropole, 7 en Outre-Mer, regroupant 600 personnes, chaque Antenne ayant en moyenne 40 personnes. Parallèlement, on compte également pas moins de 120 spécialistes de la protection engagés au Vénézuéla, en Tunisie, à Haïti, au Burkina, au Soudan, qui étaient dispersés dans les Unités de gendarmerie et que l’on a tous récupérés. En d’autres termes, c’est une deuxième réforme dans la réforme. In fine, aujourd’hui nous sommes un peu plus de 1000.
Si l’on emprunte le vocabulaire du registre de l’Armée, le GIGN avait au départ la taille d’une simple section (moins de 30 personnes), puis celle d’une compagnie (une centaine d’hommes) et ensuite d’un bataillon (environ 400 hommes), jusqu’à parvenir à la taille actuelle de 1000 hommes, ainsi que vous le souligniez… Comptez-vous conserver cet effectif ou bien pensez-vous qu’il faille encore à l’avenir l’augmenter ?
Le but n’est pas d’augmenter les rangs. De plus, si vous prenez le temps d’étudier les effectifs, vous constaterez qu’en réalité, rien n’a changé. Je m’explique…
Je suis entré au GIGN en 1995. Nous étions alors 80. Nous ne faisions que de l’intervention. Et actuellement, les spécialistes de l’intervention sont toujours… 80 ! Idem pour l’autre Unité, l’EPIGN, en charge de la protection et de l’observation. Ils étaient à l’époque 50 par métiers et ils sont toujours 50. Nous sommes sur une telle expertise et un tel niveau que l’on ne peut pas démultiplier la base. Quand on s’est agrandi de 80 à 400, nous avons intégré 2 autres métiers, mais aussi les appuis, les État-majors, les formations et les spécialistes des équipes cynophiles, qui ont été multipliés par 10. Les moyens de communication également ont été densifiés.
En revanche, ainsi que je l’évoquais, les effectifs liés à l’expertise en intervention, en observation et en protection, eux, n’ont pas bougé.
Quand on a ajouté nos Antennes, ce sont des Unités qui existaient déjà et qui n’étaient pas forcément du même niveau que le GIGN. Il s’agit d’une intégration organique. On les a choisi pour le commandement, une meilleure gestion des personnels, une meilleure formation, un meilleur suivi de leur mission pour les doper en capacité. La substantifique moelle, elle, est restée la même.
Cette deuxième grande réforme que vous évoquez est celle que vous avez initiée quelques mois à peine après votre prise de fonction à la tête du GIGN… Quel était l’esprit de cette réforme ? Quel en était l’enjeu ?
Les enjeux étaient multiples…
Le premier est d’ordre opérationnel. Auparavant, les Unités dépendaient de leur région et en cas d’intervention, soit on engageait une Antenne, soit on engageait le GIGN, mais pas les deux. Désormais, on peut véritablement jongler avec les Antennes et le GIGN, ici, à Versailles et décider par exemple d’envoyer au préalable une Antenne, avant que le GIGN prenne la mission. On peut également fusionner plusieurs Antennes. On peut même consacrer une Antenne à une mission qui n’est pas forcément inscrite sur sa région. On dispose donc d’une vraie manoeuvre opérationnelle que l’on n’avait pas initalement !
J’aimerais évoquer là aussi un exemple parlant dès lors qu’on a eu le commandement de ces 14 Antennes : il y a eu une traque majeure dans les Cévennes. On a immédiatement engagé 2 Antennes et le GIGN, alors qu’avant on aurait positionné seulement 12 personnes sur cette manoeuvre contre… 100 désormais ! Cela témoigne d’une liberté formidable, d’une incontestable puissance, d’une solide concentration des efforts. Il en est de même pour les référendum en Calédonie, qui comportaient de nombreux risques et pour lesquels on a pu mettre tous les moyens possibles ou encore pour la traque en Guyane à la suite du décès d’Arnaud Blanc. Ces moyens, très lourds, dont on dispose aujourd’hui, hier, n’existaient pas ! Le fait de pouvoir manoeuvrer à souhait est un luxe.
Le deuxième enjeu concerne les ressources humaines et a contribué à repenser les formations, les équipements et les capacités. Concernant le relais Outre-mer, on sélectionnait un individu, on le formait. Il avait ensuite une expérience opérationnelle et au bout de trois ou quatre ans grand maximum, il revenait en Métropole et quittait le GIGN. Il y avait lieu alors de recommencer l’ensemble du processus, re-sélectionner, re-former, etc ! Or, actuellement, on sélectionne des candidats entre 25 et 30 ans qui vont effectuer toute leur carrière en Antenne et on peut les faire basculer d’une Antenne à l’autre, de l’Outre-mer à la Métropole. Cela apporte une vraie respiration : on forme moins de monde et on a des gens beaucoup plus expérimentés, ce qui nous permet de conjuguer d’autres leviers RH, comme la fixation d’une limite d’âge pour garder les meilleurs.
Cette réforme est-elle complètement aboutie aujourd’hui ou bien y a t-il encore des ajustements à apporter ?
Ce n’est jamais fini ! Si, sur les 14 Antennes, tout est abouti et que l’on contrôle, d’un point de vue opérationnel, pas moins de 450 négociateurs régionaux, il y a toujours des ajustements à apporter… À l’issue de chaque mission, nous tirons systématiquement des enseignements qui permettent d’affiner au plus près les choses de façon chirurgicale. Cependant, la question se pose actuellement de savoir si l’on intègre de nouvelles Antennes. Il se peut que nous prenions 3 Unités supplémentaires dans les mois qui viennent.
Vous avez baptisé cette réforme GIGN 3.0…
C’est moi qui ai choisi ce nom… mais ce fut assez évident : 1.0 pour le GIGN de 1974 à 2007; 2.0 quand nous sommes passés de 80 à 400 en 2007 avec les 3 métiers et… 3.0 lorsque nous avons absorbé les Antennes. En réalité, il s’agit d’une réforme horizontale en 2007, parce qu’on a assimilé des métiers avec un même niveau d’expertise et d’une réforme plus verticale en 2021, car on a intégré des Unités qui exercent le même métier, mais avec un niveau légèrement inférieur.
Si le GIGN est inscrit dans l’inconscient collectif, peu de gens connaissent finalement son fonctionnement.
Quels sont aujourd’hui ses champs d’expertise et ses champs d’action ?
On compte à proprement parler 3 expertises qui correspondent aux 3 métiers que j’évoquais : l’intervention, l’acquisition du renseignement humain ou technique et la protection. Ensuite, nous disposons de différents experts qui gravitent autour : des experts en cynophilie, ouverture de porte, analyse de renseignement en source ouverte, négociation, logistique de crise, NRBC, dépiégeage, neutralisation d’armes, etc, soit une vingtaine de spécialités, mais qui s’inscrivent comme des déclinaisons de chacun des trois métiers fondamentaux. Ici, à Versailles, vous seriez surpris de constater que nous sommes pleinement autonomes sur… tout ! Nos spécialistes cyber peuvent travailler avec ceux qui sont rompus à la gestion de crise et la négociation pour répondre à telle ou telle problématique.
De quels équipements et moyens disposez-vous aujourd’hui pour chacun de ces métiers ? Je pense notamment aux armes, aux chiens d’assaut…
Notre division technique embrasse toutes les capacités technologiques. Nous cultivons en permanence une vraie culture de l’innovation et du développement. On dispose par exemple une caméra sur des chiens guidés à la voix. Le maître les dirige via un retour vidéo de ce que visualise l’animal. Ce dernier obéit à une quarantaine de mots (« tout droit », « à droite », « à gauche », « descends », etc). Et ce, avec toutes les qualités intrinsèques du chien : sa puissance olfactive, pour détecter une personne et la puissance de la mâchoire pour percuter ou mordre si nécessaire. C’est un exemple sur des centaines d’autres !
Nous bénéficions donc d’une formidable cellule innovation qui supervise une centaine de projets. Et à chaque mission, les opérationnels se demandent comment améliorer les choses à tous les niveaux, notamment sur un plan technologique. C’est ainsi que nous avons développé nos propres armes, nos propres véhicules, nos propres boucliers, nos propres gilets pare-balles. Nous expérimentons une veille technologique en continu…
Nous sommes présents sur tous les Salons. Les industriels et les start-up nous proposent d’essayer leurs produits. À l’issue des tests, nos équipes demandent alors à les modifer, les optimiser, les parfaire.
Savez-vous que le tout premier drone militaire a été mis au point par le GIGN ? C’est d’ailleurs pour cela que l’on s’est intéressé à la lutte anti-drone, car historiquement, on en connaissait tous les tenants et les aboutissants. En effet, en Afghanistan, pour être à même de neutraliser des pièces explosives, il fallait agir sur le brouillage et nous avions à l’origine tout le matériel permettant de brouiller les ondes téléphoniques et hertziennes. Or, c’est précisément ce qui sert aujourd’hui sur les drones. Nous sommes donc devenus des experts de lutte antidrone, car nous étions initialement des experts en brouillage d’explosifs.
De manière générale, les équipements dont vous bénéficiez sont-ils suffisants selon-vous pour accroître l’efficacité opérationnelle du GIGN ?
Nous sommes des éternels insatisfaits et… c’est tant mieux !
Bien sûr, le but n’est pas d’avoir systématiquement l’équipement dernier cri, car il faut pouvoir se l’approprier pleinement. Mais dans certains cas, il faut avouer que le dernier cri est absolument incontournable ! Je pense notamment aux jumelles à vision nocturne qui, aujourd’hui, n’ont rien à voir avec ce qui se faisait il y a à peine dix ans. En revanche, sur certains produits, il vaut mieux rester sur la version 2.0 que 3.0, car l’opérateur est vraiment rompu à son utilisation. De plus, je tiens à rappeler que nous sommes garants des deniers de l’État. Je n’ai pas un budget extensible à souhait. Et même si celui-ci est correct, il ne s’agit pas, encore une fois, de le gaspiller pour bénéficier à tout prix, du dernier cri.
De quel budget disposez-vous ?
Je ne donnerai pas de chiffres, mais l’avantage est que nous sommes sur des petits montants. Je n’achète pas des chars Leclerc ou des rafales. J’achète de l’armement, du textile, des véhicules. Même pour 1000 pièces, nous restons sur des sommes modestes en comparaison du budget d’autres Ministères. Bien sûr, on peut toujours dire que ce n’est jamais assez et que l’on court sur des budgets alternatifs. Nous sommes d’ailleurs en train de construire un musée et – volontairement -, nous ne dépendrons pas de l’État. Nous faisons appel à des mécènes.
Où en êtes-vous de ce projet muséal ?
Le programme est bientôt acté… Nous avons pouvoir pour recruter le maître d’oeuvre et lancer la procédure de Marché public. Nous avons d’ores et déjà de nombreux objets et éléments historiques qui nous permettent de bâtir le parcours muséographique. Il s’agit en réalité de remodeler le lieu déjà existant : on va étendre le musée actuel, gagner le double d’espace et donner plus de corps à l’histoire du Groupe.
À l’occasion des 50 ans, nous avons sollicité nos anciens pour qu’ils nous donnent des souvenirs de mission, des tenues, des photographies…
Nous avons réussi à densifer les Collections et nous allons aménager un tout nouveau parcours pour accueillir les nouvelles pièces et égréner également l’ensemble avec une partie consacrée à l’actualité du Groupe, en conjuguant ce qu’il y a de plus moderne, avec un plateau immersif de réalité virtuelle, déployant l’histoire du GIGN d’hier à aujourd’hui, en passant par l’innovation de demain.
Passé, présent, futur… L’idée étant d’incarner le GIGN au sens plein du terme, d’offrir un lieu emblématique qui permet aux stagiaires d’avoir accès à son univers avec une approche très intimiste, mais aussi d’honorer les anciens. Un musée qui combinera notre histoire, nos traditions, notre mémoire, qui ouvrira aussi sur l’actualité et l’innovation et bénéficiera d’un auditorium et d’un espace d’accueil pour les Délégations dans le bâtiment historique.
À quelle échéance sera-t-il achevé ?
Une première tranche sera achevée cet été ou en septembre au plus tard.
L’objectif consiste à faire vivre le lieu tout au long de l’année et enrichir les Collections au fur et à mesure. Saviez-vous qu’au GIGN nous recevons 10 000 personnes par an ?… Des Délégations étrangères, des Représentations étatiques, des Magistrats, des grandes écoles, des COMEX de boîtes du CAC 40, etc.
À l’heure actuelle, où en êtes-vous dans le financement du projet ?
Nous sommes actuellement aux 2/3 de la somme que nous souhaitons obtenir pour l’ensemble du projet.
C’est donc gagné…
C’est presque gagné !
Combien de missions faites-vous par an ?
Nous réalisons plus de 2400 missions par an sur l’Hexagone. Cela signifie que l’on nous appelle pas moins de 10 fois par jour ! Cela peut se justifier pour une simple ouverture de porte pour laquelle la présence d’un spécialiste est nécessaire ou bien pour des opérations de plusieurs semaines, mais qui sont comptées comme une seule et même mission. C’est ce qui fait notre force. On s’engage au quotidien. D’ailleurs, au moment où nous échangeons, une équipe vient tout juste de partir… Je ne vais pas vous dire où, mais il s’agit d’un potentiel auteur d’assassinat. Tous les jours, le GIGN vit. Tout le monde peut nous solliciter à la suite de quoi on réoriente : décider si l’on envoie l’un des trois métiers du GIGN ou bien une Antenne. Et s’il y a urgence, on envoie l’Unité la plus proche.
Indépendamment des missions hexagonales, le GIGN est amené à exporter ses savoir-faire à l’international… Comment cela se traduit-il ? Et avez-vous des partenariats avec certains pays en particulier ?
On échange énormément avec nos homologues étrangers. Avec certains pays, nous nous inscrivons sur des échanges gagnant-gagnant, à l’instar des Allemands, des Américains, des Israéliens ou des Belges. On leur apporte ce qu’on sait tandis qu’ils nous transmettent leurs retours d’expérience. On joue la transparence complète et l’on progresse mutuellement. C’est ce qu’on appelle du “win-win”.
Par ailleurs, nous sommes aussi sollicités par d’autres pays pour notre expertise spécifique sur certains domaines, sur des thématiques très ciblées (le TR, la négociation, les bateaux, les explosifs…) ou sur des programmes plus généralistes.
C’est un travail à la carte en somme pour lequel il peut nous arriver de former les Unités sur place. On collabore avec une cinquantaine de pays en Afrique, au Moyen Orient, en Amérique centrale, en Amérique latine, mais aussi avec quelques pays d’Asie. Il existe en outre un réseau des Unités d’intervention européennes, un réseau des Unités d’observation, un réseau des Unités de protection, un réseau des Unités dans le monde spécialisé sur les enlèvements.
Quand, par exemple, la Colombie organise un séminaire sur cette question, vous vous doutez qu’ils ont un incroyable retour d’expérience en la matière dans la mesure où ils sont confrontés à 10 enlèvements par jour contre 2 par mois chez nous. Ils nous confient les dernières méthodes et communiquent sur les pratiques.
L’effervescence est permanente !
J’ajouterai que les nombreux séminaires et Salons dédiés à la technologie nous sont très précieux, car nous sommes soucieux de maintenir une veille pour anticiper et innover sans cesse et parce que l’adversaire, lui, anticipe ! Il connaît parfaitement toutes les nouvelles technologies d’alarme, de leurre, de balise… Il ne faut jamais sous-estimer l’adversaire, car lui, ne s’inscrit dans aucun cadre légal.
Et vous-même, Général, quelle est votre expertise ?
Aucune, sinon je ne serais pas Général ! (rires). Je porte bien mon nom de Général, car je suis un généraliste. Je suis un Chef d’entreprise. Je suis entré au GIGN en 1995 sur le créneau de l’intervention et la gestion de crise avant de devenir Chef des opérations dans les années 2010. J’ai alors appris les 3 métiers, puis les appuis. Avant, j’ai été aussi Chargé de projet sur des sujets transverses, tels que les relations internationales, le contre-terrorisme aérien, etc. Aujourd’hui je fais face à des questions d’ordre opérationnel, mais aussi à des problématiques de ressources humaines, d’équipement, de budget, de communication, d’innovation. C’est une autre forme de terrain. Ponctuellement, je peux, bien sûr, prendre la Direction des opérations dites sensibles. Cependant, je ne cherche pas à le faire, car j’ai une pleine confiance en mes subordonnés et ce serait une grave erreur d’intervenir systématiquement. Je laisse donc à un Commandant ou un Colonel qui a une parfaite maîtrise du terrain, une parfaite connaissance de ses hommes, qui est à la pointe de la technologie et qui est au fait des dernières méthodes.
Quelles sont les plus grandes qualités d’un homme ou d’une femme du GIGN ?
L’intelligence d’une situation, l’adaptabilité, les qualités humaines, l’autonomie, la polyvalence, la force d’initiatives : pouvoir travailler rapidement, avoir une culture de la transversalité, ne pas avoir une approche mono-couloir de son métier. Il n’y a pas une mission qui ressemble à une autre.
On a beau planifier une situation dans les moindres détails, les choses ne se déroulent pas forcément ainsi qu’on l’avait imaginé et ce, même si nous pensions avoir envisagé toutes les éventualités ! Il y a toujours une part d’improvisation qui, elle-même, peut avoir des conséquences sur l’improvisation que les autres vont vouloir mettre en oeuvre. Je fais un point matin, midi et soir avec chacun de mes adjoints, mais sachez qu’ici je ne donne pas d’ordre, je donne des orientations, à la suite de quoi mes hommes ont une grande marge de manoeuvre pour travailler. C’est un Groupe d’élite, en mode hyper-agile.
Il y a cependant une certaine humilité au sein du GIGN… Nous sommes gendarmes. La réussite de la mission est la seule chose qui nous guide. Le but n’est pas valoriser telle force, section ou personne, mais de servir le Groupe. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons tenu à garder le terme de Groupe, même si, j’en conviens, 1000 personnes, ce n’est plus un Groupe ! On travaille, tous ensemble, avec la même finalité. On fait partie de la même famille.
Comment s’est présenté le dispositif de gestion pour les JO ?
Nous étions prêts très en amont pour les JO. On y a travaillé avec nos deux Unités soeurs qui sont la BRI et le Raid pour la Police nationale. On s’est réparti les secteurs et les missions avec cependant un PC commun. Nous avons disposé d’une maquette assez satisfaisante et l’on savait exactement sur quels sites nous allions être positionnés et quelles allaient être les tâches de chacun. Nous avons simplement continué à faire des exercices, en imaginant la crise ultime. Les choses ont donc été impeccablement bordées. On était parés. Il nous restait seulement à nous mettre en ordre de bataille. C’est l’avantage d’un GIGN à 1000 !
Le GIGN s’impose aujourd’hui comme l’acteur majeur de la sécurité intérieure française… Quels sont les grands défis auxquels il est aujourd’hui confronté ?
L’un des principaux défis est lié à l’intelligence artificielle, savoir comment l’exploiter pour les capacités techniques, de réflexion et de négociation. C’est un sujet qui ouvre de nombreuses pistes d’avenir. C’est la raison pour laquelle nous avons créé une cellule cyber qui travaille en collaboration étroite avec les entreprises, les grandes écoles, les start-up sur les évolutions technologiques du futur. Quand on y réfléchit, c’est aussi un paradoxe, car on doit autant s’approprier l’intelligence artificielle que lutter contre elle lorsqu’elle est employée par nos ennemis. En d’autres termes, l’IA est à la fois un glaive et un bouclier…
Quel message souhaiteriez-vous adresser à la classe politique française par l’entremise du Journal du Parlement ?
Qu’ils sont les bienvenus chez nous !
Car, même si, dans l’ombre des projecteurs médiatiques, le Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale oeuvre avec discrétion et efficacité, notre Institution est avant tout un lieu ouvert. Le musée sera, sans aucun doute, l’occasion de découvrir cette Unité d’élite, à travers les récits de ceux qui, avec dévouement et courage, ont façonné son Histoire. Ses opérations sont le théâtre d’une technicité et d’une préparation sans faille. Chaque intervention est le fruit d’un entraînement rigoureux où la stratégie et la tactique se conjuguent pour neutraliser les menaces avec la plus grande prudence. Ces moments, dont certains sont gravés dans la mémoire collective, témoignent de la capacité du GIGN à répondre avec bravoure et humanité aux crises les plus critiques.
Pour conclure, je dirai que le GIGN, c’est finalement une promesse : celle de s’engager pour la vie, de protéger sans relâche et de servir, avec honneur. C’est une Unité qui, loin des clichés et des phantasmes, incarne l’excellence de la gendarmerie française et la détermination d’une nation à préserver la paix et la sécurité de ses citoyens.
Propos recueillis par
Pauline Wirth du Verger
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