Thomas Buret
Thomas BuretDirecteur de la Division Solutions Intégrées de iXblue

iXblue : Les technologies du futur au service de la Défense

Lors de l’inauguration de votre siège de 8 500 m2, à Saint-Germain-en-Laye, Jean-Yves Le Drian avait salué le caractère « stratégique des innovations de l’entreprise qui permettent à la France de garantir sa souveraineté ». De quelles innovations en particulier parlait le Ministre ?

iXblue est très présent sur deux marchés stratégiques : le spatial, d’une part et la Défense, d’autre part. Au cours des 15 dernières années, nous avons introduit de nouvelles avancées sur ces marchés, à l’instar de nos technologies photoniques, inertielles et mécatroniques. Nous avons, par exemple, bouleversé le secteur de la navigation, en cassant le plafond de verre de la très haute performance inertielle. Il y a trois ans, notre fer de lance était le Marins M7, qui, très vite, a connu un incroyable succès et nous avons équipé l’intégralité des bâtiments de premier rang de la Royal Navy.  Cet engouement nous a, incontestablement, incité à poursuivre dans cette voie, en introduisant des produits encore plus performants. Pour preuve, les Marins M9 & M11, 5 fois plus performants que le M7 ! En tout état de cause, la notion de souveraineté est, bien évidemment, primordiale dans ces domaines critiques. Elle nécessite également une intégration verticale de nos technologies et c’est précisément ce que nous avons fait : nous produisons nos propres fibres, nos propres accéléromètres et gyromètres, nos propres logiciels…

Vous qui existez depuis 20 ans, pensez-vous que les besoins du secteur de la défense en matière de hautes technologies ont évolué de manière significative au fil de ces dernières années ?

Comme d’autres secteurs, la Défense est traversée par les révolutions technologiques de notre temps : miniaturisation des procédés, explosion de la puissance de calcul disponible, intelligence artificielle, démocratisation des moyens de communication… Si ces révolutions technologiques induisent des opportunités, elles entraînent également avec elles de nouvelles menaces et de nouveaux défis, auxquels les Forces doivent se préparer. À titre d’exemple, la cyber-sécurité s’impose comme un enjeu de plus en plus prégnant, au sein de plateformes toujours plus connectées les unes aux autres. Dès lors, vous l’aurez compris, nous tentons d’anticiper ces grandes tendances technologiques et de nous mettre en position pour répondre aux besoins émergents. Notre calculateur de données Netans s’inscrit ainsi au cœur de la sécurité de navigation des futures Frégates de Défense et Intervention françaises (les FDI). Côté opportunité, ces révolutions ouvrent véritablement la voie à une meilleure appréhension de la situation tactique, via des systèmes d’aide à la décision avancés. Tout cela étant en lien vers un mouvement générale de l’autonomisation des systèmes. iXblue est un acteur très innovant dans ces domaines. Dans les deux cas, il est particulièrement indispensable de disposer d’une information de position fiable, résiliente et précise. C’est notre créneau !

Quelles applications proposez-vous pour le monde de la Défense maritime et terrestre ? 

Nous proposons, avant tout, des solutions de navigation et de positionnement résilientes, performantes et autonomes pour le marché Défense. Nous pouvons proposer aux grands intégrateurs différentes briques technologiques, telles que l’inertiel, le calcul et la distribution de données ou encore le logiciel de cartographie certifié. Et comme nous avons intégré toutes les capacités d’ingénierie, nous accompagnons nos clients de la conception à la maintenance opérationnelle long terme de nos systèmes.

Vous avez été l’un des premiers au monde à exploiter la technologie FOG, ouvrant la voie à des systèmes de navigation inertielle inédits… 

Le Gyroscope à fibre optique est une technologie qui permet de mesurer une vitesse angulaire en utilisant des faisceaux lumineux au sein d’une fibre optique. Cette technologie, qui utilise l’effet Sagnac (découvert par le physicien français Georges Sagnac au début du XXème siècle),  présente de nombreux avantages vis-à-vis des technologies précédentes (gyro-mécanique, gyro-vibrant et laser) : meilleure précision, meilleure fiabilité, mais aussi tenue aux environnements et dans le temps.

Les réalisations  initialement  développées pour des missions civiles, que vous avez proposées ensuite pour des applications militaires ont-elles rempli leur mission ?

C’est, là aussi, une autre des singularités de notre entreprise :  nous élaborons souvent nos technologies pour des applications civiles critiques qui, une fois éprouvées par nos premiers clients, séduisent alors le monde de la défense par notre performance, notre fiabilité et notre sens du service. Ce positionnement particulier entretient une certaine rupture, ou du moins un fort différenciant comparé, il faut l’avouer, aux « pure player » du monde de la défense. Par exemple, notre système de positionnement acoustique sous-marin Gaps, qui a été développé pour des opérations de travaux maritimes en sous-marin civil, a récemment été sélectionné par la DGA pour des applications chasse-mines.

Dans quelle mesure souhaitez-vous étendre vos compétences à l’exploration spatiale ?

Le spatial a été et est un secteur qui a toujours montré une très forte appétence pour nos technologies, tout simplement parce que c’est un marché d’excellence, à plusieurs niveaux (performance, fiabilité) et que c’est justement le type de marché qu’il est dans notre ADN de viser. Cependant, il faut aussi reconnaître et remercier nos partenaires, qui ont su nous faire confiance dès le début. Notre partenariat avec Airbus a été un élément absolument clé dans ce domaine. Le CNES, rappelons-le, a également su miser sur nous.

Quels sont les défis actuels que vous devez relever en matière de technologie de défense ?

Nos défis restent l’accès au marché. Nous sommes passés de la PME à l’ETI et nous avons vu le regard des instances évoluer dans le bon sens, à mesure que nous démontrions que l’on pouvait, non seulement nous faire confiance, mais aussi dépasser les attentes de nos clients. Nous devons maintenant poursuivre cette dynamique et inscrire ces succès dans la durée avec des échéances très importantes pour nous, que cela soit sur les marchés terrestre ou naval. Nous restons naturellement moins « visibles » que les grands Groupes de Défense. Nous avons moins de possibilités d’interactions et parfois, nous ne disposons, de fait, pas du même niveau d’information que nos grands concurrents.

Sur quels grands projets R&D travaillez-vous ?

Nous investissons 20% de notre CA en R&D chaque année. C’est un point crucial pour les grands domaines dans lesquels nous comptons jouer un rôle majeur à l’avenir et qui touchent aux systèmes autonomes, à la photonique et au monde de la mer.

Notre pays reste-t-il l’un des leaders en matière de Défense ?

La France est l’un des rares pays à conserver une filière industrielle qui lui permet de garantir la permanence de sa sécurité et de sa souveraineté. Fabriquer et développer intégralement en France participe de cet objectif. C’est au cœur de notre stratégie depuis le début : nous disposons de toutes les capacités pour réussir sans dépendances auprès de notre environnement extérieur et, par ailleurs, cela nous permet d’assurer une performance pérenne à nos clients. Le leadership de la Défense française sera maintenu par une combinaison : le soutien de nos champions nationaux, d’une part – ce que nous avons toujours su faire -, mais également, le soutien et l’accueil de nouveaux acteurs qui changent la donne et suscitent une remise en question des forces établies. Nous sommes la preuve vivante que le marché français de la défense est prêt à accueillir ces nouveaux acteurs. L’exemple d’iXblue le démontre. Néanmoins, notre histoire révèle aussi que nous avons dû nous imposer d’abord à l’international avant de nous imposer sur notre sol.

Quels marchés l’entreprise séduit-elle à l’international ? 

Nous réalisons 80% de notre chiffre d’affaires à l’international. Il s’agit d’un des piliers de notre stratégie, tout comme l’intégration verticale de nos technologies et notre choix 100% made in France. Cette diversification géographique participe à la pérennité de l’entreprise comme à sa croissance, très soutenue.

À quoi ressembleront, selon-vous, les technologies du futur appliquées au monde de la défense ? 

Nous sommes des experts scientifiques et technologiques. Cela nous permet de mieux comprendre les besoins opérationnels, les nouveaux défis et d’y répondre plus rapidement que nos concurrents. Nous croyons beaucoup aux systèmes autonomes et d’aide à la décision, à la recherche permanente de la performance, dans des encombrements toujours plus restreints.

Quelles sont les réalisations dont vous êtes le plus fier ?

D’avoir pu convaincre autant d’acteurs de premiers plan, sur des applications aussi prestigieuses, en si peu de temps ! En dix ans, nous avons équipé de nombreux navires de combats et sous-marins, dont la nouvelle génération de frégates de la Marine Nationale. Nous équipons les marines US, UK, allemandes, néerlandaises…

Nous sommes à bord de plus de 40 marines dans le monde ! Nous sommes sélectionnés par des acteurs de premiers plan comme Nexter et Thalès. Nous avons récemment fêté avec Airbus   les 100 ans en orbite de nos produits Astrix.

Comment imaginez-vous le développement de votre entreprise sur la prochaine décennie ? 

Sous deux angles… D’une part, toujours plus d’innovation et à un rythme toujours plus soutenu : nous devons poursuivre nos progrès ! D’autre part, nous sommes attachés aux partenariats. Nous avons toujours nourri une vision très collaborative de notre environnement. Cette philosophie nous a permis d’établir des rapports fructueux, porteurs de grande valeur ajoutée pour l’ensemble des parties prenantes. Nous sommes convaincus que c’est la voie de l’avenir et nous allons investir du temps pour le réaliser…

Site web : ixblue.com