Vous êtes ici Le Journal du Parlement > « Nous n’accepterons aucune atteinte à notre souveraineté nationale, d’où qu’elle vienne ! »
Ould Abdel Aziz, Président de la République Islamique de Mauritanie

Monsieur le Président, après les récentes prises d’otages de ressortissants français et étrangers au Niger par l’AQMI au Maghreb islamique, quelle est aujourd’hui votre évaluation de la poussée et de la menace islamiste dans la région du Sahel, voire dans tout le Magreb ?

Je pense que ce qu’on dit sur le terrorisme dans la sous-région ne correspond pas à la réalité. En fait, nous savons aujourd’hui qu’il s’agit de groupes d’individus hors la loi, qui veulent se donner une amplitude qu’ils n’ont pas, à travers la terreur, le trafic de la drogue, des armes de toutes sortes et l’immigration clandestine. Quelle que soit l’importance de ces terroristes, on ne peut en aucun cas, les comparer aux forces d’un Etat. Il n’est pas permis, en effet, de dire qu’une armée structurée disposant de moyens logistiques à l’échelle d’un pays ne peut pas mettre fin à l’existence d’une poignée de terroristes qui perturbent la quiétude et le silence du désert. Il n’est pas admissible qu’un Etat, quelle que soit la faiblesse de son armée, reste les bras croisés face à de telles bandes de terroristes. Je suis sûr que si ceux qui sont concernés coordonnaient réellement leurs politiques en matière de sécurité, la région serait, en un très court laps du temps, nettoyé de ces hors la loi.

Lorsqu’on entend dans la bouche d’un représentant algérien comme ce fut le cas récemment sur la chaîne Al-Arabyia que la France est revenue au temps du colonialisme de par sa présence au Niger avec un certain soutien logistique et militaire à la Mauritanie, que répondez-vous ?

Nous entretenons avec la France des relations d’amitié et de coopération fondées sur le respect mutuel. L’aide que la France nous apporte, quel que soit d’ailleurs le domaine, ne peut que nous réconforter, et nous accueillerons avec le même enthousiasme et les mêmes sentiments toute aide, surtout si elle est de nature à renforcer nos moyens logistiques en matière de sécurité.
Nous serions très reconnaissants au pays frères et amis de nous apporter une assistance dans ce domaine. Mais, pour combattre les terroristes qui nous attaquent, nous comptons d’abord sur les moyens dont nous disposons et non sur les moyens que nous cherchons encore à obtenir.

Je sais que les terroristes dans la sous-région bénéficient malheureusement parfois de complicités locales, car dans des milieux où sévissent la pauvreté  et l’ignorance, on résiste difficilement à la corruption et au chantage. Mais, si ces pays entreprenaient une stratégie sous-tendue par des efforts coordonnées, cohérents et continus, il n’y aurait pas de raison que le terrorisme s’y développe.

Le fait que l’armée algérienne ait repoussée vers le désert sahélien une grande partie de l’AQMI, constituée d’anciens membres du GIA (Groupes Islamiques Armés en Algérie) ne pose-t-il pas aujourd’hui un problème majeur pour vous et vos autres voisins?

La sécurité dans notre pays ne peut être menacée que par les hors la loi qui sévissent dans la sous-région, car en Mauritanie, il n’y a aucun terroriste. Par conséquent, toute activité ou présence terroriste à proximité de notre territoire ne peut que constituer une menace pour notre pays. En fait, il faut que les terroristes cessent définitivement leurs activités pour que les populations de la sous-région puissent vivre dans la paix et la quiétude.

Comment expliquer que la Mauritanie soit le pays le plus en pointe dans sa lutte contre Al-Qaida?

Ce que je peux vous dire c’est que des hors la loi se sont infiltrés dans notre territoire à plusieurs reprises, tuant des éléments de notre armée parfois en plein Ramadan ! Nous ne pouvons pas rester les bras croisés devant de telles agressions et nous n’accepterons aucune atteinte à notre souveraineté nationale d’où qu’elle vienne. C’est pourquoi, nous avons pris un ensemble de mesures pour assurer la sécurité de nos citoyens et des ressortissants des pays amis qui vivent parmi nous.

L’absence de réelle coordination régionale dans la lutte contre Al-Qaida est-il dû au contentieux territorial sur le Sahara occidental qui oppose l’Algérie au Maroc depuis 1974 et aux divergences politiques entre la France et l’Algérie ?

La Mauritanie ne ressent pas ce manque de coordination que certains mettent parfois en exergue. Nous avons les moyens d’assurer la sécurité de notre pays. En outre, nos relations avec l’Algérie et le Maroc sont excellentes. Face à la menace terroriste, les pays se doivent d’unir leurs efforts.

Propos recueillis
par Christian Malard