Je me vois aussi en porte-parole des territoires. Quand j’entends certains élus à gauche, je me dis qu’ils ne connaissent pas cette réalité-là !

Léon Deffontaines, tête de liste du PCF aux élections européennes, Ancien secrétaire général des Jeunes Communistes de France.

En tant que tête de liste aux élections européennes, comment caractériseriez vous la liste que vous représentez ?

Je suis fier de la liste que nous sommes en train de mener, car elle est pleinement représentative du monde du travail où se mêlent différentes forces politiques. Nous avons un large rassemblement à gauche, mais aussi un tiers de représentants d’autres forces politiques, comme Emmanuel Morel qui était sur la liste de la France Insoumise. Également le tiers de nos candidats sont des responsables syndicaux engagés pour la défense de leur travail et contre la politique libérale, notamment européenne. Nous avons aussi des policiers et des enseignants de lycées professionnels…

À quelle idée forte souhaiteriez-vous rattacher votre campagne ?

On part du constat que la Construction européenne nous a promis la paix et la prospérité et qu’aujourd’hui nous n’avons ni l’une ni l’autre ! Notre idée, c’est donc de reprendre la main sur les décisions qui sont prises à l’échelle européenne pour qu’elles soient en phase avec le quotidien des gens qui contestent la logique libérale européenne et qui sont en faveur des Services publics, du développement et d’une coopération industrielle. Nous défendons par exemple la souveraineté énergétique de la France avec la remise en cause du marché européen de l’énergie qui a comme conséquence l’explosion des factures d’électricité. Nous défendons aussi, l’intégration de l’énergie nucléaire en tant qu’énergie verte, y compris à l’échelle du Parlement européen, à la fois pour retrouver la souveraineté énergétique de la France et pour répondre aux défis environnementaux.

Quels sont les autres éléments phares de votre programme ?

Bien sûr la souveraineté énergétique est un autre élément phare, mais il y a aussi l’impératif d’engager des grands travaux utiles pour l’environnement. Je pense au développement du fret ferroviaire avec, comme symbole, la construction du tunnel entre Lyon et Turin. Nous souhaitons développer aussi les lignes à grande vitesse, le TGV, étant un moyen de déplacement plus vert que l’avion et permettre ainsi de rouvrir les lignes de chemin de fer du quotidien. J’étais dans le Gard il y a quelque temps pour parler de la réouverture d’une ligne qui permettrait de transporter tous les jours pas moins de 400 personnes de leur lieu de travail à leur domicile avec comme résultat moins de voitures sur les routes. Cette initiative serait évidemment vertueuse, à la fois pour l’emploi et pour l’environnement !

Si on compare votre programme avec d’autres listes qui s’inscrivent dans le même champ d’action, qu’est-ce qui vous différencie ?

Aujourd’hui nous avons la liste de l’écologie qui demande un sursaut fédéraliste, qui appelle davantage à une intégration européenne et qui propose notamment l’élargissement de l’UE par exemple à l’Ukraine. Or, nous sommes opposés à tout élargissement. Nous sommes d’accord d’aider l’Ukraine, mais on doit défendre les intérêts de la France et des travailleurs français. Demain, si on intègre les pays des Balkans et la Géorgie, l’U.E finirait par pénaliser notre industrie. Cela signifierait donc la ruine d’une partie de nos agriculteurs parce que le Smic en Ukraine est à 130 euros par mois et on voit aujourd’hui que l’Ukraine est capable de produire beaucoup plus, avec des prix deux fois moins chers parce que les conditions sanitaires et environnementales sont bien éloignées de celles qui sont en vigueur sur notre territoire. En d’autres termes, pour résumer nous sommes opposés à l’élargissement de l’UE et nous défendons les intérêts de nos travailleurs à l’échelle européenne.

Justement, dans cette optique, quelle est votre vision de la politique migratoire ?

En voyant les camps de fortune à Paris ou à Calais, on ne peut pas dire qu’il n’y ait pas de problème. Actuellement, il y a deux positions – ceux qui proposent de construire des murs et disent qu’il y aura zéro immigration et ceux qui ne s’occupent pas de l’accueil et disent qu’ils vont arrêter l’immigration, ce qui n’est d’ailleurs pas réaliste, comme démontre le cas de l’Italie. Cette dernière favorise l’immigration clandestine, avec les réseaux mafieux au niveau de l’espace méditerranéen. Cela a des effets délétères pour les populations sur place, car il va y avoir développement massif des réseaux et des trafics. Dès lors, il y a deux camps qui s’opposent – ceux qui proposent de s’organiser et ceux qui proposent de ne pas s’organiser. Moi je suis de ceux qui proposent de s’organiser en s’appuyant sur 3 piliers > l’accueil, l’intégration et la coopération. Accueillir, cela signifie mettre en place des centres d’accueil à l’échelle européenne, en permettant notamment que les gens qui attendent une décision aient un toit sur leur tête. Intégrer cela veut dire donner une opportunité aux personnes qui travaillent et qui apportent de la richesse sur notre territoire d’être régularisées. On défend donc la régularisation de travailleurs sans papier. Et enfin coopérer. Ici on parle de la coopération à l’échelle européenne pour que l’ensemble des Etats européens prenne leur part de l’accueil des migrants. C’est aussi la coopération avec l’Afrique en matière d’aide, pour aider à l’électrification, pour développer aussi les industries des différents pays, justement pour que les personnes ne soient pas obligées de partir…

Est-ce que vous soutenez les quotas et est-ce que les Accords de Dublin sont efficaces selon vous ?

Les Accords de Dublin doivent évidemment être revus ! Ils ont démontré leur limite et je pense qu’aujourd’hui beaucoup de responsabilités reposent sur les États du Sud, les États qui sont à la frontière de l’UE. En effet, la situation n’est pas du tout satisfaisante et chaque État membre doit prendre sa part dans l’accueil des migrants.

En matière d’immigration, le Parti de Jean-Luc Mélenchon est souvent accusé de clientélisme ? Et vous ? Quel est votre électorat ?

Je ne sais pas si c’est du clientélisme, mais en tout cas, je suis très mal à l’aise par rapport à certaines paroles de la France Insoumise, notamment à la suite des attentats du 7 octobre quand la France Insoumise avait refusé de qualifier le Hamas d’organisation terroriste en allant même jusqu’à la désigner comme une organisation de la résistance. C’est une très grosse problématique. Je souhaiterais clairement me démarquer, car je ne partage pas du tout ce point de vue. En revanche, l’électorat à qui je désire m’adresser, ce sont celles et ceux qui ont voté contre le Traité constitutionnel européen en 2005, donc contre la construction libérale européenne. C’est une partie de la gauche, mais aussi les moins de 35 ans de tous bords politiques, qui n’ont jamais eu leur mot à dire. Je m’adresse à eux pour leur dire qu’il y a une liste qui leur permettra de porter, non seulement leur colère mais aussi leur espoir. Le 9 juin, ils peuvent envoyer un message clair, à la fois de contestation, face à des Traités libéraux et à la fois d’espoir, sur la nouvelle construction européenne qui pourrait être un levier pour favoriser une nouvelle coopération industrielle, une coopération en matière des Services publics ou encore de souveraineté alimentaire et agricole. Cette approche est bien différente de celle de la France Insoumise qui a surtout une vision décroissante.

Vous avez évoqué que votre électorat rassemble en partie ceux de moins de 35 ans. Aujourd’hui vous êtes l’un des candidats les plus jeunes. Votre jeunesse est-elle selon vous, un handicap ou un atout ?

Vous savez, il n’y a pas qu’une seule jeunesse. Un jeune sur 5 n’a pas de BAC. La question que je pose souvent à gauche : qui va leur parler ? Qui va discuter avec eux ? Qui va régler leurs préoccupations ? En vérité, ce ne sont pas eux qui se sont éloignés de la politique, ce sont les responsables politiques qui se sont éloignés d’eux. Quand est-ce qu’on leur a demandé leur avis sur la construction européenne ? Le dernier referendum était en 2005. J’avais 9 ans à ce moment-là ! On ne m’a jamais demandé mon avis. Je compte à travers mon jeune âge être le porte-parole de ma génération qui fait face à l’écroulement des Services publics, au manque d’enseignants, aux problèmes de formation et à la difficulté de se déplacer parce que le Service public ferroviaire est de toute part attaqué par le Pacte budgétaire européen. Un Pacte qui voit aussi le réchauffement climatique et l’incapacité des hommes politiques d’apporter une réponse à la hauteur des défis environnementaux. Contrairement aux autres hommes politiques, je veux échanger avec eux. Je suis un candidat qui vient d’Amiens, de Picardie. Je connais donc les réalités de ces territoires qui ont été délaissés et qui sont devenus victimes de la construction libérale européenne. J’ai grandi à côté d’une usine qui a vu son entreprise délocalisée en Pologne parce que la main d’œuvre était moins chère. Aujourd’hui quand j’entends les discours de certains élus à gauche, je me dis qu’ils ne connaissent pas cette réalité-là. Je me vois aussi en porte-parole de ces territoires.

Quels sont les objectifs que vous vous fixez pour votre parti ?

Je souhaiterais tout d’abord qu’on fasse notre grand retour au Parlement européen, qu’on puisse avoir des Députés membres du Parti. L’objectif que je nous fixe est d’arriver en tête de la liste de gauche. Je voudrais surtout faire le lien entre les décisions prises à l’échelle européenne et le quotidien des gens.

Dans l’histoire le communisme n’a pas fonctionné. Vous y croyez pourtant. Est-ce l’effet de l’idéalisme de la jeunesse ?

Karl Marx voyait le communisme comme un moteur essentiel du développement individuel. Il disait que le capitalisme exploite l’homme et la planète. Pour répondre à cette crise sociale et environnementale, nous devons œuvrer pour une société nouvelle qui valorise le développement personnel et le respect de la nature. Mon objectif est de permettre à tous, peu importe leur situation sociale ou géographique, de s’épanouir pleinement et de créer un avenir meilleur. C’est ma vision et mon ambition politique.

Propos recueillis par
Marina Yaloyan