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L’Exception Française

Par Yvon Gattaz, de l’Institut.

Président du CNPF de 1981 à 1986, fondateur de Jeunesse et Entreprise, et membre de l’Institut depuis 1989, Yvon Gattaz est le premier créateur d’une société industrielle à entrer sous la coupole depuis trois siècles et demi, selon Alain Peyrefitte. Il est également président de l’ASMEP (Association Syndicale des Moyennes Entreprises Patrimoniales), auteur de livres de référence, et président de la société RADIALL, qu’il a fondée en 1952.

Yvon Gattaz, de l’Institut.

On considère la fuite des capitaux comme inévitable. Les mouvements de capitaux ont toujours existé, mais ce qui est inquiétant, c’est qu’une maladie chronique semble s’installer en France. Nos capitaux d’entreprises quittent le pays sans retour. D’après les études de l’ASMEP, cette fuite atteindrait 150 milliards depuis 1995 et s’accélère. Le déplafonnement et l’augmentation de l’ISF sous le gouvernement Juppé ont conduit certains investisseurs à payer une ISF supérieure à leurs revenus, ce qui est inacceptable. L’erreur est faite, et il semble peu probable que les socialistes modifieront cette loi.

Un autre problème majeur est l’hémorragie des cerveaux. Les meilleurs jeunes cherchent à s’expatrier de manière permanente, non plus pour des séjours temporaires ou des échanges, mais pour une nouvelle carrière. Cette situation est inquiétante pour l’avenir du pays. Ils se dirigent vers l’Angleterre pour les financiers et entrepreneurs, ou les États-Unis pour les scientifiques et chercheurs. En tant que chef d’entreprise, je constate également que nos cadres envoyés à l’étranger demandent souvent à y rester. Cette fuite de talents est réelle et préoccupante.

La délocalisation est le troisième volet de ce problème. Les entreprises limitent leur production en France et investissent à l’étranger. Elles préfèrent investir en Angleterre, Irlande, Écosse, Espagne, Portugal, Maroc, et Tunisie, mais peu en Asie. Les entreprises investissent à l’étranger, laissant les productions locales se réduire. Par exemple, Radiall possède des usines en Angleterre, aux États-Unis, en Inde et à Shanghai. En France, les contraintes sont nombreuses, malgré la qualité du travail.

La vente d’entreprises patrimoniales à des groupes étrangers est un autre problème. Selon les statistiques de l’ASMEP, dans 75% des cas, la vente entraîne une réduction d’effectifs ou la fermeture d’établissements dans les trois ans suivant la transaction. Les raisons incluent le poids de l’ISF et les difficultés de transmission des entreprises familiales. Les droits de succession ont été doublés en 1984 et atteignent 40% en ligne directe, 60% en ligne indirecte depuis la loi Mauroy, maintenue par Chirac en 1986. Ces droits ont conduit à la vente de plus de 100 entreprises familiales à l’étranger ces trois dernières années, souvent avec des pertes d’emplois.

Les 550 membres de l’ASMEP reçoivent des offres de plus en plus pressantes de groupes étrangers, surtout américains. En Allemagne, le Mittelstand, correspondant aux moyennes entreprises, est la force économique du pays et ces sociétés familiales prospèrent sans demander d’aide à l’État. En France, les moyennes entreprises sont négligées. L’augmentation de l’impôt sur les sociétés sous le gouvernement Jospin a assimilé les moyennes entreprises aux grandes, menaçant leur existence.

La France est un cas particulier en Europe. La majorité des pays européens ont pris des mesures pour faciliter la transmission d’entreprises, mais la France est restée à l’écart. En Allemagne, les droits de transmission sont faibles, en Angleterre ils sont totalement exonérés, et en Espagne réduits de 95%. L’euro pourrait contraindre la France à se conformer aux normes européennes, ce qui est essentiel. Felipe Gonzalez a dit : « Un chef d’entreprise ne devient riche que lorsqu’il vend, et non lorsqu’il transmet sa société à titre gratuit. » Il est temps de méditer cette remarque.

Yvon Gattaz, de l’Institut