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« Sortir du Chaos… »

Tahir Wasfe, Secrétaire général du « People’s Nation Democratic Liberation Movement »
Le document que le Journal du Parlement présente en ces pages est exceptionnel. Après le fils du Shab d’Iran et prétendant à la Couronne impériale, c’est Tahir Wasfe, le Secrétaire général du « People’s National Democratic Liberation Movement », qui, souhaitant s’adresser à la classe politique française a en effet choisi nos colonnes en exclusivité pour dresser les perspectives d’un nouvel Irak, tout en invitant la France à le soutenir pour la création d’une Conférence internationale de réconciliation, qui ouvrirai la voie à la démocratie…

Pourriez-vous retenir sur l’origine de votre Mouvement ?

Notre mouvement politique, indépendant, « People’s National Democratic Liberation Movement » (Mouvement démocratique de Libération Nationale) a été officiellement lancé à Bagdad le 14 juillet 2003. Ses principes fondamentaux, édités le même jour, reposent sur les notions de liberté, de démocratie, de justice et d’égalité. Cependant, le mouvement et sa lutte contre la dictature de Sadam Hussein remonte en réalité à 1989… Nous avions cru possible, déjà, le renversement de Saddam, sans effusion de sang et la naissance d’un pays souverain, démocratique et moderne. Cela aurait été une option tellement plus judicieuse, que la destruction de l’Irak et son occupation. Saddam Hussein était un dictateur dans tous les sens du terme. Son régime, qui a reçu le consentement de certains pays et provoqué l’indifférence des autres, a causé la perte de l’Irak. Le monde est resté sourd et aveugle, alors qu’il violait impunément les droits de l’Homme. Combien d’Irakiens sont morts sous la torture, dans les prisons, tandis que l’on continuait de commercer avec lui ? Son pouvoir reposait sur des centaines de tombes et d’atrocités commises, dont on dirait qu’elles sont sorties tout droit d’un livre de science-fiction. D’un côté, il commettait les pires exactions, de l’autre, on n’avait de cesse de l’armer jusqu’aux dents, avec des armes qu’il a utilisées plus tard contre ses voisins et contre les Irakiens. En 1989, il était évident qu’il fallait mettre un terme à cette machine de guerre. À la fin des années 1990, le mouvement s’est réorganisé, avant de prendre le nom de « Iraq’s Secret National Liberation Army » (l’Armée nationale secrète de libération de l’Irak), l’objectif étant de se débarrasser du cancer de la dictature.

Après l’occupation de l’Irak en avril 2003 et le chaos qui a suivi, nous avons assisté à l’effondrement des établissements civils et militaires, excepté le ministère du Pétrole et à la destruction et au pillage du pays. C’était l’occasion ou jamais pour mettre à profit notre soif de démocratie et c’est alors que nous avons rebaptisé notre mouvement « People’s National Democratic Liberation movement », participé à la reconstruction du pays, notamment à travers les principes de la Déclaration des Droits de l’Homme, que nous souhaitons voir appliquée à toutes les strates de la société. J’insiste sur le fait, qu’à la différence de la majorité des autres partis, qui se prétendent démocratiques, nous n’avons aucune milice. Il est clair qu’une organisation politique qui en est dotée va a l’encontre même des droits fondamentaux. Résoudre les problèmes ou les conflits ne nécessite pas de recourir à la force, un point central figure d’ailleurs dans notre Charte. Tous les adhérents à notre mouvement, Kurdes, Arabes, Turques, Chiites, Sunnites et Chrétiens, sont les dignes représentants de leur communauté et leur lutte contre les dictateurs successifs en Irak est exemplaire. Par ailleurs, nous ne recevons aucune aide financière, excepté celle de nos défenseurs. Cette contribution est consacrée en grande partie à notre sécurité. En effet, en raison de la montée en puissance de la violence, nous avons dû fermer nos bureaux à Bagdad. En outre, on ne pourrait pas compter sur la police pour nous protéger, car elle est infiltrée par diverses milices et dans beaucoup de cas, par des terroristes et des membres de l’ancien régime. Nous poursuivons tout de même notre activité politique et il s’avère en plus que nous sommes plus efficaces sans bureau. Nous avons invité le CPA (l’Autorité Provisoire de Coalition) et les gouvernements successifs d’intérim à fonder un parti, cependant nous avons été confronté à un mur. Ils craignent sans aucun doute la concurrence de nos politiques progressistes et modernes.

Quels sont vos objectifs ? De quelle manière comptez-vous par exemple aider les Irakiens, quand vous dites « réaliser leurs espoirs et leurs aspirations pour la liberté, la démocratie, la justice et l’égalité, leur apporter la paix, la sécurité et l’indépendance » ?

Dans notre manifeste nous abordons les thèmes de la santé, de l’éducation, de l’économie, de l’emploi, du commerce, des transports, de la justice, des affaires étrangères, de la défense, de l’agriculture, mais aussi les questions sociales, concernant la famille, le bien-être des enfants et la place des femmes, qui représentent 55% de la population. Sur ce dernier point, nous nous différencions de la majorité des autres partis politiques, divisés sur la religion et les rapports ethniques. En effet, si leur politique est en général axée uniquement sur leur propre communauté, la nôtre concerne la société irakienne dans son ensemble, sans faire aucune discrimination. Par exemple, notre programme entend donner plus de pouvoir aux femmes, supprimer la pauvreté, l’injustice et l’inégalité, établir la démocratie et la justice sociale, appliquer les droits de l’homme, créer une société civile au profit des Irakiens. En ce sens, nous avons reçu l’appui politique de la Communauté internationale, dont l’Union européenne. Parce que nous incarnons le mouvement du futur, fondé sur des valeurs humaines, rien ne peut nous arrêter. Nos objectifs sont les suivants : nous voulons un nouvel Irak et ancrer les principes démocratiques dans la nouvelle Constitution. Nous espérons que notre pays fasse la paix avec lui même et avec les peuples du monde, en vertu du droit international et de la Charte des Nations Unies. Nous souhaitons un Irak qui rassemble toutes les sphères de la société, un pays respectueux de ses citoyens. Nous comptons travailler étroitement avec la Communauté internationale, pour mettre fin à la prolifération des armes de destruction massive et à l’exportation de tous types d’armes au Moyen-Orient. Avec elle, nous aspirons à combattre toutes formes de terrorisme et lutter contre ce qui l’alimente, comme la drogue, avec comme porte-drapeau le respect des droits de l’homme. Nous voulons un nouvel Irak, uni et fort, qui contribue à la paix régionale et à la stabilité du monde. Nous voulons un nouvel Irak, moderne, guéri des blessures et des divisions des 35 dernières années de dictature meurtière. Un Irak citoyen, qui réunit les Arabes, les Turques, les Kurdes, les Syriens, les Musulmans, les Chrétiens, les Chiites et les Sunnites… Un Irak, qui crée une société à laquelle les femmes participent pleinement, en matière d’éducation, de politique, d’économie, mais aussi d’un point de vue social et culturel. Par ailleurs, nous estimons que les Nations Unies n’ont pas suffisamment tenu compte de la douleur du peuple Irakien. Ces derniers devraient participer au processus de réformes, afin de s’assurer que ce qui s’est produit en Irak ne se produira plus jamais, ni ici, ni ailleurs dans le monde. Nous sommes un défenseur ardent de l’ONU, dont le rôle sert de caution en matière de droit international et de légitimité. En ce sens, une institution comme les Nations Unies ne peut pas promouvoir d’un côté les droits de l’homme et de l’autre, cause la mort et l’injustice en imposant des sanctions. Au lieu de cela, nous aimerions que les Nations Unies proposent aux pays en difficulté un plan quinquennal (variant selon le pays et la nature de la situation) pour les aider à se réaliser et à favoriser le passage entre la dictature et la démocratie.

Nous sommes de tout cœur avec Kofi Annan et nous lui avons d’ailleurs envoyé une lettre de soutien. Nous estimons que les critiques formulées à son égard sont injustes, qu’il a fait beaucoup et nous espérons qu’il poursuivra sa mission. Après la guerre en Irak en 2003, l’arrêt des établissements civils et militaires du pays, ainsi que les pillages systématiques qui ont suivi, nous étions attristés que nul n’ait tenu compte des partis politiques irakiens en présence, qui ont participé au renversement de Saddam, porteurs d’idées nouvelles pour l’après guerre. Mais en réalité, cette situation n’était pas si étonnante, car au final c’était la répétition exacte de la première guerre du Golfe en 1991, où presque 16 villes sur 18 ont été complètement pillées et les établissements détruits. Mais pourquoi aucune mesure n’a donc été prise pour l’empêcher ? Nous étions désabusés de constater que personne n’avait de solution politique pour reconstruire l’Irak. Ajoutons à cela la série d’échecs du CPA, qui a entraîné l’Irak dans une spirale de violence et d’instabilité. Quelques jours après le début de la guerre, le « libérateur » est alors devenu un « occupant » et les armes de destruction massive, qui ont servi de prétexte pour envahir l’Irak se sont avérées ne jamais exister. Le peuple irakien a eu l’impression que leur sang était sans valeur, particulièrement quand il s’est démontré qu’il n’y avait aucun lien entre Al-Qaida et le régime de Saddam. Dès lors, la création du nouveau Gouvernement manquait de légitimité, puisqu’il était mis en place par la « puissance occupante ». Et soudain, l’idée que l’Irak pouvait devenir le berceau de la démocratie au Moyen-Orient a été bel et bien enterrée et n’était plus qu’un rêve… Le pays est devenu un refuge pour les terroristes et a servi de terreau pour Al-Zerqawi d’Abu Musaab et ses hommes. Les Nations Unies ont été mises à l’écart et leurs sièges sociaux à Bagdad ont été bombardés, ce qui a causé la mort tragique du Délégué général Sergio Vieira de Mello. Tous ces facteurs, combinés avec la décision unilatéral des USA d’envahir l’Irak, contre les souhaits de la Communauté internationale a engendré ces problèmes évidents de légitimé. La guerre a donc remis sérieusement en cause le rôle des Nations Unies. Il était de notre devoir, tant que mouvement politique, de réagir, pour sauver les Irakiens du carnage. En ce sens, nous sommes intervenus en octobre 2003, en formulant une proposition détaillée au CPA et à d’autres partis, afin de résoudre notamment la question de la légitimité.

De quelle manière ?

Il faudrait remplacer le gouvernement actuel par une assemblée parlementaire, transférer les pleins pouvoirs à un gouvernement irakien intérim élu par le Parlement et rédiger une Constitution transitoire. Opération durant laquelle les Nations Unies pourraient garantir le maintien de la paix.

Vous tentez d’organiser aujourd’hui une conférence internationale de réconciliation…

Il est urgent d’enclencher un processus de la réconciliation nationale. Le gouvernement en place, de par sa composition, a joué un jeu dangereux, engendrant une lutte de puissance en Irak. Ayant marginalisé les minorités et institutionnalisé les divisions ethniques, religieuses et sectaires, il n’agissait pas dans l’intérêt de l’Irak. Il a ainsi perdu l’appui et le respect du public. Or, dans la transition actuelle, chacun devrai être à même de participer à la création d’un nouvel Irak démocratique. Dans l’absolu, rédiger une Constitution permanente et appeler à l’élection générale nationale ne devrait pas prendre plus de 6 à 8 mois. L’ébauche de cette Constitution devrait être soumise au Parlement avant de passer par voie référendaire. Là encore, la présence des Nations Unies pour garantir le bon déroulement des opérations et permettrait notamment de tordre le cou aux préjugés, comme lorsque certains évoquent une croisade ou une guerre contre l’Islam et la culture islamique. Cela permettrait de mettre un point final au conflit, d’enterrer les mouvements terroristes étrangers qui ont pénétré le pays et régler le différend avec les États-Unis. Le processus de la réconciliation nationale pourrait être similaire à celui exercé en Afrique du Sud. Nous avions bien conscience qu’il aurait été difficile d’appliquer certaines des étapes que je viens de décrire, mais elles s’avèrent incontournables pour refouler la violence et stabiliser le pays sur la route de la démocratie. Malheureusement, le CPA et le Conseil en place n’ont pas tenu compte de nos propositions, bien au contraire. Ils ont rédigé une loi Transitoire d’Administration (TAL), qui était en fait une Constitution transitoire. Le Gouvernement d’intérim est censé avoir été formé avec l’aide du Délégué spécial des Nations Unies, Lakhdar Brahimi et il était mené par le Dr. Iyad Allawi, dont l’organisation de l’entente nationale irakienne a été créée par la CIA. Le Conseil a été supprimé et remplacé par une Assemblée nationale transitoire, constituée des anciens membres du CPA. Là encore, l’ONU a été de nouveau mise à l’écart et son rôle dans le processus politique a été réduit au minimum. Enfin, notre mouvement, comme beaucoup d’autres partis politiques n’a même pas été consulté. Pas étonnant finalement que la guerre civile surgisse aujourd’hui. Les irakiens ont perçu le gouvernement d’intérim comme une marionnette, puisqu’il a été nommé par le CPA. De plus, les articles dans les journaux et l’assaut sur Najaf et Fallujah n’ont fait qu’aggraver les choses. Par conséquent, le processus tout entier à perdu de sa légitimité. Nous avions pourtant estimé que c’était une étape positive.

Quel message souhaiteriez vous faire passer à la classe politique française ?

Je dresserai tout d’abord un premier bilan : la nouvelle constitution est une tragédie et une occasion manquée pour la naissance d’un Irak nouveau. La guerre civile se profile à l’horizon, le taux de chômage est très élevé, la corruption se répand et le trafic de drogue se généralise. Nous ne sommes pas pessimistes, mais seulement le reflet de la majorité silencieuse. La situation en Irak devient une menace à la paix mondiale. C’est pourquoi, nous invitons la Communauté internationales et les Français en particulier à nous aider, en organisant cette Conférence de réconciliation nationale. Rappelons-nous que le régime de Saddam à tué et torturé plus de deux millions d’Irakiens.

Propos recueillis par Pauline Wirth du Verger