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La France et les États-Unis ontune fabuleuse Histoire commune

Georges W. Bush, Président des Etats-Unis

Monsieur le Président, après ces huit années passées à la Maison Blanche, comment le Président George W. Bush juge le Président George W. Bush ? Quels sont les points positifs et négatifs que vous pourriez vous attribuer ? 

Eh bien, vous savez, je crois que les gens diront : « Il a été celui qui a fait ce qu’il fallait pour protéger son pays et aborder les problèmes du monde. » Les points négatifs en revanche pourraient concerner ma rhétorique, qui a été, me semble-t-il, mal comprise. Ce que je veux dire, c’est que… Tenez ! Je me souviens par exemple avoir employé un jour l’expression « Mort ou vif », qui a été reprise comme un signal, mais un signal qui a été immédiatement mal interprété. Par ailleurs, je crois également que les gens penseront : « Il a été sévère quand il devait l’être et a fait preuve de compassion quand il le fallait », parce que nous n’avons pas eu à faire face uniquement à la terreur dans nos ordres du jour, nous avons aussi libéré les gens de toutes formes de tyrannie, ce qui est un véritable acte de compassion, mais aussi libéré de maladies comme le SIDA, le paludisme ou la famine ; et les États-Unis dans ces différents domaines peuvent être fiers des résultats accomplis. Aujourd’hui, le monde est secoué par des crises économiques. En effet…

Instabilité et terrorisme prévalent encore au Moyen-Orient. Ne craignez-vous pas que votre successeur doive faire face à un conflit majeur, un autre 11 septembre ?

Vous savez, c’est intéressant, je crois que la menace existera toujours. Cela dit, il n’est pas question qu’il y ait un ennemi extérieur qui veuille blesser l’Amérique, et je reste confiant envers les autres nations libres. De plus, ce qui a changé, c’est la pression que nous mettons sur Al-Qaïda. Si ce sont les premiers à nous avoir attaqués, ce sont eux dorénavant qui sont sur la défensive. Nous continuons de les démanteler et nous travaillons avec acharnement pour les trouver un à un. Notre intelligence est supérieure, notre intelligence partagée est supérieure. Mais la question n’est pas là, le monde qui se profile est encore dangereux. Cela dit, nous avons mis en place de nouveaux outils en matière de sécurité qui seront d’une grande utilité pour le prochain Président des États-Unis.

Sur le plan économique cette fois, on voit les indices grimper et chuter et c’est vrai que nous vivons tous actuellement une période difficile. Les prix de l’énergie augmentent, tout comme ceux de la nourriture. Dans notre pays, vous le savez, la crise des subprimes fait rage. Mais je crois là encore non seulement que nous nous en sortirons, mais que nous en sortirons plus forts. Et en fait, ce n’est pas une nouveauté, cela arrive habituellement dans les économies de marché.

Monsieur le Président, le conflit israélo-palestinien est le cancer du Moyen-Orient. Vos prédécesseurs s’y sont cassé les dents. Vous avez essayé vous-même de trouver une solution. Mais il semble que les deux parties ne veulent pas faire les concessions nécessaires et les sacrifices politiques qui s’imposent. Pensez-vous que la tragédie – je ne dis pas le show, mais bien « tragédie » – qui s’y déroule va se poursuivre ?

Je ne sais pas (rires) si c’est une bonne façon de voir les choses. Je ne pense pas en fait. Je crois que les Israéliens et les Palestiniens parviendront à un accord. Avant tout, il ne faut pas oublier que je suis le premier Président qui a fait se rencontrer les deux camps, parce que je crois que les Palestiniens doivent avoir leur propre État, ce qui ne veut pas dire en revanche que cet État doit ressembler à un gruyère suisse ! Mais je crois également fermement que c’est dans l’intérêt d’Israël d’avoir comme voisin un État démocratique. Je connais bien leurs dirigeants, le Premier Ministre Olmert et le Président Abbas. Je sais qu’ils se sont engagés à travailler ensemble malgré leurs divergences et la complexité des conflits, liées notamment à la question des frontières, au problème des réfugiés ou au souci de sécurité. Je reste confiant, car lors de mon dernier voyage au Moyen-Orient, je me suis rendu compte qu’il y a un réel désir de faire avancer les choses. Je vous le répète, je suis intimement persuadé que les choses rentreront progressivement dans l’ordre. Manifestement, la ligne politique d’Israël est sensiblement différente aujourd’hui. Mais, quoi qu’il en soit, lors de la visite récente du Premier Ministre Ehoud Olmert dans le Bureau Ovale, ce dernier était pleinement conscient de l’importance de trouver un accord avec le Président Abbas, sur les délimitations d’un État et sur la façon de régler les lourds différends. Condi (Condoleezza Rice, NDLR) qui est actuellement en voyage en Europe repart ensuite au Moyen-Orient pour poursuivre le travail déjà engagé. Je me réjouis déjà de l’issue qui en ressortira.

Le Président iranien Ahmadinejad gagne sans aucun doute de l’influence en Irak, au Liban avec le Hezbollah. Il ne montre aucun signe de flexibilité…

En effet !

Il y aura un espace de discussion quand il aura véritablement suspendu son programme d’enrichissement. Avant tout, je suis profondément en désaccord avec le fait qu’il gagne de l’influence en Irak. L’Irak est en passe de devenir une démocratie qui fonctionne. Ils comprennent sans aucun doute que l’influence iranienne leur est néfaste. Cela dit, s’il existe sans conteste quelque influence au cœur même de l’Irak, elle est moindre qu’elle ne l’a été et continuera de régresser selon moi, au fur et à mesure que la société irakienne se développera économiquement et se construira politiquement.

Quoi qu’il en soit, qu’il s’agisse de mon ami le Président Sarkozy ou d’autres dirigeants européens, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il ne faut pas cesser d’envoyer des signaux au leader iranien, lui indiquant combien il est isolé finalement. Nous continuerons à faire pression pour qu’il stoppe l’enrichissement de son programme. Et la raison pour laquelle il est important de maintenir la pression, c’est que s’ils sont capables de faire de l’enrichissement, ils pourront alors aussi facilement le convertir en programmes militaires, programmes qui pourraient là encore gravement déstabiliser le Moyen-Orient.

Pensez-vous une intervention militaire possible ?

Oui, elle existe. C’est une option envisageable, même si bien sûr, j’ai toujours indiqué au peuple américain que nous préférerions la voie diplomatique à la guerre. Mais les Iraniens doivent comprendre que toutes les options sont sur la table.

Quand vous voyez aujourd’hui l’incroyable essor de la Chine, de l’Inde et de la Russie sur la scène internationale, pensez-vous que dans dix ans, l’Amérique sera toujours la superpuissance mondiale ?

Vous savez, c’est une question intéressante. Je définirais une nation qui a une influence importante comme celle qui travaille avec d’autres à l’achèvement d’objectifs communs. Vous avez cité ces trois pays et ce que je souhaite, c’est précisément nouer avec chacun d’eux de fortes relations bilatérales. Nous avons d’ores et déjà tissé des liens solides avec la Chine, même si nous connaissons certaines divergences, mais également avec la Russie, compte tenu de mes bonnes relations avec Vladimir Poutine. Alors oui, évidemment, nous avons nos différences, mais malgré tout, nous sommes tous d’accord sur un certain nombre de points, y compris sur la question de l’Iran. Par conséquent, si les États-Unis, d’un point de vue diplomatique j’entends, maintiennent de bonnes relations avec ces pays, je pense que nous resterons là encore dans une position où notre influence au sens large s’exercera pour le bien de tous. Ces relations ne doivent pas se concevoir à travers un rapport de forces. Au contraire. Elles peuvent s’inscrire – et j’ai travaillé ardemment dans ce sens pour connaître chacun des dirigeants et aborder avec eux les sujets même les plus délicats – dans un esprit ouvert et honnête, sans jamais mettre un terme à nos relations.

Encore deux dernières questions… Je ne veux pas vous gêner en interférant dans les élections américaines, mais aujourd’hui, n’avez-vous pas le sentiment que des barrières – même si les jeux ne sont pas encore faits et que tout reste ouvert – sont tombées, avec la possibilité qu’un citoyen noir devienne le prochain Président des États-Unis ?

Vous savez, j’estime que c’est une bonne chose pour la démocratie américaine qu’un grand parti politique ait désigné le Sénateur Obama comme candidat. Maintenant que le processus est terminé, la question fondamentale est : qui sera le meilleur Président ? Telle est la question…

Cela dit, vous vous en doutez, je soutiens bien évidemment John McCain. Je pense qu’il ferait un très bon Président. Mais les Américains prendront leur décision. Ils devront choisir une personne capable de supporter la pression du poste, de prendre les bonnes décisions et d’expliquer les principes qui l’animent, car c’est un métier à part entière. Ce que je sais en l’occurrence, et vous pouvez aisément l’imaginer, c’est qu’il y a toutes sortes de pressions. C’est pourquoi, si vous ne croyez pas profondément en quelque chose, si vous n’avez pas de principes et que vous êtes dans la difficulté, vous devenez imprévisible. Mais le monde n’a pas besoin d’incertitudes ; il a besoin de certitudes venant des États-Unis.

Dernier point, Monsieur le Président. Vous et le Président Sarkozy avez mis les relations franco-américaines sur de bons rails, alors qu’il y avait quelques difficultés entre vous et le Président Jacques Chirac. Avec votre successeur, quel qu’il soit, pensez-vous que cela ira bien entre la France et les États-Unis ?

Je le pense. La France et les États-Unis ont une fabuleuse histoire commune. Et je rappelle à mes amis que ce sont les Français qui se sont battus vaillamment aux côtés des patriotes américains lors de la guerre d’Indépendance. Ce sont les Français qui ont joué un rôle déterminant lorsque les États-Unis ont cherché à devenir les États-Unis d’Amérique… Nous avons toujours entretenu des relations étroites. Bien sûr, nous avons aussi nos divergences, mais cela est naturel. Nous avons eu des désaccords tout au long de notre histoire. Mais la question fondamentale est de savoir si nous nous comprenons et partageons des valeurs communes ? Et oui, nous les partageons ! Les Français défendent la liberté et les droits de l’homme, tout comme les Américains. Ainsi, à travers la nature de nos relations, dans le sens le plus large, nous voyons que de solides amitiés existent entre les Américains et les Français, ce qui me permet de dire sans hésitation que nous entretenons d’excellentes relations avec le peuple français.

Propos recueillis
Christian Malard