Une résolution parlementaire historique
Par Sylvain Waserman, Député du Bas-Rhin, Vice-président de l’Assemblée Nationale.
Pour la première fois, la diplomatie parlementaire franco-allemande prend la parole avec force…
Au-delà de ces symboles historiques majeurs, cette initiative porte un message d’une ampleur et d’une nature inédite… 55 ans après le Traité de l’Élysée qui scellait la relation franco-allemande, cette résolution propose une étape déterminante pour le renouveau du projet européen. Elle affirme notre vocation commune au coeur de l’Europe et notre volonté d’une forte convergence. Elle propose des approches communes qui permettraient des échanges et des coopérations transfrontalières renforcées dans les domaines de l’éducation (et du bilinguisme en particulier), de la culture, de la police, de l’emploi et de la santé, de l’énergie et du numérique. Elle propose enfin des axes très concrets pour les régions transfrontalières, avec des convergences réglementaires dérogatoires des droits nationaux.
Cette résolution intervient, en outre, à un moment capital. À un moment où les diverses crises politiques en Europe (et leur corolaire, la montée des populismes) peuvent faire basculer la situation vers plus d’Europe politique ou vers plus d’Europe du tout. Elle intervient aussi à un moment où l’élan qu’incarne Emmanuel Macron est porteur d’un espoir et d’une détermination européenne nouvelle. À un moment enfin, où les parlementaires allemands sont devant des choix politiques nationaux décisifs pour leur avenir et pour celui de toute l’Europe. En tant que Vice-président de l’Assemblée Nationale, je mesure la force de cette dynamique inédite, qui ouvre la voie d’une diplomatie parlementaire activement pro-européenne. En tant qu’élu alsacien, je mesure sa vision innovante pour notre région frontalière. Et comme tous ceux dont les familles ont particulièrement connu le prix des conflits de l’Histoire, je sais la valeur des liens indéfectibles qui unissent nos deux peuples.
Dès lors, on l’aura compris, cette résolution commune traduit une volonté, chevillée au corps, de renouvellement et de transformation du projet européen. Elle offre une vision convergente sur nos projets de société démocratiques européens, sur l’affirmation du socle européen des droits sociaux, sur la place des citoyens dans l’Europe et l’importance des consultations citoyennes menées conjointement dans nos deux pays, sur la monnaie, qui doit pouvoir nous protéger de crises à venir, sur la compétitivité et sur des règles harmonisées pour le droit des entreprises, sur l’emploi et la sécurité sociale. Elle offre également une vision convergente sur le plan politique, sur le rôle que les Parlements peuvent et doivent jouer dans cette dynamique nouvelle.
Elle déploie aussi la mise en œuvre de grands projets communs comme le « Marché unique de l’Énergie », « l’Union numérique » ou bien, encore, la création d’une « Agence européenne de l’Innovation de rupture », en vue du renforcement de notre coopération bilatérale
Enfin, ce texte franchit une étape supplémentaire dans l’opérationnalité de ces projets, puisqu’il prévoit des moyens de mise en œuvre inédits, comme la formation d’un groupe de travail conjoint de haut niveau, chargé de formuler des propositions communes pour le développement de l’Union économique et monétaire ou bien, encore, la mise en place d’échanges approfondis et permanents entre nos Commissions parlementaires sur les grands sujets.
Il y a des moments dans la vie d’un parlementaire qui ne ressemblent à aucun autre. Ceux que nous avons vécu à Berlin ce jour là en font assurément partie… En signant le Traité de l’Elysée et ce, moins de vingt ans après la fin des deux conflits mondiaux les plus meurtriers du XXème siècle, le Président de la République Charles de Gaulle et le Chancelier Konrad Adenauer scellaient la réconciliation de nos deux peuples et établissaient une paix durable en Europe. Mais s’il est important de se souvenir du rôle majeur du couple franco-allemand dans la naissance de l’Europe unie, à l’occasion de ce lundi 22 janvier 2018, nous, parlementaires allemands et français, avons fait bien plus que commémorer un anniversaire ; nous avons pris un nouveau rendez-vous avec l’Histoire. Je tiens à dire que jamais je n’avais lu une résolution qui propose avec autant de force et de précision un nouvel élan pour le transfrontalier. Aucun de mes collègues alsaciens, présents ce jour là et quel que soit leur banc, ne pouvait être insensible à une telle ambition parlementaire jamais égalée en la matière.
Aussi, demain, il sera donc de la responsabilité de tous les élus de notre territoire, quelle que soit leur couleur politique et quels que soient leur mandat et leur collectivité territoriale, de se saisir de cette opportunité unique que nous offre la représentation nationale, pour la transformer en une réalité tangible.
C’est pour toutes ces raisons – et parce qu’au Mouvement Démocrate nous sommes depuis toujours des soutiens résolus et enthousiastes de l’amitié franco-allemande, parce que nous avons l’Europe comme passion et comme raison – que le Groupe MoDem et apparentés a voté avec force et à l’unanimité cette résolution. Nous prolongeons ainsi la volonté du Président de la République, affirmé dans son discours de la Sorbonne, d’approfondir la relation franco-allemande et d’établir un nouveau Traité de l’Elysée.Car le vote de cette résolution intervient à un moment clé de l’Histoire européenne, où l’alignement des planètes, si cher à notre majorité présidentielle se dessine aujourd’hui, peut-être, enfin, au niveau européen.
À un moment où, rappelons-le, fragilisée par les crises qui ont voulu l’abattre, l’Europe retrouve une énergie et une détermination nouvelles. Une énergie dans laquelle nos deux pays jouent et joueront plus encore dans les années à venir, un rôle décisif. Nos amis allemands l’ont prouvé, avec la coalition qui se dessine en Allemagne et son engagement pro européen ; et nous l’avons prouvé de notre côté avec, enfin, dans la campagne présidentielle et dans les premiers mois du mandat, des paroles et des actes pro-européens que nous étions tant à attendre depuis si longtemps.
Mais le chemin est encore long ! Nous devrons lutter avec une détermination sans faille contre toutes les Europhobies et contre le déclino-septicisme anti-européen. Dès lors, par le vote de cette résolution commune historique, nos deux Assemblées ont fait le choix de l’amitié franco-allemande et de l’avenir pour l’Europe ; et comme tous ceux qui croient que notre avenir est ensemble dans l’Union, comme tous ceux dont les familles ont connu les guerres fratricides et qui ont payé un lourd tribut, comme tous ceux enfin, qui vivent le transfrontalier au quotidien et voudraient qu’il s’affirme bien plus encore, je sais la valeur d’un tel choix…
Zum schluss, liebe deutsche Freunde, Europa braucht uns und wir brauchen Europa.
L’Europe a besoin de nous, et nous avons besoin de l’Europe !
Sylvain Waserman,
Député du Bas-Rhin
Vice-président de l’Assemblée Nationale