Dix raisons d’en finir avec les rallyes !

Ils sont au coeur des territoires et représentent cette écologie proche des préoccupations des habitants… Ils symbolisent, en effet, ce maillage associatif qui contribue à faire vivre la France et ses paysages, en pratiquant une écologie de bon sens, d’où leur volonté d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur le contresens de l’organisation de rallyes automobiles qui polluent et détériorent l’habitat animalier…

En 2024, six rallyes comportant des épreuves sur des chemins terre sont encore prévus dans les territoires du Lot, de la Corrèze, de l’Aveyron, de la Lozère et de la Corse. Nous vous faisons connaître, par cette Lettre ouverte, notre opposition, non seulement au rallye terre d’Occitanie, qui impacte des endroits magnifiques du Lot et de la Corrèze voisine, mais encore au principe même de ces rallyes d’un autre âge, dans toutes les autres régions concernées. Où que ce soit, il faut en finir avec ce genre d’épreuves qui voient des bolides surpuissants et polluants déferler dans des environnements fragiles. Elles sont d’autant plus choquantes qu’elles se déroulent le plus souvent dans des zones sensibles, qui devraient être protégées. Ainsi en est-il du rallye Terre d’Occitanie, dont une « spéciale » se déroule au cœur même du Parc naturel régional des Causses du Quercy, qui bénéficie pourtant du label Géoparc mondial UNESCO.

Mesdames et Messieurs les parlementaires, nous vous demandons de bien vouloir prendre en considération les dix raisons qui expliquent notre opposition à ces manifestations :

1 Ces épreuves détériorent un patrimoine paysager et humain séculaire :
les voitures défoncent les chemins et y creusent de profondes ornières et d’énormes nids de poule. La réfection des chemins est un leurre. Leur structure naturelle, construite au fil des ans, est totalement détruite par la violence et la puissance des moteurs. Et les apports de castine et de cailloux concassés sensés les réparer n’y font rien. Ils sont balayés aux premiers gros orages. Certains de ces chemins sont devenus impraticables. Des murets de pierres sèches sont démolis du fait de sorties de route, comme cela fut le cas au hameau de Chapelle, près de Martel, en 2023. La démolition peut aussi intervenir avant l’épreuve, les organisateurs voulant élargir les chemins pour permettre le passage des voitures. Des fontaines ancestrales sont endommagées. C’est ce qui est arrivé dans ce même hameau de Chapelle en 2022, à une fontaine remarquable, qui venait juste d’être restaurée avec l’aide de la Fondation du Patrimoine. En outre, les épreuves peuvent se dérouler dans des sites archéologiques qui devraient être protégés : ainsi une « spéciale » du rallye Terre d’Occitanie frôle le site préhistorique de la grotte des Fieux puis, près du hameau de Barrières, un dolmen remarquable à côté duquel est installé à cette occasion un barnum-buvette. 

2 Ces épreuves constituent une menace pour la biodiversité :
le bruit infernal et la poussière étouffante soulevée par les voitures chassent des espèces protégées. Il en est de même pour la flore : l’épreuve près du site de Barrières est dévastatrice pour les orchidées du Causse, tant du fait du passage des voitures que du piétinement des spectateurs. 

3 Ces épreuves ont un bilan carbone désastreux :
il est estimé à près de 130 tonnes de CO2 pour la seule édition 2023 du rallye Terre d’Occitanie (course, préparation et déplacement des concurrents), soit 56 ans de consommation d’essence pour un automobiliste qui parcours quinze mille kilomètres par an. Et que dire des douze arbres plantés par les organisateurs pour compenser ce bilan désastreux alors que rallye représente la consommation annuelle en CO2 d’une forêt de 5359 arbres adultes !

4 Ces épreuves sont scandaleusement énergivores :
sur la base des chiffres 2023 et des données constructeur, la consommation de carburant pour les deux jours de course est considérable (environ 18 000 litres d’essence !)

5 Ces épreuves comportent des risques pour la qualité des eaux :
les chemins suivent souvent des ruisseaux ou longent des lacs. Ces eaux sont menacées par le ruissellement et l’épandage  de carburant hautement polluant. En 2022, lors du rallye Terre d’Occitanie, une voiture a échoué dans un lac de Saint-Namphaise, près du hameau de Barrières, laissant s’écouler huile et essence dans l’un de ces points d’eau typiques du Causse de Gramat qui permettent d’abreuver les moutons. Le risque est d’autant plus grave que dans ce milieu karstique, la pollution des eaux souterraines est immédiate. Les craintes sont grandes pour 2024, car une épreuve du rallye doit traverser une superbe zone humide près de Branceilles en Corrèze.

6 Ces épreuves endommagent des cultures et des prairies au mépris du travail des agriculteurs riverains :
ainsi en 2022 et 2023 des exploitants de la commune de Lachapelle-Auzac ont subi des dégâts par des sorties de route et un virage a été coupé les deux années de suite laissant le sol de la prairie à nu sur plusieurs dizaines de m2. Des pierres ont été propulsées à  une dizaine de mètres tout le long des chemins, les obligeant à un long travail d’enlèvement avant de pouvoir faucher. Il faut y ajouter les dommages causés aux cultures et aux prairies par le piétinement des spectateurs.  

7 Ces épreuves ne garantissent pas la sécurité des spectateurs qui se massent de façon imprudente et sans protection le long du parcours :
en 2023, cinq spectateurs ont été fauchés et un Commissaire de course de 19 ans a été tué par une voiture qui est sortie de route, lors du Rallye des Cardabelles dans l’Aveyron ; un spectateur a été grièvement blessé lors d’une « spéciale » à Aléria et deux conducteurs ont été gravement blessés lors du Rallye Terre d’Occitanie, près du site des Fieux. Compte-tenu de ces accidents, il apparaît déraisonnable de déléguer les mesures de sécurité aux organisateurs et aux bénévoles.

8  Ces épreuves comportent un risque d’incendie :
les pots d’échappement des bolides crachent des étincelles qui peuvent mettre le feu lorsqu’ils traversent des zones forestières. 

9 Ces épreuves violent le droit constitutionnel à la liberté de circulation :
les organisateurs obligent les riverains des chemins et des routes de liaison à ne pas sortir de chez eux, les empêchant de se déplacer librement pendant toute une journée. Dans le cas du Rallye Terre d’Occitanie, cette interdiction dure de 5 h du matin à 23 h.

10 Ces épreuves violent des règles élémentaires du droit administratif :
ainsi, en 2023, une épreuve du Rallye Terre d’Occitanie a été organisée sur le territoire de la commune de La Chapelle-Auzac sans qu’un arrêté d’autorisation n’ait été pris par la municipalité. L’arrêté préfectoral autorisant le rallye ne fait état d’aucun arrêté de ce type concernant cette commune et il a été publié trop tardivement (cinq jours ouvrés avant le début de l’épreuve) pour permettre d’engager une action en référé.

En ces temps de changement climatique, de menace environnementale, de crise énergétique et de malaise démocratique, nous espérons que vous entendrez l’expression de la préoccupation des citoyens et des citoyennes que nous sommes, indignés de voir les terres agricoles, le patrimoine commun et la nature servir de terrain de jeux à quelques-uns. Il nous semble inacceptable de livrer ainsi à quelques passionnés de courses automobiles des paysages magnifiques, une biodiversité exceptionnelle, un patrimoine rural ancestral, appréciés tant par les Lotois et les Corréziens que par les touristes…

Le Conseil d’Administration collégial de l’Association Paysage. Mairie 46600 Martel.

Yves Eveno pour le Collectif Rallye Non merci, 19500 Branceilles.