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Zbigniew Brzezinski, Conseiller du Président des États- Unis, Barrack Obama

Quelle est la première des priorités du Président Obama au cours de cette période de transition ?

Une fois élu, il a été confronté à deux défis. Le premier a consisté à trouver un moyen de participer indirectement au Sommet de Washington qui s’est tenu dix jours après l’élection et qui a pourtant traité des questions les plus fondamentales au sujet de la crise économique et financière qui frappe le monde entier, pas seulement les États-Unis. Il a donc été obligé de constituer une délégation pour y assister, même de manière informelle.

Dans tous les cas, cette délégation devait être considérée par tous comme représentant la vision de la prochaine administration.

Le second défi est de former son équipe de hauts responsables au cours des semaines à venir, en termes de politiques étrangère et intérieure. Pour cela, il doit faire des choix difficiles et trouver un équilibre entre diverses combinaisons alternatives. Il faut qu’il dispose de personnes dotées d’un esprit d’équipe et susceptibles d’incarner sa philosophie et son attitude générale.

Au plan international, est-il réaliste de vouloir retirer les troupes d’Irak en seulement seize mois ?

Pour devenir un pays stable, I’Irak devra, à un moment, être capable de se gérer sans les troupes américaines. Les forces armées de notre pays sont comme le bouchon d’une bouteille. On ne sait pas si, lorsqu’on le retirera, le champagne jaillira ou non. Mais pour le faire, nous devrons engager des discussions avec les responsables irakiens au sujet d’un calendrier de retrait.

Nous devrons également mener des pourparlers avec les pays voisins, qui peuvent tous être affectés par l’instabilité en Irak, mais dont aucun ne pourra tirer profit. Il est donc pour le moins possible d’arriver à une sorte de consensus international permettant d’atténuer les dislocations et les incertitudes que peut éventuellement provoquer un retrait américain. Je pense que le Président devra établir un dialogue avec les responsables irakiens et leurs voisins, comme le suggèrent MM.Baker et Hamilton dans le célèbre rapport qui porte leurs noms.

La Syrie et I’Iran donc…

Bien entendu, ces pays doivent être inclus.

Sur quelle base Barack Obama peut-il discuter avec un Président iranien qui défie l’Occident ?

Tout d’abord, il me semble qu’il règne la plus grande confusion, notamment dans l’opinion publique, au sujet du Président Ahmadinejad. Cela vaut autant pour l’Occident, en général, que pour les États-Unis. Le Président iranien n’a rien à voir avec celui des États-Unis. Non seulement en raison de l’asymétrie entre nos deux systèmes, mais aussi parce que, en vertu de la Constitution iranienne, il a moins de pouvoir qu’un Premier ministre dans certains régimes. La France est dotée d’un Président et d’un Premier ministre. Il semble que le premier soit un peu plus important que le second. En Iran, c’est encore plus vrai. Celui qu’on appelle « le Président» ne commande ni l’armée ni les forces de sécurité. Il n’est pas non plus en charge de la politique extérieure. Le réel détenteur du pouvoir est l’Ayatollah Khamenei. Si un dialogue s’engage au plus haut niveau entre les États—Unis et l’Iran, ce sera avec lui. Pour que cela soit possible, des discussions préliminaires sont nécessaires.

Barack Obama a déclaré que, dès son arrivée à la Présidence, il s’occupera du dossier israélo-palestino-syrien…

Les gens les mieux informés s’accordent à dire que si aucune avancée n’est constatée à moyen terme, non seulement pour la paix entre Israël et la Syrie, mais également entre Israël et la Palestine, les chances d’une solution de coexistence entre deux Etats seront nulles. Cette éventualité est déjà affectée par les colonies, la frustration et les tensions.

Le temps ne joue donc pas en faveur d’un processus lent. Ce sera à la nouvelle équipe de décider de ce qu’il faut faire. Et je n’ai aucune idée de la vitesse à laquelle elle voudra progresser. Néanmoins, il ne fait aucun doute que la plupart des commentateurs estiment qu’il faut vraiment fournir un effort sérieux pour apporter la paix aux Palestiniens, aux Syriens et surtout, aux Israéliens.

Comment le Président Obama peut-il atténuer les conséquences de la guerre Irak ?

Comme nous le savons tous, Barack Obama s’est opposé à cette guerre, dès le début. C’est une des raisons pour lesquelles le pays a eu confiance en son jugement. Il doit faire ce qu’il a promis : s’employer sérieusement à mettre fin à la présence américaine dans ce conflit et ainsi créer les conditions d’une « solution irakienne », mais sans déstabiliser la ré ion. C’est pour quoi je vous ai indiqué qu’il faudrait engager des pourparlers, non seulement avec les Irakiens, mais également avec leurs voisins, en plus de la décision que le Président prendra au sujet des troupes américaines.

Propos recueillis
Christian Malard