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Faire tout notre possible pour que le Conseil de l’Europe devienne plus efficace, plus pertinent et plus connu…

Mevliit Çavusoglu, Président de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe

Alors que le Conseil de l’Europe fête son 60ème anniversaire, l’Assemblée parlementaire reste encore relativement peu connue…

Il est vrai que l’Assemblée Parlementaire et le Conseil de l’Europe sont mal identifiés. Tout le monde, même dans les États membres, fait la confusion entre l’Union Européenne, le Conseil européen et le Conseil de l’Europe. Si l’Institution la mieux connue est la Cour européenne des Droits de l’Homme, peu de gens savent finalement qu’il s’agit d’une émanation du Conseil de l’Europe. Personne ne sait non plus que c’est l’Assemblée Parlementaire qui élit les juges de la Cour. Je pense qu’il faut faire tout notre possible pour que le Conseil de l’Europe devienne plus efficace, plus pertinent et plus connu. Je crois aussi que certains membres clés, qui sont des deux côtés, comme la France, l’Allemagne ou le Royaume-Uni, devraient jouer un rôle plus actif au sein du Conseil de l’Europe, particulièrement la France, pays hôte. Nous avons véritablement besoin de plus de soutien de la part des officiels français. Le Président Sarkozy par exemple a été invité, bien avant même avant que je sois Président, mais il n’est pas venu. Pierre Lellouche, en revanche s’est rendu à Strasbourg en juin dernier à l’Assemblée Parlementaire et il a souligné dans son discours l’importance du Conseil de l’Europe. Il s’agit donc de promouvoir aujourd’hui nos valeurs fondamentales, de diffuser les travaux parlementaires et de rendre compte des grandes questions politiques qui son traitées.

En tant que nouveau Président, vous devez vouloir inscrire ”votre empreinte”… Quels sont les grands axes et les perspectives que vous souhaitez tracer ?

Tout d’abord, j’ai choisi une liste de pays ”sensible” auxquels je vais rendre visite. Des pays qui rencontrent un certain nombre de problèmes. Nous devons contribuer à apporter une solution à leurs difficultés, comme en Albanie par exemple. L’opposition a boycotté les réunions du Parlement pendant huit à neuf mois. Je m’y suis rendu avec mon Comité présidentiel et nous avons réussi à convaincre cette opposition de participer aux débats parce que nous avons besoin que le Parlement albanais siège pour adopter des lois qui permettraient à l’Albanie d’honorer ses engagements démocratiques par rapport au Conseil de l’Europe. Ma seconde visite a été consacré à la Bosnie, un autre État membre du Conseil qui rencontre là encore de profonds bouleversements…

Le premier axe fort concerne donc la diplomatie parlementaire…

Tout à fait. Notre objectif consiste également à entreprendre des actions majeures pour résoudre différentes controverses. C’est pourquoi je me rendrai bientôt en Moldavie, un pays qui a de la peine à élire un Président. Dans toutes les régions du monde, Géorgie, Russie, Azerbaïdjan, Arménie, Turquie, Chypre…, nous ferons de notre mieux pour contribuer à la recherche de solutions pacifiques et nous allons mettre en place un Comité ad hoc pour être plus efficace dans ce domaine. Dans cet esprit je vais aussi me consacrer au dialogue inter-culturel et inter-religieux, dont nous avons vivement besoin en Europe aujourd’hui. Nous devons combattre le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme, l’islamophobie et tous les types de phénomènes qui conduisent au terrorisme. La migration et l’intégration des immigrés est également un point important de notre réflexion. Nous avons d’ailleurs un nouveau programme qui s’intitule ”le partenariat pour la démocratie”.

Vous avez déclaré vouloir renforcer a coopération avec le Parlement européen…

Bonne question… C’est pour cela justement que ma troisième visite a été consacrée au Parlement européen. J’ai rencontré le Président Jerzy Buzek et ceux de tous les groupes politiques ; J’ai aussi organisé un déjeuner avec nos ex-membres, qui sont désormais euro-parlementaires. L’Union européenne après le traité de Lisbonne et l’entrée en vigueur du protocole 14 a désormais la possibilité juridique d’adhérer à la Cour européenne des droits de l’Homme. Nous sommes d’accords avec Jerzy Buzek pour continuer à organiser nos réunions déjà régulières entre notre comité présidentiel et leur conférence des Présidents de groupe. Nous étions également d’accords pour garder des contacts étroits entre les groupes politiques. J’ai aussi proposé des rencontres conjointes de nos différentes commissions. Enfin, l’Assemblée Parlementaire produit des rapports de grande qualité dont le Parlement européen peut profiter. Il s’agit de tisser des liens plus forts entre nos deux Assemblées.

Peut-on dire que l’Assemblée Parlementaire et le Conseil de l’Europe peuvent être considérés comme un sas d’entrée dans l’Union européenne ?

Oui c’est vrai. Il existe des pays, qui sont membres du Conseil de l’Europe et candidats à l’Union et qui, grâce à leur appartenance au Conseil, réalisent des progrès notoires. Si les États membres du Conseil de l’Europe remplissent leur engagement, on ne peut nier que cela les rapproche des critèes de Copenhague. Même s’il s’agit de deux institutions différentes, les valeurs auxquelles nous croyons sont similaires. Et c’est pour cela j’ai demandé à. mes mais du Parlement européen de profiter des travaux effectués par l’Assemblée Parlementaire. Et nous avons des réunions très fructueuses avec M.Füle, le responsable de l’élargissement, sur les pays candidats, notamment ceux de la région de Balkans et de la Turquie…

Une brève question pour mieux vous présenter auprès des parlementaires… Vous êtes co-fondateur du ”Parti pour la Justice et le Développement”. Pouvez-vous nous éclairer… ?

Effectivement je suis un des membres fondateurs de ce parti dont l’étiquette est celle des ”conservateurs-démocrates”. Nous sommes conservateurs par rapport à la famille, à la culture, aux traditions, mais nous sommes démocrates dans le sens où respectons des valeurs universelles. Le Parti croit à une économie libérale et c’est en cela sans que doutes les autres partis européens ne nous perçoivent absolument pas comme des conservateurs. Nous croyons à la démocratie sociale dans le secteur de la santé, de l’éducation, de l’assurance maladie. Notre principe en matière de politique étrangère est de ne pas créer de conflits, de se faire des amis plutôt que des ennemis et jusqu’ici, cela fonctionne très bien. Enfin, notre projet le plus important est d’appartenir à l’Union européenne et nous croyons en même temps possible de conserver de bonnes relations avec les pays arabes, les pays d’Afrique et la Russie.

Quelle est justement votre vision de la Turquie aujourd’hui ?

La Turquie a beaucoup changé en sept ans, avec les transformations majeures de ”la révolution silencieuse”. Nous devons continuer dans ce sens, car nous ne sommes pas encore parvenu au niveau que nous souhaitions. Nous devons poursuivre les réformes, notamment par le biais d’un processus de démocratisation. Le problème des Kurdes, des Roms, des minorités non musulmanes n’est pas encore résolu. Je pense que nous avons besoin d’une nouvelle Constitution civile démocratique. C’est la question politique la plus importante en Turquie. En tant qu’Assemblée Parlementaire, nous continuons à faire pression sur la Turquie pour lui demander de réformer sa Constitution. Nous lui avons conseillé de demander l’avis de la Commission de Venise pour le droit constitutionnel, une entité du Conseil de l’Europe.

Une dernière question d’ordre général.. Il est de tradition que les différentes personnalités étrangères s’adressent à la classe politique française à travers le Journal. Quel est le message que vous souhaiteriez faire passer ?

Je voudrais souligner encore une fois que les parties prenantes politiques en France devraient prêter plus d’attention au Conseil de l’Europe et au travail de l’Assemblée Parlementaire. C’est une très bonne chose que grâce à la présence de Jean -Claude Mignon, la délégation française commence à devenir de plus en plus active et il conduit la Vice-Présidente avec beaucoup de talent. Enfin, en tant que Turc, je voudrais demander à la classe politique française, mais aussi aux citoyens français, d’être plus ouvert à mon pays et de se débarrasser de leurs préjugés.