L‘histoire, dit-on, est un éternel recommencement…
Le Prince de Soubise, ne disait-il pas, selon la légende populaire : « la lanterne à la main, j’ai beau chercher ! Où diable est mon armée ? Elle était là pourtant hier matin. Me l’a-t-on prise ou l’aurais-je égarée ? Ah ! je perds tout, je suis un étourdi ! ». Et de préciser : « La voilà, la voilà ! Ah ! ventrebleu… qu’est-ce donc que cela ? Ma foi, c’est l’armée ennemie ».

Inutile de préciser l’analogie tant elle semble troublante. Mieux encore, souvenons d’Edmond About, auteur aujourd’hui bien oublié, dont le plus grand succès fut l’Homme à l’oreille cassée… Il raconte le réveil d’un colonel, artificiellement endormi pendant 46 ans qui, rouvrant les yeux, ne comprend plus rien au monde qui l’entoure. Imaginons donc la même mésaventure pour un Parlementaire, endormi sur son banc à la Chambre, qui aura bien du mal, avouons-le, à saisir la vie politique de ces derniers mois.
Que l’on juge de son étonnement…

Le PS qui, il y a une décennie, était encore à l’Elysée est, désormais, largement dépassé par… Nicolas Dupont-Aignan. Le PC, malgré la bonne campagne de Fabien Roussel, est dominé par le score de… Jean Lasalle.
Les Républicains (dont les Chefs de file s’appelaient, notamment, Chirac ou Sarkozy) n’atteignent pas la barre fatidique des 5% et sont dépassés par un ex-journaliste qui, en quelques mois, les surpasse largement. « Je serai la surprise du second tour », disait Valérie Pécresse. Pari tenu et remporté haut la main !

Se frottant les yeux, il lit ensuite dans son journal que le Président, qui vient tout juste d’être réélu, n’a pas de majorité suffisante pour mettre en œuvre le programme choisi par les Français et que pas moins de… 16 partis de gauche ont été contraints de s’allier pour tenter de faire jeu égal avec le RN !

Il découvre aussi que le parti de Marine Le Pen a multiplié par 10 ses députés, dont certains prétendants à la députation auront pourtant eu le mérite de faire rire les réseaux sociaux, que Jean-Luc Mélenchon aurait voulu se faire « élire » Premier ministre et que la nouvelle nommée à Matignon (surnommée Mamie-Carabine dans la Macronie) a été tout juste élue face à… un étudiant.

Au Château, des stratèges en communication de haute volée ont réussi à convaincre le Président, un peu étonné, qu’il était urgent de changer de nom de parti en cours d’élection, ce qui reste une première et qu’il convenait de remplacer la République en Marche, connue de tous, par un nouveau parti « Renaissance », inconnu de chacun, sans doute pour faire jeu égal avec « Reconquête » et brouiller définitivement les idées des électeurs.

Ayant sérieusement mal à la tête, notre Parlementaire apprend également que c’est une femme de chambre, Rachel Kéké, qui promet de « faire trembler l’Assemblée » et qui a été élue face à une ex-Ministre des Sports, prouvant ainsi, s’il en était besoin, qu’une nomination ministérielle n’est plus un parachute doré. Il découvre aussi l’existence d’une Union des Démocrates Musulmans français, qui voudrait bien remplacer l’ex-UDF (Union pour la Démocratie Française) de Giscard.

Une nouvelle élue, Sandrine Rousseau, qui aime beaucoup les films de Jean-Pierre (sic) Belmondo, compte organiser un chahut contre le Ministre des Personnes Handicapées qui, apparemment, ne le serait pas lui-même tant que cela et entend se substituer tout à la fois à la justice, qui ne l’a pas poursuivi et aux votants, qui l’ont réélu, tout en voulant créer un délit de non partage des tâches domestiques, dont on attend avec impatience les articles liés à la mise en marche du lave-vaisselle, puisqu’il est plus écologique de laver ses assiettes à la main.

Aymeric Caron, pour sa part, qui entend défendre (avec raison !) la cause animale, a compris que visiblement celle-ci intéresse si peu les écologistes qu’il a du s’engager chez les Insoumis. Mieux encore, Ensemble, qui réunit les partisans macroniens est aussi… le nom d’un parti de gauche radicale, adhérent de la… Nupes ! Visiblement, les mêmes snipers qui avaient mis sur pied le mouvement « Renaissance » devaient, ce jour-là, être particulièrement fatigués…
A la lecture de toutes ces informations, notre Député ne peut alors s’empêcher de songer à Pierre Dac, fondateur du Mouvement Ondulatoire Unifié dont le cri de ralliement était :  » Les temps sont durs, vive le mou ! ».

Il découvre au surplus que l’Assemblée Nationale a désormais deux Vice-présidents RN et que les Républicains n’en ont plus aucun, ce qui leur promet un avenir comparable au CNI d’aujourd’hui.

Quant à la présidence de la très stratégique Commission des Finances c’est un Insoumis, Membre de la Nupes, Eric Coquerel, Député de la Seine Saint Denis, qui sera à même de contrôler le budget, d’enquêter sur le financement des Dépenses publiques ou d’accéder à toutes les déclarations fiscales, ce qui évitera à notre parlementaire de se rendormir lorsque sera auditionné le Ministre de l’Economie et des Finances.

Mais revenons à notre propos liminaire avec le Président.

Nul doute que celui-ci, au regard de toutes les difficultés rencontrées sur le champ de bataille aurait pu, à son tour, reprendre à son compte l’analyse fulgurante de Soubise en concluant : « l’infanterie combattit sans empressement et céda à son inclination pour la retraite… ». Tout est dit.

Olivier de Tilière