On n’arrête pas la mer avec les bras. Cette citation de l’ancien Président sénégalais, Abdou Diouf, illustre avec justesse le rapport que le temps des Institutions politiques a avec le temps de l’évolution technologique…

Nous allons devoir apprendre à vivre aux côtés du phénomène de l’Intelligence Artificielle (IA), car ses applications vont impacter notre quotidien sur tous ses aspects (écologie, démocratie, information, économie, emploi, arts…).
Pour illustrer ces propos, quelques études sont parlantes :

  • En 2020, Gartner prévoit en moyenne 6 objets connectés par personne (téléphones, montres, enceintes, voitures, vêtements…).
  • Cela facilite et développe la récolte massive de données (Big Data), leurs exploitations et la capacité des sociétés privées à nous influencer (scandale Cambridge Analytica, qui collecte jusqu’à 5 000 types d’informations par personne). Certaines sociétés privées étrangères possèdent des informations sur 95% de la société française.
  • Le Docteur Michal Kosinski, de Standford, a récemment démontré qu’en analysant le comportement sur Facebook, nous pouvions en déduire notre type de personnalité. Avec 10 likes analysés, l’algorithme vous connaît mieux que vos collègues ; avec 100, mieux que votre famille et avec 230 likes analysés, l’algorithme vous connaît mieux que votre conjoint. Cela a également des conséquences sur la façon dont nous nous informons et dans la manière dont nous prenons nos décisions.

Avec l’étude menée par R. Epstein & R. Robertson et nommée « The search engine manipulation effect and its possible impact on the outcomes of elections », l’expérience démontre que selon la priorisation des résultats d’une première recherche sur des moteurs classiques, il pouvait y avoir un pourcentage de tendance de vote sur un même candidat allant de 37 à 63%. Tendance confirmée par les prises d’informations sur les médias sociaux.

À la lecture de ces résultats, le risque démocratique est assez clair.

Dans une note plus positive, l’Intelligence Artificielle peut se mettre au service de l’environnement. Le logiciel DeepMind de Google peut permettre, par exemple, de réduire de 40% l’énergie nécessaire au refroidissement de ses serveurs, ce qui a un impact positif pour l’écologie et l’économie. La compréhension des impacts de l’Intelligence Artificielle doit donc devenir une priorité des politiques publiques, car les issues dépendront des modalités d’applications qui sont bien différentes de par le monde :

  • Aux États-Unis : une course à l’ambition transhumaniste est engagée. Cela se traduit par des organisations comme Calico (Groupe Alphabet), voulant s’appuyer sur l’IA pour « éradiquer la mort » ou encore, Neuralink (créée par Elon Musk), ayant pour but d’implanter des puces dans nos cerveaux, afin de rendre leurs possesseurs plus performants.
  • En Chine : un système de “note sociale” a été mis en place pour évaluer le comportement des citoyens. L’IA récolte un maximum d’informations (caméras, réseaux sociaux…) et vous attribue une note qui vous permet (ou non) d’accéder aux services publics.

Pour le moment, la position française est de développer une vision de l’IA au service de l’Humain, comme le suggère Cédric Villani dans son Rapport, commandé par Emmanuel Macron.

Notre première responsabilité est de faire en sorte que ce sujet ne soit plus réservé aux experts en la matière. C’est aux citoyens de s’en saisir et à la sphère politique de prendre conscience de ces enjeux pour protéger les citoyens, la société et, plus largement, notre espèce. C’est pourquoi, nous avons décidé de mettre à disposition des citoyens sur le site www.9110.fr, un abécédaire nommé « Intelligence Artificielle, toi-même ! », visant à déclencher des réflexions sur 26 thèmes que je vous laisserais découvrir.

Cela nous amène également à imaginer des propositions visant au développement d’une science citoyenne sur ces sujets. Notre meilleure arme pour s’emparer du sujet étant nous-mêmes, nous préconisons notamment de mettre toutes nos forces sur l’éducation, au sens large :

  • en sensibilisant l’ensemble des acteurs, du législateur jusqu’aux plus essentiels que sont les citoyens, générateurs de données, avec des connaissances de base;
  • en instaurant des ateliers philosophiques et/ou cours de philosophie dès le plus jeune âge (école primaire) pour faciliter le développement de l’esprit critique;
  • en intégrant les préconisations d’Edgar Morin dans le cadre scolaire (théorie de l’anthropo-éthique, enseigner la connaissance de la connaissance, l’erreur et l’illusion, la compréhension d’autrui et la réalité humaine) pour mieux aborder le monde de demain;
  • en intensifiant les recherches dans le domaine de la recherche de biais des données;
  • en développant des algorithmes éthiquement responsables et non plus uniquement juridiquement corrects.

Nous sommes à votre disposition pour échanger et agir sur ce sujet.

Pierre-Alain Raphan

Député de l’Essonne
Secrétaire de la Commission
des Affaires culturelles et de l’Éducation
Docteur (DBA) en Sciences des
organisations humaines et sociales