Philippe Douste-Blazy
Philippe Douste-BlazyPrésident d'Unitlife

Unitlife : En lutte contre la malnutrition

C’est sans doute l’un des fléaux les plus terribles et pourtant parmi les moins relayés auprès de l’opinion publique et des États : la malnutrition chronique. Elle affecte ceux qui, ne recevant pas les nutriments nécessaires, subissent des séquelles irrémédiables. Des solutions existent, à l’image des trois projets mis en œuvre par UNITLIFE au Niger, au Sénégal et en République Démocratique du Congo…

La malnutrition au cours des 1 000 premiers jours de vie, appelée aussi la malnutrition chronique, est l’une des maladies les plus courantes dans le monde, affectant 1 enfant sur 5 (soit 149 millions d’enfants) majoritairement dans les pays en voie de développement dont l’Afrique australe et l’Afrique centrale où les taux sont souvent supérieurs à 25%…

Un enfant victime de malnutrition peut conserver des séquelles à vie et est exposé à des retards de croissance physique et des problèmes de développement cognitif, mais aussi à une augmentation du risque de mortalité, à une diminution des défenses immunitaires et des capacités cognitives. Les enfants conçus par une mère anémique à cause de la malnutrition souffrent dès la naissance d’un système immunitaire affaibli et de troubles d’apprentissage considérables.

Cependant, malgré la gravité de la situation, le manque d’initiatives pour lutter contre ce fléau mondial est flagrant. UNITLIFE, un fonds innovant, créé par UN Capital Development Fund et ONU Femmes, se fixe en effet l’objectif de résoudre le défi des inégalités et de protéger la prochaine génération en s’investissant, notamment, dans l’autonomisation des femmes et l’agriculture intelligente afin de combattre la malnutrition à travers le monde. Aujourd’hui, trois nouveaux projets voient le jour, notamment au Niger, au Sénégal et en République Démocratique du Congo.

Au Niger, pays le moins peuplé d’Afrique, touché par la sécheresse et l’insécurité alimentaire, 63% de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, 80% sont analphabètes et la moitié des enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition chronique. On estime que 43% des décès d’enfants au Niger sont liés à la dénutrition. C’est pourquoi UNITLIFE s’est associé à GOAL pour lancer un projet qui donne accès à des semences de céréales et de légumes bio-fortifiées à 283 000 personnes, dont plus de la moitié sont des femmes et des filles. « La bio-fortification est une méthode efficace pour donner accès aux nutriments essentiels sans changer les habitudes alimentaires des populations des régions les plus isolées. Les femmes s’inscrivent au cœur de cette intervention, puisque ce sont elles qui cultivent, cuisinent et nourrissent leur famille et leur communauté », – estime Assia Sidibe, Directrice d’UNITLIFE.

À Dan Balou, par exemple, l’équipe de GOAL réunit un certain nombre de villages pour former à la création et à l’entretien de « trous de zai* », cette technique qui permet de réhabiliter la productivité des terres pauvres et encroûtées. Une fois creusés, les trous sont remplis de compost, de fumier et d’autres matières organiques, ce qui crée un micro-environnement unique. Pendant la saison des pluies, ils se remplissent d’eau et rendent les sols autour plus fertiles et résistants à la sécheresse. Les villageois reçoivent aussi une formation pour entretenir les trous et veiller à ce que leurs communautés disposent de nourriture pour traverser les mois les plus secs.

Le projet soutient aussi l’accès des femmes à la « Habanaye », un système de rotation de chèvres au sein de la communauté afin d’accroître l’accès au lait frais et de leur fournir une source de revenus. Cela renforce aussi un accès aux semences bio-fortifiées.

Au Sénégal, un autre pays aux fortes inégalités régionales où 66% de la population vit sous le seuil de pauvreté, c’est le même principe qui opère. C’est pourquoi UNITLIFE, en partenariat avec Action contre la faim, préconise de créer des viviers d’emplois locaux dans le secteur laitier en utilisant des panneaux solaires reliés à des réfrigérateurs à l’intérieur des unités, qui permettent un meilleur système de conservation, une réduction des coûts énergétiques et l’augmentation de revenus des ménages.

De plus, l’organisation facilite l’accès aux prêts à faible taux d’intérêt pour les femmes souhaitant ouvrir des petites entreprises rurales. On aide aussi les femmes et les filles à cultiver des jardins avec 18 variétés de cultures, ce qui engendre des opportunités supplémentaires de revenus.

En République Démocratique du Congo, 1 enfant sur 2 de moins de 5 ans souffre de malnutrition chronique et 92% des enfants n’ont pas d’alimentation adaptée à leurs besoins nutritionnels. La RDC perd 4,6% de son PIB chaque année de par la malnutrition dont l’impact est ravageur. De plus, les inégalités entre les hommes et les femmes sont très importantes. Malgré le fait que 2 petits exploitants agricoles sur 3 sont des femmes, seulement 3% d’entre elles possèdent des terres.

Pour répondre à ces défis, UNITLIFE, en collaboration avec ONU Femmes, accompagne 600 femmes dans la production de manioc, ce légume-racine au  goût de noisette consommé par 75% des Congolais. Dans son état d’origine, le manioc ne répond pas vraiment aux besoins nutritionnels et n’est souvent pas traité correctement, ce qui peut entraîner un empoisonnement et une paralysie partielle du corps. Les équipes d’UNITLIFE aident donc les femmes à produire un manioc biofortifié en vitamine A, indispensable pour renforcer le système immunitaire et réduire la mortalité maternelle, mais aussi à transformer la farine de manioc en produits savoureux et sains pour les enfants, que les femmes peuvent vendre sur « Buy from Women », une plateforme numérique reliant les agricultrices aux acheteurs. Une partie non négligeable est aussi la campagne de sensibilisation et de diffusion des messages sur la bonne nutrition pour les mères et les enfants visant à améliorer les pratiques d’alimentation.

Dès lors, le Programme des Nations Unies souhaite donc mobiliser aussi bien les entreprises, que les individus soucieux de lutter contre la malnutrition et fait également appel aux Parlementaires des différents Groupes d’amitié pour faire rayonner leur combat. Un combat ambitieux qui, pourtant, peut être remporté grâce à des solutions pragmatiques et claires auxquelles chacun peut contribuer.

*En langue Mooré, zai signifie « se lever tôt et se hâter pour préparer sa terre », car la technique nécessite pas moins de 300 heures de travail à l’hectare.

Site web : unitlife.org