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« Forger la nouvelle OTAN »

Anders Fogh Rasmussen, Secrétaire général de l’OTAN

Monsieur le Secrétaire général, le dernier Sommet de l’OTAN, qui a eu lieu pratiquement onze ans après le 50ᵉ anniversaire de l’Organisation, a-t-il marqué, selon vous, un tournant dans son histoire ?

Le Sommet à Lisbonne a été en effet l’un des plus importants dans l’histoire de l’Organisation. Nous allons forger la nouvelle OTAN et adopter un nouveau concept stratégique qui va mettre en place une alliance plus efficace, plus engagée et plus efficiente. Plus efficace dans l’exécution de nos missions, plus engagée avec le reste du monde et plus efficiente dans l’utilisation de l’argent des contribuables. Concrètement, les points majeurs concernent l’investissement dans les domaines de la défense antimissile, la sécurité de l’information, et le transport longue distance. Nous renforcerons nos partenariats et il faudra que l’alliance puisse s’engager avec les acteurs les plus importants sur la scène internationale pour accomplir notre mission de sécurité. Nous allons également rationaliser nos structures administratives, en réduisant par exemple le nombre de postes dans le commandement militaire de plus de 30 % et en diminuant les états-majors ainsi que le nombre d’agences.

Vous parliez à l’instant du renforcement de la coopération avec les grands acteurs internationaux… J’imagine que vous pensez à la Russie. D’ailleurs, vous avez eu de nombreux contacts avec le Président Medvedev. Récemment, il y a eu le sommet franco-germano-russe à Deauville, durant lequel il a accepté votre invitation de venir à l’OTAN. J’imagine que la stratégie actuelle est d’amener progressivement la Russie, qui a toujours été méfiante vis-à-vis de l’OTAN et un peu de l’Europe, à s’ancrer à l’Ouest. Comment allez-vous procéder ? Êtes-vous optimiste à ce sujet ?

Oui, j’envisage des rapports tout à fait positifs. Mon objectif est de développer un partenariat stratégique entre l’OTAN et la Russie. J’ai récemment effectué une visite à Moscou, où nous avons eu des discussions très constructives qui m’ont permis d’envisager, en particulier, le développement d’une collaboration concernant la défense antimissile, l’Afghanistan et la lutte contre le terrorisme.

Avez-vous senti les Russes aujourd’hui beaucoup plus réceptifs à votre proposition et moins méfiants vis-à-vis de l’OTAN ? Est-ce prématuré de parler d’intégration ?

Je pense qu’une approche réaliste est nécessaire. C’est un partenariat stratégique. Nous avons toujours d’importants différends concernant la Géorgie. Cependant, il y a des domaines où nous partageons des intérêts, comme l’Afghanistan, la lutte contre le terrorisme, les drogues ou la piraterie. Nous devons développer une coopération pratique dans ces domaines.

Dans quelle mesure l’OTAN peut-elle s’impliquer dans la lutte contre le terrorisme, à la fois à l’échelle européenne et mondiale ?

La menace du terrorisme est un défi mondial. En fait, c’est, comme vous le savez, la raison pour laquelle nous sommes en Afghanistan. Notre présence militaire est basée sur la menace que représentait le terrorisme afghan pendant la période des Talibans pour notre sécurité. Ainsi, nous sommes en Afghanistan pour garantir la sécurité de nos populations. La lutte contre le terrorisme est une responsabilité nationale pour chaque nation, mais c’est aussi un défi mondial qui nécessite une amélioration de l’échange d’informations et des services de renseignement.

Est-il difficile pour vous d’expliquer à l’opinion publique occidentale que la sécurité de l’Occident dépend en grande partie de la manière dont les informations sont gérées en Afghanistan ?

Tout le monde sait très bien que l’attaque contre les États-Unis en 2001 a été planifiée en Afghanistan, c’est un fait. Il faut remonter aux origines de cette menace. C’est pourquoi, j’insiste, nous sommes présents là-bas. On a souvent l’impression que les Talibans sont en train de gagner cette guerre. De plus, peut-on considérer le Président Karzai comme fiable lorsqu’on observe les relations qu’il entretient avec le Président Ahmadinejad, qui, entre nous, n’est pas irréprochable ? En ce qui concerne l’Afghanistan, permettez-moi de souligner que nous resterons là-bas aussi longtemps que nécessaire pour mener à bien notre mission. Nous soutenons l’objectif du Président Karzai de transférer la responsabilité de la sécurité à l’armée afghane d’ici la fin de 2014. Ce processus doit naturellement se baser sur les conditions de sécurité sur le terrain. À mon avis, c’est un objectif réaliste.

Avez-vous confiance en l’avenir de l’Afghanistan malgré tous les problèmes qui se posent ?

Je suis confiant et nous avons réalisé des progrès significatifs au cours des 12 derniers mois. Nous avons augmenté le nombre de troupes internationales. Nous avons formé des soldats et des policiers afghans, et nous allons continuer à renforcer les capacités des forces de sécurité afghanes en vue de transférer progressivement la responsabilité aux Afghans. C’est une stratégie très réussie.

Propos recueillis par
Christian Malard