Faire entendre la voix des entreprises au sein du Sénat

Olivier Rietmann
Sénateur de la Haute-Saône
Président de la Délégation sénatoriale aux entreprises
Membre de la Commission des Affaires Économiques

Monsieur le Sénateur, vous êtes à la tête de la Délégation sénatoriale aux entreprises. Comment décririez-vous la mission principale de cette Délégation et comment se traduit-elle concrètement dans votre travail au quotidien ?


Les missions de la délégation aux entreprises du Sénat s’articulent autour de plusieurs axes majeurs. Tout d’abord, nous avons un rôle d’alerte et d’information : il s’agit de suivre de près la situation des entreprises, notamment des TPE, PME et ETI, afin de mieux identifier leurs besoins et faire remonter les problématiques aux décideurs. Au-delà des auditions et des rendez-vous hebdomadaires au Sénat, nous nous rendons sur le terrain pour échanger avec les chefs d’entreprise et ainsi recueillir leurs attentes. Depuis sa création il y a dix ans, la délégation a mené 45 déplacements dans le cadre d’un Tour de France des Entreprises. Nous travaillons également à proposer des mesures visant à alléger les normes et à favoriser la croissance et l’emploi. Nous nous saisissons également des sujets d’actualité ayant un impact direct sur la vie des entreprises, ce qui peut aboutir à des propositions de loi, des amendements ou des recommandations. Enfin, il me tient à coeur de sensibiliser l’ensemble des sénateurs aux enjeux économiques. C’est pourquoi nous organisons des rencontres ouvertes à tous, comme la Journée des Entreprises ou La Parole aux Entrepreneurs. Notre objectif est clair : être au plus proche des entreprises pour mieux les défendre et faire entendre leur voix au sein du Sénat.

Dans le contexte économique actuel, quelles sont, selon vous, les plus grands défis auxquels les entreprises françaises doivent faire face et quelles solutions le Sénat peut-il apporter pour les soutenir ? 

Les défis sont nombreux pour les entreprises qui sont confrontées à des évolutions très rapides. Ces sujets sont d’ailleurs très identifiés par la délégation qui produit régulièrement ses recommandations basées sur une véritable connaissance du terrain et un travail de longue haleine auprès du tissu entrepreneurial de la France. Je pense évidemment aux évolutions technologiques qui transforment les modes de production mais nécessitent de nouvelles compétences techniques. La cybersécurité, longtemps négligée, est devenue un enjeu essentiel pour protéger les entreprises même de taille modeste. Le changement climatique impose également une transition environnementale indispensable des entreprises pour survivre à terme. La puissance publique peine à les accompagner, car les administrations confondent souvent le reporting et le contrôle avec l’adaptation des modes de production et les investissements qui deviennent incontournables. Le défi du financement des investissements de demain se pose avec acuité. La question du commerce extérieur est également au coeur de nos préoccupations. Une stratégie nationale est indispensable pour « embarquer » les entreprises (formation, réindustrialisation, simplification, fabriqué en France,…). Je pense enfin à la transmission d’entreprise, dans un contexte de vieillissement démographique des chefs d’entreprise : je rappelle que plus de 25% ont dépassé la barre des 60 ans ! 

Vous avez souvent évoqué la nécessité de simplifier les démarches administratives pour les entreprises… Quels sont les leviers que vous privilégiez pour réduire la complexité administrative et favoriser la compétitivité des entreprises ?

J’ai produit, avec deux collègues sénateurs, un rapport sur la sobriété normative qui a été adopté à l’unanimité par la délégation. Nous avons constaté que la priorité était de s’attaquer au flux des normes, en changeant « de logiciel ». Cette méthode consiste à rendre obligatoire une évaluation chiffrée de l’impact d’une réforme en associant des représentants des entreprises de toutes tailles. Elle est la seule voie pour éviter que ne surgissent des mesures totalement inappropriées, injustes, mal calibrées, et tout simplement ineptes du point de vue économique !

Le soutien à l’innovation est essentiel pour le développement des PME et ETI. Comment le Sénat souhaite-t-il renforcer l’accompagnement des sociétés innovantes, notamment celles des secteurs technologiques ou de la transition énergétique ?

Les incitations fiscales sont évidemment importantes pour soutenir l’innovation. Cependant, une approche globale et pragmatique doit prévaloir : il faut simplifier les procédures inutilement complexes et revoir les obstacles tels que les règles qui rendent difficiles l’accès au foncier économique. Bon nombre d’innovations nécessitent de développer le bâti : nous avons récemment eu l’exemple d’usines qui souhaitent recycler 100% de l’eau utilisée.

Le marché du travail et les pénuries de main-d’oeuvre sont des enjeux majeurs pour les chefs d’entreprises. Quels dispositifs faudrait-il mettre en place pour répondre aux besoins de recrutement tout en accompagnant la montée en compétences des travailleurs ?

Les sénatrices Florence Blatrix et Martine Berthet et le sénateur Michel Canévet ont travaillé sur cette thématique. Leur rapport, intitulé « Former pour aujourd’hui et pour demain : les compétences, enjeu de croissance et de société », préconise 15 mesures concrètes et stratégiques que je vous invite à lire ! Ils appellent à une action résolue en faveur des compétences, de la formation et de l’attractivité des métiers, pour transformer la crise actuelle en opportunité.

En tant que Président de la Délégation sénatoriale aux entreprises, quelle est votre priorité à court terme pour améliorer l’environnement économique et l’attractivité des entreprises hexagonales ?

La priorité des priorités est selon moi de continuer à tirer la sonnette d’alarme lorsque le législateur ou l’exécutif oublient les enjeux de compétitivité pour nos entreprises. Chaque centime qui finance nos politiques publiques vient des entreprises, il faut toujours le rappeler et arrêter de se tirer une balle dans le pied !

Vous êtes Sénateur de Haute-Saône… Comment se traduit la santé économique de votre département et quelles actions majeures souhaiteriez vous y engager ?

Comme dans de nombreux département ruraux, la Haute-Saône fait face à des défis économiques importants, mais les élus locaux déploient une énergie remarquable pour soutenir l’emploi, renforcer la formation professionnelle et encourager des projets innovants.Je pense par exemple au lancement de la première installation photovoltaïque en autoconsommation collective à Dampierre-sur-Linotte, ou encore à l’entreprise Cattinair qui a intégré le programme Étincelle cette année. En outre, les collectivités et les entreprises sont de plus en plus mobilisées en faveur d’un approche collective d’une gestion prévisionnelle des emplois et des carrières. Ces initiatives et entreprises démontrent la volonté du département de s’engager dans des projets durables pour stimuler l’économie locale. 

Propos recueillis par
Suzanne Montigny