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Les mesures pour améliorer la compétitivité de la place financière
par Gérard Mestrallet, PDG de Suez, Président de Paris Europlace
La place financière joue un rôle crucial dans la compétitivité et l’attractivité de la France. Il est donc impératif que l’ensemble des décideurs français, en particulier les responsables politiques, comprennent pleinement cette contribution. Ils doivent également être conscients des risques qui pèsent actuellement sur notre industrie financière et des mesures nécessaires, tant de la part des pouvoirs publics que des professionnels eux-mêmes, pour y faire face.
- L’enjeu
L‘industrie financière joue un rôle fondamental dans notre économie et dans la compétitivité des entreprises françaises, tout en étant un levier crucial pour l’emploi. D’une part, elle assure le financement de l’économie : en 2003, les marchés financiers ont apporté plus de 310 milliards d’euros à l’économie française, contre 54 milliards en 1997. Avec plus de 800 entreprises cotées à Paris et une capitalisation boursière dépassant les 1.000 milliards d’euros, l’impact est significatif.
D’autre part, l’industrie financière contribue à hauteur de 4,5 % à la valeur ajoutée nationale, soit trois fois plus que l’industrie automobile, et davantage que l’industrie agro-alimentaire (3,8 %) ou le secteur de l’énergie (1,6 %). En termes d’emploi, elle est également très importante, employant 700 000 personnes, ce qui représente 4,5 % de la population active française. C’est plus du double des effectifs dans l’industrie automobile ou les activités informatiques.
Le secteur financier est également le principal créateur d’emplois pour les investisseurs étrangers, avec 6,5 % de l’emploi en Île-de-France (260 000 personnes) et contribuant à hauteur de 15 % du PIB régional. Maintenir une industrie financière robuste est crucial pour garder le contrôle sur nos centres de décision, surtout face à l’influence croissante des investisseurs étrangers, qui détiennent plus de 35 % du capital de nos entreprises.
L’un des défis majeurs est le manque d’investisseurs domestiques. Il est essentiel de développer les fonds de pension pour diversifier la base d’actionnaires de nos grands groupes. De même, des réformes fiscales concernant la détention d’actions sont nécessaires pour améliorer la couverture des risques. Enfin, les grands groupes français reconnaissent de plus en plus la nécessité d’une place financière locale pour renforcer la relation avec les autorités de régulation.
- Les menaces
Des menaces considérables pèsent sur l’ensemble des métiers de la finance, touchant particulièrement les banques et les sociétés de bourse. L’érosion de la localisation des métiers d’intermédiation s’est intensifiée au cours des cinq dernières années, affectant en particulier les activités de salles de marchés, de back office et d’analyse financière. L’une des principales raisons de ces délocalisations est la pression fiscale et les charges sociales élevées sur la main-d’œuvre. Selon une étude du cabinet Francis Lefebvre, pour rémunérer un cadre supérieur de la finance à hauteur de 100, il en coûte 165 à Londres, 182 à Francfort, et 323 à Paris.
De plus, dans le domaine de la gestion d’actifs, qui constitue actuellement un atout majeur pour notre place financière, les perspectives de développement, notamment en termes de création d’emplois, pourraient se concrétiser hors de France si des mesures correctrices ne sont pas prises.
Enfin, les entreprises émettrices, en raison de la lourdeur des procédures réglementaires et de notre moindre compétitivité fiscale, choisissent de plus en plus fréquemment de se délocaliser vers d’autres places financières européennes concurrentes.
- La situation est-elle irréversible ?
Nous disposons aujourd’hui d’une fenêtre d’opportunité pour agir, qui n’existait pas il y a cinq ans. Plusieurs facteurs clairs soutiennent cette possibilité : le développement et les succès d’Euronext, première bourse pan-européenne intégrée ; le renforcement du pôle de gestion de la place de Paris ; la position de l’euro comme devise de référence pour les émissions, face au dollar américain ; et l’existence d’un cadre de régulation sécurisé en conformité avec les standards internationaux, comme la Loi de Sécurité Financière.
À cela s’ajoutent des facteurs plus permanents : le professionnalisme de notre industrie financière, la qualité et l’avancée technologiques de nos systèmes, notamment dans la négociation des valeurs mobilières et les fonctions de « post-marché », ainsi que l’attractivité de Paris pour les professionnels de la finance, en raison de la qualité de son cadre de vie et de ses équipements collectifs.
La conjonction de ces éléments crée une opportunité pour agir, tant du côté des pouvoirs publics que des professionnels de la finance eux-mêmes. - Les actions à mettre en œuvre
L’environnement juridique et fiscal de l’industrie financière revêt une importance stratégique, surtout si l’on rappelle le caractère essentiellement mobile des emplois de la finance, qui sont particulièrement sensibles aux évolutions de la fiscalité. Les demandes de la place financière aux pouvoirs publics sont ainsi centrées sur les mesures permettant de retenir et de développer à Paris cet emploi hautement qualifié et fortement producteur de valeur ajoutée, particulièrement sensible aux différentiels de charge fiscale d’une place à l’autre. Dans le contexte de la réforme de la taxe professionnelle, il est essentiel que les mesures compensatrices adoptées ne pèsent pas sur la compétitivité de la place de Paris, et dès lors sur l’emploi dans l’industrie financière. Il est également crucial d’aboutir dans les meilleurs délais à un abaissement de la taxe sur les salaires, qui est une taxe sur l’emploi. Les acteurs professionnels de la place financière de Paris, intermédiaires financiers, investisseurs institutionnels et émetteurs, réunis au sein de l’association Paris Europlace, ont conscience qu’ils sont partie prenante du combat pour la compétitivité de la France. Ils ne se contentent pas, dans cet esprit, de formuler des demandes aux pouvoirs publics, mais se sont organisés, depuis plusieurs années déjà, pour mener des actions collectives en faveur de la compétitivité de la place et de l’économie française.
Les principaux axes de ces actions portent sur le renforcement des « points de force » de notre industrie financière, notamment dans le domaine bancaire et la gestion de portefeuille, le développement d’actions pour améliorer l’interface entre l’industrie financière et les entreprises émettrices, la participation intense en amont aux réflexions européennes sur les modalités d’organisation des marchés financiers intégrés et les relations avec les États tiers, au premier rang desquels les États-Unis et les pays d’Asie. Ces axes ont déjà donné lieu à des réalisations qui laissent bien augurer des conséquences bénéfiques de ces actions collectives sur la compétitivité de la place financière et de l’économie. En conclusion, je souhaiterais à nouveau insister sur l’idée que, dans le secteur de l’industrie financière comme dans d’autres secteurs, il n’existe pas de fatalité. C’est grâce à la volonté et à l’effort collectif que nos programmes d’actions pourront être mis en œuvre et prouver leur efficacité, même si les risques qui menacent la place financière de Paris ne doivent pas être sous-estimés.
Comme vous l’aurez compris, l’amélioration de l’attractivité de la place financière et le développement d’une industrie financière compétitive, enjeux vitaux pour nos entreprises émettrices et l’emploi, reposent sur un engagement commun.