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« Les objectifs de la réforme territoriale sont légitimes mais la méthode employée est partisane, bouillonne et maladroite »

Jean-Pierre Raffarin, Ancien Premier Ministre, Sénateur de la Vienne, Vice-Président du Sénat

Vous avez lancé l’acte II de la Régionalisation qui comprenait notamment un référendum décisionnel local et un droit de pétition… Seriez-vous favorable à une consultation concernant l’instauration de la modification de la carte des régions ?

Oui bien sûr, je suis très attaché à la démocratie locale. Le référendum peut être une bonne solution pour éviter les crispations, partout où le découpage proposé par le gouvernement soulève la contestation. Surtout lorsqu’il ne correspond pas à une logique d’identité, de complémentarité des territoires, mais à des considérations purement politiques.

Quel est selon vous, le principal reproche que l’on peut faire à cette nouvelle réforme territoriale ? Y-voyez-vous toutefois certaines avancées ?

Le principal reproche c’est sur la méthode qui caractérise ce projet de réforme territoriale : l’absence de concertation avec les élus, le poids disproportionné donné aux préférences des membres du gouvernement dans le découpage final. Le résultat est que l’on donne le sentiment de vouloir créer des régions selon des considérations purement électorales. Tout cela est bâclé. Le gouvernement a raison de vouloir réduire le nombre de régions afin de donner à celles-ci la taille européenne critique pour prendre les décisions stratégiques : enseignement supérieur, grandes infrastructures, recherche, développement économique. D’ailleurs, le prolongement logique serait que les régions aient la responsabilité de la politique de l’emploi. Le gouvernement a aussi raison de vouloir faire des économies en revoyant l’organisation territoriale. Certaines régions ont déjà la taille européenne, mais d’autres apparaissent plutôt comme un département supplémentaire de leur territoire ; leur budget est d’ailleurs parfois inférieur à celui des départements qui la composent ! Pour résumer, je dirai que les objectifs de la réforme sont légitimes mais la méthode employée est tellement partisane, brouillonne et maladroite qu’elle risque de peser lourdement sur la réussite de l’ensemble.

Quel serait le nombre optimal de régions ? Et selon quelle logique de découpage ?

L’idée est de diviser d’environ par deux le nombre de régions selon une logique qui doit prendre en compte l’histoire des territoires, les complémentarités géographiques, l’existence d’une métropole à rayonnement européen ou international. Tout ce qui peut conduire à supprimer les doublons va dans le bon sens. Il faut limiter les investissements réalisés par les départements dans les dépenses d’infrastructures de long terme, rôle dévolu aux régions ; et les régions doivent éviter la gestion de la proximité et du quotidien, rôle dévolu aux départements. Il faut clarifier les compétences de chacun. Les régions devraient être suffisamment puissantes pour peser sur la politique économique et sur la scène internationale comme cela est déjà le cas pour certaines d’entres-elles.

La chambre haute va-t-elle réagir à ce redécoupage au-delà d’une tentative de blocage parlementaire et si oui, quel serait le processus adéquat ? Allez-vous présenter au nom de l’UMP un projet alternatif ?

J’ai initié la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, l’acte II de la décentralisation. Elle reconnaît au Sénat de la République une priorité d’examen pour ce type de texte qui porte sur l’organisation des collectivités territoriales. Fort logiquement, la chambre haute modifiera le redécoupage opéré par le gouvernement pour les raisons déjà mentionnées. En ce qui concerne la région Poitou-Charentes, je veillerai à ce qu’elle garde son unité et ne soit pas démantelée ; dans cette perspective l’option sud avec l’Aquitaine (avec le Limousin) est plus unitaire que l’option nord avec le Centre. Je souhaite aussi que le pouvoir sorte de la confusion sur le rôle dévolu aux départements. Le gouvernement ne cesse d’osciller entre suppression pure et simple puis maintien en zone rurale, mais en le vidant de ses prérogatives. Nous serons très vigilants car le département, c’est la proximité.

La majorité, déjà très faible, risque de perdre à la suite des municipales la Présidence du Sénat. L’actuel Président à d’ores et déjà indiqué qu’il ne se représentait pas. Serez-vous candidat au plateau et si oui, quels seront les deux ou trois thèmes qui sous-tendront votre campagne ?

Oui je le serais très probablement. Mais j’incite à la prudence, car l’excès de confiance en 2011 a pu avoir un effet négatif sur le scrutin et favoriser la division. Nous devons donc avant tout consacrer notre énergie à ce que le groupe UMP soit le plus important possible et que nous disposions ainsi, avec le concours de nos amis centristes, d’une vraie majorité. Le recteur Prélot, ancien Sénateur, disait ”Lorsque le Sénat est faible, la République est faible, lorsque le Sénat est fort, la République est forte et lorsqu’il n’y a pas de Sénat, il n’ya pas plus de République”. Mon objectif est de refaire du Sénat une Institution incontournable pour le bon fonctionnement de l’État républicain. C’est ainsi qu’il retrouvera une légitimité dans l’opinion publique. IL nous faudra conjuguer, mieux que dans le passé, la capacité de résistance et l’aptitude aux propositions. Non pas en rabaissant les Sénateurs et en entretenant l’idée populiste qu’ils sont des privilégiés. Je m’engagerai pour la crédibilité du Sénat et la dignité des sénateurs. S’il est nécessaire, plus que jamais, que le Sénat demeure la chambre de la tempérance et de la modération, cela ne doit plus se confondre avec une discrétion excessive qui laisse le Sénat dans l’ombre et minore son rôle dans le processus de décision publique. La Présidence, doit incarner la force institutionnelle du Sénat.