Vous êtes ici Le Journal du Parlement > “L’Union européenne n’a aucun avenir, si nous poursuivons une telle politique de gestion !”

“L’Union européenne n’a aucun avenir, si nous poursuivons une telle politique de gestion !”

S.E. Janez Drnovšek, Président de la République de Slovénie
Le développement de l’Union européenne doit se poursuivre, malgré les situations qualifiées récemment de crise, après les référendums infructueux qui ont eu lieu en 2005 en France et aux Pays-Bas.

En raison de la complexité des risques dans le monde actuel, nous avons besoin d’une Union européenne forte, prête à affronter de manière efficace les nombreuses difficultés d’ordre économique et celles qui relèvent de la pauvreté structurelle, de la pollution de l’environnement, des changements climatiques, des accidents naturels de plus en plus fréquents, des conséquences des guerres et de l’intolérance entre religions. Ainsi, l’environnement mondial, au lieu de devenir plus stable, favorable et

sans préoccupation, paraît au contraire de plus en plus inquiétant. Malheureusement, l’État le plus important au monde a placé de nombreux moyens dans un seul projet, plutôt que de délibérer sur les problèmes mentionnés.

Lors de la gestion des problèmes globaux, l’Union européenne devrait jouer un rôle plus important en comparaison à son rôle actuel. Nous nous heurtons ici à la question large et fondamentale du Traité constitutionnel européen. Même si nous préférons parfois l’oublier, l’Union européenne a de fait besoin d’un cadre constitutionnel pour continuer à exister et à se développer, pour fonctionner normalement et en tout cas pour poursuivre son élargissement. Nous savons tous que le présent cadre constitutionnel est déjà insuffisant pour les États membres actuels. Ainsi, un cadre constitutionnel plus fort s’impose, au même titre que le Traité constitutionnel européen, et nous devons poursuivre sur cette voie, même si ce fait s’avère désagréable pour certains États membres.

Le problème central consiste en ce que les hommes politiques de certains États membres ne réussissent pas à convaincre leurs citoyens que la Constitution est un fait positif et indispensable en général, pour l’Europe et leur propre pays. En effet, de nombreuses politiques européennes sont trop peu crédibles, et l’on remarque souvent que le peuple ne fait pas confiance aux politiciens et à leur politique. Les États membres, prêts à discuter franchement de la situation et des problèmes, sont réellement confrontés à ce fait. Par ailleurs, en parlant de l’Union européenne, nous devrions éviter d’une part les situations semblables à celles survenues lors du référendum en France et aux Pays-Bas, et d’autre part le fait que les hommes politiques de ces pays ont donné l’impression que l’Union européenne et Bruxelles sont coupables de choses peu appréciées et de fautes, tandis que les bonnes choses semblaient provenir de leurs propres capitales. Autrefois, ce même phénomène apparaissaient communément du temps de l’ex-Fédération yougoslave. Ainsi, l’Union européenne n’a assurément aucun avenir, si nous poursuivons une telle politique de gestion. Soyons sérieux et honnêtes envers nous-mêmes, nos citoyens et les autres États membres. Revoyons cette question, la question du Traité constitutionnel et celle de l’élargissement.

Je le répète, l’Union européenne doit poursuivre son élargissement. La Croatie est sans aucun doute une bonne candidate et je me réjouis du fait que les négociations pour son adhésion ont commencé. J’aimerais toutefois faire observer que l’autre partie de l’Europe du Sud-Est doit aussi avoir une perspective européenne. Or, les hommes politiques de ces pays ont-ils une autre alternative à offrir à leurs peuples ? Il n’existe pas d’autre alternative sérieuse et, pour cette raison, nous ne devons pas les priver de la perspective européenne. Si présentement, les pays de l’Europe de l’Est ne peuvent pas encore parler de manière très concrète de leur adhésion, ils peuvent cependant garder cette perspective ouverte. En définitive, l’Europe devrait être entièrement réunie, sans partage et sans les problèmes connus par le passé.

La perspective européenne doit exister pour tous les pays et nous ne devons en aucun cas nous laisser gagner par la fatigue de l’élargissement. Qui, en Europe, a le droit d’être fatigué ? Fatigué de quoi ? De l’élargissement, de la paix, de la stabilité européenne ? D’une part, les premiers États membres doivent s’efforcer de déployer plus d’énergie dans le nouveau processus européen. Les pays en voie d’adhésion sont en effet très motivés et font preuve de beaucoup de dynamisme en vue de l’adhésion, des réformes et des démarches nécessaires. D’autre part, l’Europe actuelle doit poursuivre son œuvre, qui consiste à achever le cadre constitutionnel et à inviter ses citoyens à un débat public sincère, tout en mettant en évidence la nécessité absolue et les avantages de l’élargissement. On ne saurait simplement se cacher derrière l’excuse selon laquelle — pour simplifier — « nous nous heurtons aux difficultés actuelles, car l’Europe est trop grande et ces problèmes augmenteront avec l’élargissement ». Nous devons achever notre tâche, sans nous laisser aller au marchandage quotidien, qui consiste à savoir qui, au sein de l’Union européenne, est gagnant ou perdant. Nous ne pouvons pas nous permettre cela, car un tel enjeu est trop important pour l’avenir européen et mondial.

Nous devons aborder les questions liées à l’environnement et aux changements climatiques à travers le monde. Le terrorisme émane de ce que nous concevons le monde comme injuste. C’est pourquoi, nous devons agir, non seulement en combattant le terrorisme en tant que conséquence du monde actuel, mais aussi en nous battant contre la source de ce problème et la cause de la destruction de l’équilibre mondial. Si la majorité des individus ressentent le monde comme injuste, nous ne pouvons en ce cas espérer la stabilité, la paix et la prospérité. Personne ne peut s’isoler du monde ; la défense, la police et les mesures de sécurité sont ici insuffisantes. Nous devrons définir une solution pour tous.

Aussi, une Union européenne forte avant tout, prête à agir au sein de l’Europe et à jouer un rôle prédominant ailleurs, est indispensable. Cela signifie également un travail considérable pour nous tous.

par S.E. Janez Drnovšek