« Nous voulons contribuer à bâtir une industrie de défense française
et européenne forte et pérenne »



Quel bilan dresseriez-vous de vos actions à la tête de Factem ?
Factem, implantée à Bayeux, est l’héritière d’un atelier de fabrication de 35 personnes autrefois rattaché au site de Rouen de la société Sagem. À l’époque, en 2011, il s’agissait simplement d’un atelier de production sans service de recherche et développement et avec seulement deux domaines d’activité : les détecteurs industriels et l’acoustique. En 2025, la société est devenue une PME structurée de 80 collaborateurs, dont une quinzaine en R&D. Nous assurons aujourd’hui à Bayeux l’ensemble de la chaîne de valeur : conception, développement, industrialisation, fabrication et commercialisation. ous les services supports sont intégrés sur site, de l’achat à la finance. Nous sommes désormais un acteur reconnu de l’aéronautique et de la défense, nous couvrons les domaines Terre, Air et Mer. J’ajouterai que notre entreprise est certifiée ISO 9001, EN 9100 et détient des agréments aéronautiques tels que PART 21G et PART 145. Nous sommes également labellisés EcoVadis Argent pour notre politique RSE et Air Cyber Argent pour la cybersécurité. Enfin, Factem est engagée dans une dynamique de croissance via le programme Étincelles de la DGE et les accélérateurs de filière.
Comment vous adaptez-vous aux évolutions technologiques dans le secteur de la défense ?
Nous nous appuyons sur les retours terrains recueillis par notre équipe commerciale terrain présente sur les bases aériennes, navales et dans les régiments, ainsi que par nos échanges avec les Services techniques des Armées. Cette proximité nous permet véritablement de répondre de manière ciblée aux besoins exprimés.
Factem investit 12% de son CA en R&D… Quelles sont vos innovations les plus récentes ?
Nous travaillons sur deux axes : les développements produits à court et moyen terme et les projets exploratoires. Parmi nos travaux les plus avancés figure un casque de communication utilisant la technologie LiFi – la transmission de données par la lumière – déjà testé avec succès sur des maquettes de cockpits chez Airbus (TRL5). Nous collaborons également avec le CNRS (Arteac Lab) sur une « bulle de son » permettant à chaque passager d’un avion d’écouter un contenu sans casque, sans déranger ses voisins. Enfin, nous développons des traitements du signal, notamment du débruitage, en recourant à l’intelligence artificielle.
Quels sont les défis actuels auxquels vous êtes confrontés ?
Le principal défi est la montée en cadence… Cela nécessite plus de matières premières, des recrutements, de nouveaux investissements dans le parc machines et donc des financements. Cette croissance doit être réalisée tout en remboursant les dettes contractées, notamment les PGE. Ce n’est pas tant la capacité à rembourser ou à investir qui est problématique, mais de réussir à faire les deux simultanément.
Vous sentez-vous soutenus ?
Oui, nous avons le sentiment d’être entendus. D’ailleurs, les orientations ont été clairement posées lors d’une table ronde le 20 mars dernier au Ministère de l’Économie, en présence des Ministres des Armées et de l’Économie. Le monde financier a été incité à accompagner la montée en puissance de l’industrie de défense. Je suis donc optimiste.
Qu’est-ce qui distingue selon vous Factem sur le marché ?
C’est avant tout le dynamisme et l’agilité d’une PME 100% Made in France. Toute notre production est située à Bayeux. Au surplus, nous développons nos produits selon trois modèles : sur fonds propres, à l’instar du casque FL20 retenu par Airbus, sur spécifications client, à condition que nous assurions également la production et, enfin, dans le cadre de projets de R&D financés (via le CORAC, les projets européens ou le CIR).
In fine, notre singularité est liée au fait que nous proposons une grande capacité de personnalisation, y compris pour de faibles volumes. Cette approche sur mesure est sans aucun doute un véritable atout.
Quels sont vos produits les plus emblématiques ?
Historiquement, il y a le Généphone® : un système de communication filaire sans énergie, utilisé en secours (tunnels, centrales nucléaires, bâtiments de la Marine, SDIS…). Il témoigne de notre engagement dans les équipements de sécurité. Plus récemment, je citerai bien sûr le casque FL20, développé en interne, retenu par Airbus face à Bose ou David Clark. C’est une véritable reconnaissance. En 2024, nous avons lancé un micro haut-parleur d’épaule, le RSM80, utilisé dans le cadre de l’Opération Sentinelle pour les Jeux olympiques. Enfin, nous présentons au Salon du Bourget un tout nouveau casque en phase de test.
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur l’Europe de la défense ?
Je ne crois pas à une Armée européenne unique, mais je crois à une coordination industrielle renforcée. La France est le seul pays à maîtriser l’ensemble des composantes terre-air-mer, y compris la dissuasion nucléaire. Elle a un rôle de leader à jouer, mais elle ne pourra pas agir seule. L’Europe doit fonctionner de manière solidaire, notamment pour sécuriser les approvisionnements. Nous devons également alléger certaines normes qui freinent l’innovation et la croissance, sans pour autant renier nos exigences en matière de sécurité ou d’écologie.
Quels sont vos objectifs à court et moyen terme ?
D’une part, nous devons absorber le pic de charge à venir, en anticipant les recrutements et les investissements. D’autre part, nous devons grandir. Beaucoup d’exigences, comme la cybersécurité, représentent un coût équivalent, que l’effectif soit de 100 ou de 300 personnes. En France, contrairement à l’Allemagne, nous avons beaucoup de PME et peu d’ETI. Cela nous désavantage. Nous devons donc renforcer notre structure, mutualiser nos forces et/ou procéder à des rapprochements.
Qu’est-ce qui vous a conduit à prendre la tête de Factem ?
Après 15 années passées dans des grands Groupes (Tetra Pak, Sagem Défense et Sécurité, Valeo), j’ai souhaité « prendre les commandes » et me lancer dans l’aventure de la PME. L’usine de Bayeux répondait à mon objectif de développer et d’écrire une histoire dans les domaines de l’aéronautique et de la défense. Cependant, mon objectif est aussi de transmettre : nous avons ouvert en 2024 un troisième tour de capital permettant à des cadres de devenir actionnaires. C’est, vous l’aurez compris, ma manière de renvoyer l’ascenseur à ceux qui, en son temps, m’ont donné ma chance.
En conclusion, comment Factem s’inscrit-elle dans les enjeux actuels ?
Nos produits sont des équipements de sécurité. Chaque collaborateur sait que la moindre erreur en production peut engendrer de lourdes conséquences. C’est pourquoi nous cultivons l’excellence au quotidien. Nous sommes engagés dans des programmes tels qu’Aéroexcellence du GIFAS. Nous sommes labellisés Air Cyber Argent et visons désormais l’Or. Nos équipes sont également investies dans la transmission du savoir, en participant à des programmes comme My Job Glasses et nous sommes à l’écoute du terrain, notamment via des Salons spécialisés. En ce qui concerne l’industrie de défense, à travers notre engagement, nous souhaitons qu’elle soit forte et pérenne pour contribuer à la sécurité française et européenne.
Enfin, à titre plus personnel, je m’implique dans la filière en tant que Vice-président des PME au GIFAS, trésorier de NAE et membre du MEDEF Calvados.