« Il a fallut plusieurs siècles pour que les États européens atteignent un équilibre démocratique. Au Kazakhstan, cette transformation a commencé en 1992 »
Le Kazakhstan est un jeune état démocratique, quel bilan faites-vous des dix ans d’indépendance ?
Aujourd’hui, la République du Kazakhstan prend son essor et le peuple kazakh possède désormais de nouvelles opportunités et de nouvelles perspectives. L’étape la plus difficile a été l’ancrage de notre souveraineté, car la période de transition entre le totalitarisme et la démocratie a coïncidé avec une énorme crise économique et sociale et la destruction des liens économiques existants. Cette crise est désormais dépassée. Notre jeune État est ouvert sur le monde, il est devenu membre à part entière de la communauté internationale et a été graduellement incorporé au commerce et à l’économie mondiaux. Nous avons su dépasser les crises, et avons été reconnus comme l’État dont l’économie de marché est la plus performante parmi les anciens pays de l’Union soviétique. Nous avons attiré un grand nombre d’investissements et avons participé à de nombreuses opérations aux côtés des grandes organisations internationales. Au cours des quatre dernières années, la croissance a atteint 10-11 % tandis que l’inflation chutait vers 5-6 %. Cela est en premier lieu dû à la modernisation structurelle de la société kazakhe, conduite dès les premières heures de l’indépendance – décentralisation, privatisation, réforme des impôts, du système bancaire, etc. En termes de réorganisation économique, le Kazakhstan a surpassé les performances des autres États de la CEI.Que répondez-vous aux critiques concernant les Droits de l’Homme au Kazakhstan ?
Tout d’abord, et c’est là le plus important, j’aimerais insister sur le fait que la République du Kazakhstan a définitivement et de manière irréversible choisi la voie de la démocratie et des libertés. C’est un choix effectué par le peuple lui-même. Le respect des droits de l’homme et de la liberté est au centre de la Constitution kazakhe et constitue la clé de voûte de notre politique. La meilleure preuve de cette ouverture et de cette tolérance est l’existence de 45 religions au sein de notre pays, toutes parfaitement égales aux yeux de la loi. La stabilité politique a quant à elle été mise en place et saluée par de nombreuses organisations internationales. En même temps, nous sommes une jeune démocratie : les citoyens du Kazakhstan découvrent les rudiments de la culture démocratique, et le Kazakhstan a tout juste entamé l’ancrage d’une tradition démocratique. Peut-être avons-nous fait des erreurs, et c’est pour cela que nous prêtons une oreille bienveillante à toutes les critiques constructives et réagissons positivement à celles-ci. Toutefois, il ne me semble pas hors de propos de rappeler qu’il a fallu plusieurs siècles pour que les États européens atteignent un équilibre démocratique, tandis que des dizaines de générations tentaient de s’y adapter. Au Kazakhstan, cette transformation a commencé en 1992 et tout un peuple, élevé au sein d’un système totalitaire, apprend peu à peu à vivre dans une société civile.
Aujourd’hui, quelles sont les modalités du processus de démocratisation ?
Nous avons développé un ensemble de réformes qui se déclinent en cinq grandes directions. Premièrement, la réforme du code pénal, qui vise à parfaire l’indépendance de la justice. Deuxièmement, nous mettons en place une réforme pour la modernisation de l’administration, afin qu’elle réponde aux nouvelles attentes et aux nouvelles réalités des citoyens. Troisièmement, la réforme du système électoral : la loi devra garantir sa transparence, afin que les observateurs indépendants et la population elle-même puissent effectuer un contrôle efficace des élections. Quatrièmement, la coopération avec les organisations de la société civile et en particulier avec les ONG. À ce titre, nous avons un Conseil Permanent d’Opération (CPO) qui assure un dialogue constructif entre le gouvernement, l’opposition, et toutes les forces vives de la société. Enfin, nous souhaitons renforcer l’indépendance des médias, afin d’assurer leur participation à la construction démocratique. Pour soutenir le développement de la presse et de la télévision, nous avons également créé un Conseil Public pour les Médias. Un médiateur de la République a quant à lui pris une place importante dans le processus de régulation démocratique. Toutefois, je crois que la plus grande preuve de la direction humaniste vers la liberté et la démocratie, prise par notre pays, est le débat public engagé pour l’abolition de la peine de mort.
Quels sont les objectifs du Kazakhstan en matière d’utilisation de ses ressources pétrolifères ? Comment concilier à ce titre les questions sociales et écologiques ?
Aujourd’hui, le secteur du pétrole et du gaz est celui qui connaît le développement le plus dynamique au sein de notre économie. Avec l’aide de grandes compagnies étrangères, nous exploitons nos plus importants gisements d’hydrocarbures. Les entreprises étrangères opèrent au Kazakhstan depuis plus de dix ans. Ceci est le résultat de notre attitude favorable envers les investisseurs, de la protection de leurs intérêts et surtout d’une législation reconnue par nos partenaires étrangers. Nous avons maintenant atteint un niveau de production d’environ un million de barils par jour, dont une grande partie est destinée à l’exportation. Au Kazakhstan, nous faisons le nécessaire pour assurer la stabilité, l’ordre, la protection des intérêts de nos partenaires et assumons nos responsabilités, ce qui confère à notre pays un réel avantage sur d’autres régions productrices. Tous ces facteurs nous permettent d’être optimistes quant à nos perspectives de production pétrolière. Néanmoins, nous ne devons pas limiter le Kazakhstan à sa seule production énergétique. Il est bien connu que les ressources énergétiques n’assurent ni la prospérité ni la stabilité à long terme d’une région ou d’un État. Notre objectif est d’utiliser nos ressources pour les transformer en valeurs sûres : richesse, savoir, éducation, médecine, culture, développement et bien-être de notre population, afin que le Kazakhstan prenne sa place dans un monde prospère et harmonieux. J’espère qu’avec l’aide de nos partenaires et amis européens, nous atteindrons nos objectifs.
Propos recueillis par Jean-Marie Létang