« La cohabitation renforce les pouvoirs du Parlement«

« N’oublions pas que l’opposition, un jour nous, avec la considération qui lui est due, est aussi la preuve que la démocratie est davantage qu’une formule oubliée. La France m’a tout donné », a-t-il déclaré lors de son discours d’investiture. Ce sont quelques-unes des idées auxquelles le nouveau Président a toujours été attaché, et que nous sommes heureux de publier ici.
Votre prédécesseur a déclaré récemment que le Parlement devrait de plus en plus s’ouvrir à l’Europe.
Vous savez que les directives européennes, une fois adaptées en droit français, font l’objet d’une délibération à l’Assemblée et au Sénat. Lorsque Laurent Fabius a évoqué cette ouverture sur l’Europe, il soulignait que nous ne pouvons pas vivre en isolement juridique en orientant nos législations uniquement selon nos propres désirs. La construction européenne implique, bien sûr, solidarité et harmonisation à terme. C’est sans doute la raison pour laquelle le Parlement doit être de plus en plus attentif à ce qui se passe dans les quatorze membres de la Communauté Européenne, qui ne peuvent fonctionner repliés sur eux-mêmes. Cette ouverture nécessaire s’est traduite par la création de la Délégation aux Affaires Européennes. Elle se manifeste également à travers les échanges que j’ai organisés dans le cadre de mes responsabilités, en tant que président de la Délégation Internationale avec les autres Parlements européens.
N’y a-t-il pas trop de lois ? Comment maîtriser cette inflation ?
Non seulement il y en a trop, mais elles sont également compliquées. La situation serait relativement simple s’il y avait de bons techniciens du droit, mais il semble que nous en manquions actuellement, tant au niveau du gouvernement qu’au niveau du Parlement. Malheureusement, nous sommes souvent prisonniers du schéma présenté par le gouvernement, et la tentation est grande d’ajouter plutôt que de simplifier. On considère qu’une loi doit couvrir tous les cas, alors que, selon moi, une loi devrait établir des grands principes, tandis que les détails devraient relever de la réglementation ou de l’interprétation juridique. Je suis favorable à une réduction du nombre de lois et à une simplification de leur contenu. Toutefois, je ne suis pas certain que nous soyons sur la voie d’y parvenir pour le moment.
Pensez-vous que le Parlement contrôle suffisamment les lois et les dépenses publiques ?
Le travail parlementaire consiste, de manière générale, à contrôler l’action du gouvernement. Le Parlement ne se résume pas uniquement à l’élaboration des lois. Il joue également un rôle crucial dans le contrôle quotidien, notamment à travers les commissions permanentes et les commissions d’enquête, comme le démontre parfaitement la commission d’enquête sur les prisons, créée à l’initiative de Laurent Fabius. Il est important de signaler lorsque les choses ne fonctionnent pas correctement et de formuler des recommandations pour orienter l’action gouvernementale au quotidien. Bien que cette tâche soit souvent méconnue du grand public, elle est essentielle. Elle constitue un véritable travail de communication et de valorisation de la fonction parlementaire.
Quels sont les prochains dossiers présentés à l’Assemblée ?
Les grands projets affectent le fonctionnement des institutions. Parmi ceux-ci, le texte sur le cumul des mandats est particulièrement significatif. Je suis en faveur de l’introduction d’une certaine limitation du cumul, sans toutefois couper complètement les membres du Parlement de leurs racines locales. Nous aborderons également la réforme du système des retraites. D’autres dossiers sont en cours, tels que ceux relatifs à l’Internet, à l’informatique et aux libertés. Nous mettrons en œuvre une réforme globale, en conformité avec une directive communautaire visant à harmoniser le système européen en matière de protection des libertés vis-à-vis de l’informatique.
Quel sens l’Assemblée va donner à la réforme du système des retraites ?
Je pense que l’opinion majoritaire à l’Assemblée, telle qu’elle se présente aujourd’hui, est en faveur du maintien de notre système de retraite par répartition fondé sur la solidarité. Cela ne signifie pas qu’il faille exclure totalement la retraite par capitalisation, mais elle doit être introduite de manière limitée, sans compromettre le système général. Il sera peut-être nécessaire de réviser les équilibres financiers, bien que cela soit complexe à prévoir, car cela dépend directement de la croissance économique. Si la croissance reste autour de 2,5 à 3 %, nous ne rencontrerons pas de problèmes majeurs. En revanche, si elle s’effondre, nous serons confrontés à des difficultés.
Je voudrais également souligner un changement d’attitude du Parlement. Bien que je ne m’attarderai pas sur les détails, il me semble que le Parlement joue désormais un rôle qui correspond à celui qui lui est attribué par la Constitution. Il occupe une place de plus en plus importante. Par exemple, le Premier Ministre du Moyen-Orient s’est expliqué devant le Parlement. La cohabitation renforce le rôle du Parlement, car elle empêche une confrontation permanente entre le Premier Ministre et le Président, ce qui pourrait mener à une autodestruction mutuelle et affaiblir leurs pouvoirs respectifs. Le Premier Ministre doit s’appuyer sur sa majorité parlementaire pour soutenir ses choix, tandis que le Président doit tenir compte de l’opposition. Sans cela, le chef de l’exécutif et le Président risqueraient de se retrouver isolés. Par conséquent, les pouvoirs du Parlement se renforcent, et celui-ci occupe désormais une place plus importante dans la vie politique qu’auparavant.