“Les Français sont beaucoup plus attachés qu’on ne le croit à nos Ordres nationaux !”
C’est désormais une tradition…
À chaque nouvelle nomination du Grand Chancelier de la Légion d’Honneur, le Journal du Parlement rencontre celui qui est à la tête de la plus prestigieuse décoration française, dont le rayonnement s’étend largement au-delà de nos frontières. Après les Généraux Jean-Pierre Kelche et Jean-Louis Georgelin, rencontre avec le Général d’Armée Benoît Puga…
Ancien Chef de l’état-major particulier des Présidents de la République Nicolas Sarkozy, puis François Hollande, le Général Benoît Puga a pris ses fonctions le 1er septembre 2016. Il préside les Conseils de la Légion d’Honneur, de l’Ordre national du Mérite et veille également à l’attribution de la Médaille militaire et de la Médaille nationale de reconnaissance aux victimes du terrorisme. Dans son bureau de l’Hôtel de Salm, il dirige la Grande Chancellerie, une institution d’État autonome.
« Les Français sont beaucoup plus attachés et respectueux qu’on ne le croit à nos Ordres nationaux », précise-t-il d’emblée. « Ils apprécient et comprennent qu’on récompense les mérites individuels de ceux qui œuvrent au service du pays. »
Sur les différences qui existent entre les deux premiers ordres, il rappelle d’abord : « La Légion d’Honneur, fondée par Napoléon en 1802, récompense les mérites éminents acquis au service de la Nation pendant un minimum de vingt années, à titre civil ou militaire. Pour l’Ordre national du Mérite, on parle de services ‘distingués’, mais avec une moindre durée (10 ans suffisent), ce qui en fait, dès lors, une décoration qui permet de récompenser des personnes plus jeunes », avant d’ajouter : « Mais il convient de ne pas oublier la Médaille militaire, moins connue, qui est destinée à ceux qui ont servi sous les drapeaux. C’est la deuxième décoration dans l’ordre protocolaire. Elle avait été voulue par Napoléon III pour honorer les sous-officiers. On notera que la Reine Victoria a d’ailleurs créé, après cette décoration, ce qui est devenu la célèbre Victoria Cross. »
Concernant la quantité de promus, qui fait parfois polémique, la réponse fuse : « Un numerus clausus est fixé par le code de la Légion d’Honneur, précisant le nombre maximum de 125 000 Légionnaires vivants. Or, contrairement à ce que l’on pourrait croire, il y a moins de titulaires qu’avant, aujourd’hui 93 000. L’Ordre national du Mérite a précisément été imaginé en ce sens par le Général de Gaulle, qui ne voulait pas, en effet, que le ruban rouge soit trop donné… »
Il convient en outre d’indiquer que beaucoup ne savent pas comment les choix sont effectués, ce qui engendre parfois des incompréhensions.
« C’est vrai ! On ignore souvent que ce sont les ministres, et eux seuls, qui font remonter des propositions jusqu’au Conseil de l’Ordre de la Légion d’Honneur, qui étudie chaque cas et déclare, ou non, sa recevabilité. Le Président de la République signe, on le sait, les décrets d’attribution. » La Légion d’Honneur est aussi remise à des étrangers qui entretiennent des relations particulières avec la France, ainsi qu’à certains Chefs d’État. « C’est un cas à part », poursuit le Général. « Ces remises au plus haut niveau se font à titre protocolaire pour marquer l’amitié entre deux nations ou une reconnaissance mutuelle. Il s’agit, on l’aura compris, d’échanges pour matérialiser la qualité des relations avec le pays concerné. »
Au-delà, il convient également de souligner, ce que l’on sait moins, que le Grand Chancelier a la responsabilité d’un musée et d’un patrimoine prestigieux, qui va de l’Hôtel de Salm, siège de l’Ordre, somptueusement rénové, à l’Abbaye royale de Saint-Denis, en passant par l’ancien couvent des Loges à Saint-Germain-en-Laye qui abrite les Maisons d’Éducation. « C’est une institution atypique ! Ces Maisons d’Éducation avaient été voulues par l’Empereur pour aider les filles de ses vétérans qui étaient souvent oubliées. Ce sont des écoles d’excellence, avec une réussite de 100 % au brevet et au bac », insiste le Général Puga. « Mais il ne faut pas occulter leur rôle social : on apporte une attention particulière à la motivation de l’enfant, bien sûr, mais aussi aux difficultés financières ou aux situations familiales. »
Il existe par ailleurs la Société des Membres de la Légion d’Honneur, qui est devenue, au fil du temps, un outil important pour contribuer à faire rayonner l’Ordre dans plus de 80 pays, avec pas moins de 46 000 décorés inscrits ! Mais la vocation première de cette association reste l’entraide entre légionnaires. Les Sections et Comités, présents sur tout le territoire, entretiennent un lien fort entre les membres. La rencontre avec le Grand Chancelier se clôt par une visite de l’Hôtel de Salm, dont il connaît visiblement chaque détail. Il rappelle ainsi la « première distribution des Croix de la Légion d’Honneur aux Invalides en 1804 » et la « remise par l’Empereur de la Croix au grenadier Lazareff à Tilsitt en 1807 ». Les salons se succèdent avec, bien évidemment, en point d’orgue, celui, célèbre entre tous, de la rotonde, avec, au sol, le fameux « tapis des cohortes », au centre duquel se place le récipiendaire lors d’une remise officielle…
C’est d’ailleurs à l’Empereur qu’il convient de laisser le mot de la fin : « Les Français n’ont qu’un sentiment, l’honneur. Il faut donner un aliment à ce sentiment-là… il faut des distinctions ! »
Tout est dit !
Propos recueillis par
Olivier de Tilière