La beauté du Monténégro  inspire et laisse ses visiteurs à bout de souffle, tant la diversité est partout ! 

Maša Vlaović, Ministre de la Culture et des Médias de la République du Monténégro

Cérémonie pour la fête nationale du Monténégro

Les Bouches de Kotor – Monténégro

Île Veti Stefan – Monténégro

Kotor – Monténégro

Monsieur le Ministre, comment évalueriez vous votre action sur l’année passée, depuis le  jour où votre Ministère à été rétabli…

L’année passée, le Ministère de la Culture et des Médias à travaillé intensément pour affirmer notre héritage culturel, en préserver la singularité, mais aussi pour créer les conditions de modernisation de la vie culturelle et affermir la liberté des médias. Nous avons développé une politique hyper-active pour un déploiement accéléré de la culture et des médias. À l’origine, le Département de la Culture a été fondé sans document stratégique ni cadre spécifique et de nombreux problèmes se sont accumulés. Or, après avoir repris le contrôle du Département, nous avons  établi un large dialogue inclusif avant de rédiger ce document, qui a récemment été adopté par le Gouvernement du Monténégro. Le but du programme de Développement National de la Culture dans les cinq années à venir est de promouvoir tout à la fois l’héritage culturel, l’innovation artistique, les industries créatives et la coopération internationale, qui s’inscrivent au travers de diverses activités pour améliorer le cadre institutionnel et normatif, mais aussi le renforcement de la coopération entre tous les acteurs concernés. Nous avons également travaillé avec dévouement pour renforcer et améliorer le cadre normatif dans le domaine des médias à travers un document stratégique que nous sommes en passe de finaliser et qui détermine les lignes directrices pour le développement et l’optimisation du secteur des médias dans le pays. La stratégie en matière de médias envisage dans les deux premières années pas moins de 100 mesures phares, avec un focus particulier portant sur la sécurité des journalistes, le combat contre la désinformation, les déclarations haineuses, la violence en ligne et l’amélioration de la position sociale et économique des journalistes. Aussi, le fonds pour le pluralisme des médias, qui finance les contenus médiatiques d’intérêt public, a plus que doublé et s’élèvera désormais à plus de deux millions d’euros.

Quels sont les projets culturels les plus emblématiques à l’heure actuelle ?

Nous avons travaillé dans plusieurs domaines… Le Département des Médias et le Département de la Culture sont tous deux plus forts et plus emblématiques, portés notamment par des documents stratégiques critiques très élaborés qui retracent leur chemin de développement. Dès lors, l’élaboration du Programme national de développement culturel a été réalisé dans le cadre d’un processus large, inclusif et transparent. Tous les professionnels du secteur ont été invités à y contribuer à divers niveaux. En concevant et en adoptant le Programme national de développement culturel, nous avons posé des bases solides pour surmonter les petits et les grands problèmes culturels, mais aussi pour bâtir les fondations de son évolution à venir. S’il s’agit d’un document stratégique contraignant à long terme, il constituera néanmoins un excellent guide pour les futurs dirigeants du secteur culturel en vue d’une action rapide et efficace afin que notre culture continue de s’épanouir à son plein potentiel. La Fondation du Musée d’Art Contemporain est l’un des projets culturels les plus sérieux de notre pays et l’une des priorités stratégiques du 43. Les Gouvernements précédents l’avaient annoncé. Et aujourd’hui, nous pouvons affirmer avec plaisir que nous sommes le premier Gouvernement à prendre les mesures concrètes nécessaires à la réalisation de ce projet d’une importance capitale pour le développement de la culture monténégrine, car il crée les conditions essentielles à la mise en valeur de la créativité contemporaine et du patrimoine culturel matériel et immatériel et à leur préservation. Il permettra sans aucun doute au Monténégro de mieux se positionner sur la carte culturelle régionale et internationale et cela, dans un domaine dans lequel elle possède un héritage enviable, mais aussi des réalisations exceptionnelles d’artistes contemporains. Le Concours international pour la conception du nouveau bâtiment de MSU sera l’un des plus grands concours de la tradition compétitive du Monténégro, une étape importante dans l’affirmation de l’art et de la culture de notre pays, mais également pour la coopération internationale dans ces domaines. Nous avons préparé trois propositions de lois pour asseoir notre politique en la matière et donner du corps à notre travail : la loi sur les médias, la loi sur les Services publics des médias au Monténégro et la loi sur les Services audiovisuels, pour une harmonisation complète avec les acquis de l’Union européenne. C’était d’ailleurs la mise en œuvre des recommandations de Bruxelles lors du dernier Rapport d’étape correspondant. Adoptés là aussi dans un processus inclusif et harmonisés avec les avis des experts du Conseil de l’Europe, ces projets de lois restent, de facto, une obligation pour la future Administration d’assurer leur adoption définitive au Parlement.

La culture du Monténégro apparaît comme une synthèse de l’héritage grec, romain, chrétien, islamique et byzantin… Quel est selon vous le socle commun qui, aujourd’hui, donne à votre pays sa singularité, et quels seraient à vos yeux, les éléments qu’il convient de mettre en valeur pour mieux faire connaître sa richesse culturelle et son identité ?

Le Monténégro repose sur des valeurs multi-culturelles, multi-ethniques et multi-religieuses, dont les traces matérielles et immatérielles représentent véritablement notre patrimoine culturel riche et diversifié. Ce sont précisément les valeurs que nous partageons et que nous défendons avec un profond dévouement. La beauté du Monténégro, avec son paysage culturel unique et qui, par son apparence contribue à la reconnaissance du pays en tant que destination culturellement désirable, inspire et laisse ses visiteurs à bout de souffle, tant la diversité est partout… La zone naturelle, culturelle et historique de Kotor, le Parc national de Durmitor, avec une partie du Canyon de la Tara, inscrits sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO, sont nos biens de valeur universelle qui symbolisent l’harmonie du savoir-faire architectural de l’homme avec son environnement naturel. En parlant de Kotor, il faut mentionner la richesse culturelle inestimable cachée par le trésor de la ville, avec les sites culturels les plus importants, tels que la Cathédrale Saint-Tripun et l’Eglise Saint-Luc datant du XIIème siècle, le Palais ducal du XVIIème, le Théâtre napoléonien du XIXème siècle, pour n’en citer que quelques-uns. En revanche, les murs de la ville sont décorés de lions vénitiens, gardiens éternellement vigilants des portes, des murs et des fortifications de la Cité. Autre spot incontournable : Cetinje, le centre culturel et historique du Monténégro. À Cetinje, nous trouvons notamment le Musée d’Art où, indépendamment des précieuses peintures d’artistes locaux et étrangers qui s’y trouvent, est conservée l’icône inestimable de la Vierge Filermosa. Outre le musée d’art, la résidence de Pierre II Petrovic Njegos, dirigeant spirituel et étatique du Monténégro, philosophe et poète, est également incontournable… le billard. Il doit son nom à la table de billard que Njegoš a rapportée de Vienne. C’était la première et, à l’époque, la seule table de billard au Monténégro. En voyageant vers le nord, nous pouvons nous diriger vers Durmitor pour entendre l’histoire des pierres tombales médiévales, des stèles datant du XIIème au XVIème siècle, ornées de symboles sculptés, de décorations et d’épitaphes. En tant qu’État, nous avons joué un rôle actif dans le co-financement de festivals qui s’inscrivent comme des instruments à part entière de coopération et d’échange culturels. Le nombre de ces festivals, qui deviennent de plus en plus populaires, augmente de plus en plus, tout comme la taille du public ! Si nous parlons maintenant du secteur cinématographique, je soulignerai le Festival du Film du Monténégro Herceg Novi, qui célèbre actuellement sa 36ème édition à travers une large sélection de références et un important programme d’accompagnement. Cependant, le Monténégro peut se vanter d’avoir d’importants festivals dans d’autres domaines, du théâtre à la musique, parmi lesquels se distingue tout particulièrement le Made in Monténégro New York Jazz Festival. Ce festival est emblématique parce qu’il fonde sa politique de programmation sur la créativité contemporaine, au centre duquel se trouvent des valeurs liées à l’innovation, l’improvisation et l’expérimentation artistique.

Votre pays est sur le point d’entrer dans l’Union Européenne… Quel est votre point de vue de cette Europe de Culture dont votre pays fait partie ?

En tant que pays candidat à l’adhésion à l’UE, le Monténégro partage les valeurs et les objectifs européens avec les États membres, ce qui concerne également la culture. C’est pourquoi nous alignons continuellement nos politiques, y compris le cadre juridique, sur la législation et les priorités de l’Union européenne, dans le but d’introduire les meilleures pratiques comparatives possibles dans le domaine de la culture. Le Monténégro poursuivra les activités et les projets qui favorisent la coopération européenne, en espérant que dans les années à venir, nous deviendrons un membre à part entière de l’UE, offrant ainsi de meilleures conditions de vie économiques, sociales et culturelles à nos citoyens. Et pour atteindre les objectifs mentionnés, nous visons à participer et à être compétitifs dans les fonds et les initiatives culturels internationaux. C’est pourquoi le Ministère de la Culture et des Médias participe à divers Programmes IPA dont le Monténégro fait partie, favorisant ainsi la coopération internationale, la mise en réseau et les activités transfrontalières visant à développer la culture. En outre, le Ministère de la Culture et des Médias est le coordinateur du Programme Europe créative, le Fonds européen le plus important dans le domaine de la culture, disponible pour nos Institutions et organisations agissant dans ce secteur. Nous travaillons continuellement au renforcement des capacités des différents acteurs culturels afin que nous puissions être les plus compétitif à l’échelle mondiale. Le Monténégro fait également partie d’autres initiatives internationales significatives en la matière, telles qu’Eurimages, TRADUKI, les Journées européennes du Patrimoine, la Fondation Anna Lindh, la Biennale des jeunes artistes d’Europe et de Méditerranée, la promotion du cinéma européen, etc. En tant que contributeur à l’internationalisation du domaine de la culture et à la promotion de la créativité monténégrine dans le monde, nous travaillons à soutenir les industries et l’entrepreneuriat créatifs. À la suite de ce qui précède, nous avons créé trois pôles innovants pour offrir aux artistes les conditions nécessaires pour travailler, réseauter et créer. Le pôle Old Prison Building Kotor comprend des espaces de résidences artistiques, de travail, de création, d’ateliers et de conférences. Il s’agit d’un excellent exemple de coopération internationale et d’utilisation de Fonds européens, puisque l’UE l’a financé dans le cadre de l’IPA CBC ITALMNE. Il existe également un centre spécifique au bar de la vieille ville : un espace abritant diverses activités et visant à promouvoir là aussi la créativité et la culture. Enfin, nous avons conçu un autre pôle  à Savnik, dédié cette fois aux écrivains, situé dans l’ancienne maison familiale de l’un des auteurs les plus réputés de la région, Borisav Pekic.

Comment se traduit la coopération culturelle entre la France et le Monténégro ?

Le Monténégro et la France entretiennent des relations riches et productives dans le domaine culturel. Il s’agit principalement de coopération en matière de création culturelle et artistique et de participation à des manifestations et événements français de référence. Les artistes monténégrins participent au programme résidentiel de la Cité Internationale des Arts de Paris, à la Foire littéraire de Paris, au Festival de Poésie de Sète, etc. Dans le domaine du cinéma, le Monténégro participe au Marché du Festival International du Film de Cannes, dans le cadre du Pavillon commun des pays de l’Europe du Sud-Est, ainsi qu’au Festival International du Film de l’Europe du Sud-Est à Paris. Nous travaillons également sur des projets communs dans les domaines des beaux-arts et des arts visuels, de la musique et des arts scéniques, du théâtre et de la littérature pour relier les secteurs monténégrin et français, renforçant ainsi leurs capacités. La coopération est mise en œuvre à la fois au niveau institutionnel et directement entre les artistes. Le Ministère de la Culture et des Médias apporte un soutien continu au développement des projets coopératifs avec des Institutions et des artistes français. En outre, nos organisations et Institutions ont la possibilité de coopérer dans le cadre d’Europe créative, le plus important Programme européen de soutien à la culture, à la créativité et au secteur audiovisuel. 

Au cours de la période à venir, nous déploierons des efforts supplémentaires pour favoriser la coopération directe entre les Institutions monténégrines et françaises et promouvoir les projets dans les domaines de la créativité culturelle et artistique, du patrimoine culturel et des industries créatives.

À quoi ressemble le paysage médiatique au Monténégro et quelles sont ses spécifités ?

La scène médiatique monténégrine est colorée, avec une forte polarisation entre la plupart des médias selon leurs politiques éditoriales. Les médias du Monténégro luttent depuis plusieurs années pour survivre sur le marché. C’est pourquoi, en raison de la situation financière défavorable, l’État est intervenu à plusieurs reprises au cours des dix dernières années. La crise économique a aggravé la situation en raison de la pandémie de coronavirus et elle a été particulièrement difficile pour les radiodiffuseurs publics locaux et les médias commerciaux. Compte tenu des défis auxquels est confrontée la scène médiatique au Monténégro, en 2022, le MCM a aidé les médias pour un montant total de 947 695,32€, tandis qu’en 2023, ce montant s’élève jusqu’à présent à 1 257 277,32€. In fine, 679 473,57€ ont été distribués aux médias dans le cadre des concours organisés en 2022 et les fonds prévus pour le Concours 2023 s’élèvent à pas moins de 810 000,00€. Outre le problème de la viabilité financière, un problème de longue date est celui de l’autorégulation insuffisamment développée et, par conséquent, le respect des normes éthiques n’est pas correctement assuré. Les progrès technologiques ont favorisé malheureusement la diffusion de fausses nouvelles et des discours de haine et d’intolérance avec des tentatives de discrédit des individus. Elle s’exprime principalement par des publications web lancées ponctuellement et non officiellement enregistrées, par l’intermédiaire des réseaux sociaux et par des commentaires sur les publications en ligne les plus lues. Néanmoins, selon l’Indice de liberté des médias de Reporters sans frontières, le Monténégro est passé de la 63ème à la 39ème place sur une liste de 180 pays, ce qui est encourageant. Par rapport à la région, seule la Macédoine du Nord est mieux classée que le Monténégro. Notre objectif est clair : avoir des médias libres et professionnels, une société dans laquelle la liberté de pensée est incontestable, une culture de dialogue au niveau des pays développés des démocraties européennes et faire en sorte que les attaques contre les journalistes appartiennent au passé. Nous pensons qu’avec la Stratégie médiatique, ce document que nous avons évoqué, dont la rédaction est en voie d’achèvement, nous déterminerons les lignes directrices pour le développement et l’amélioration du secteur des médias à travers tout le pays.

Quel message souhaiteriez-vous faire passer à la classe politique française et européenne à travers le Journal du Parlement ?

Nous avons établi et entretenu des relations étrangères grâce à la diplomatie culturelle, à travers la culture et l’art. Nous profitons de toutes les opportunités qui se traduiront par la promotion de notre culture, les échanges et de meilleures conditions pour nos travailleurs culturels. Nous avons devant nous la réalisation de l’un des projets les plus importants, avec la construction du Musée d’Art Contemporain, qui placera l’Agenda Vert comme l’une des priorités clés dans ses fondations, et dans ce processus, nous essaierons de tirer le meilleur parti de l’utilisation des possibilités de co-financement des fonds de l’UE. L’expérience que possèdent les Institutions culturelles en France en matière de muséologie nous est essentielle.  Le Ministère de la Culture et des Médias est un partenaire crédible et fiable pour encourager et renforcer l’environnement propice au travail fluide et sûr des journalistes et pour la promotion de la liberté d’expression. L’intérêt de la société monténégrine est que les médias opèrent librement, dans un environnement économique favorable, dans le respect mutuel, la coopération et le suivi des normes professionnelles et éthiques les plus élevées en matière de journalisme. Nous pensons que seule une approche dans laquelle la diversité est un avantage et non un inconvénient peut conduire à la liberté primordiale des médias et de l’expression et à une affirmation accrue de l’importance de tous les médias et de leurs professionnels au Monténégro. Enfin, compte tenu des obligations contractées par le Monténégro en tant que candidat à l’adhésion à l’UE, l’aide que nous pouvons obtenir de nos collègues français et euro-atlantiques est d’une importance incommensurable. En ce sens, nous sommes plus que pleinement ouverts à la coopération maximum et à l’échange d’expériences pour atteindre l’objectif principal de la liberté des médias et d’une liberté d’expression améliorée, l’un des postulats fondamentaux de la démocratie.