Revenons quelques semaines en arrière… Ce qui semblait relever de la fiction s’est donc réalisé. On est vainqueur quand on a un moral de vainqueur, écrivait Malraux. La nouvelle Assemblée en a fait, une fois de plus, la démonstration. Avec un moral de vainqueur, la République s’est mise en marche et personne n’a été en mesure de l’arrêter…

Ni en soulignant que ses nouveaux élus n’ont aucune expérience du travail législatif et qu’on ne s’improvise pas parlementaire en quelques mois. L’expérience, là comme ailleurs (et ici plus qu’ailleurs, car il s’agit de faire vivre la politique qui devra changer le quotidien des Français), reste, pourtant, un atout de poids. Le « dégagisme » consistant à mettre de nouvelles têtes en pensant qu’apparaîtront de nouvelles solutions, pour sympathique qu’il soit, n’est pourtant pas un gage de succès. Espérons seulement que les nouveaux élus, à qui chacun se doit de souhaiter bonne chance, appréhenderont la députation comme cette école de modestie, fondée sur un travail souvent ingrat et qui fait de chacun des 577 l’artisan de la réussite ou de l’échec d’une politique.

Ni en mettant en avant le poids des affaires, réelles ou supposées, qui, après avoir dynamité la campagne présidentielle, semble ne plus trouver autant d’écho auprès des Français. Cette différence de traitement est, en revanche, plus rassurante. Comme si, in fine, les Français se rendaient compte qu’il ne s’agissait pas de demander à un homme politique d’être plus vertueux que la femme de César, mais de se dévouer semaine après semaine pour l’intérêt général, en laissant au temps judiciaire le soin de faire, à charge et à décharge, c’est-à-dire avec sérénité, l’étude de chaque dossier…

Ni en s’étonnant que l’attribution du bon logo à des candidats, dont un grand nombre n’ont quasiment pas fait de campagne, soit suffisant pour se faire attribuer un siège à la Chambre, là où des personnalités de droite comme de gauche, qui, pour certaines, n’avaient pas démérité, ont été renvoyées sans ménagement.

Ce parallélisme avec les années RPR triomphantes, où il était de coutume de dire qu’une chèvre aurait pu se faire élire avec le sigle à la Croix de Lorraine, n’apparaît pourtant pas au final comme le comble de la modernité.

À l’inverse, on se réjouira d’une meilleure parité, d’une arrivée de certains experts de la société civile, de l’abandon d’un parti-pris qui, durant des décennies, était synonyme d’opposition constante et systématique entre les partis, bref de tous ces vieux réflexes surannés que le renouvellement ambiant a jeté par-dessus bord. On se réjouira donc d’un souffle d’air frais ! Certains pourraient s’étonner aussi, que les réformes institutionnelles proposées, si elles sont pleines de bonnes intentions iront, peut-être, à terme, à l’encontre du but recherché. Un simple exemple : on condamne l’éloignement des parlementaires de leurs électeurs et des réalités du terrain, mais… on veut en diminuer le nombre ! On aura donc moins de députés ou de sénateurs, ce qui n’a jamais été un gage de proximité, puisqu’ayant plus de collaborateurs pour des circonscriptions agrandies, ils seront forcément moins accessibles. Comprenne qui pourra…

On gardera, enfin, présent en mémoire, la malice d’Edgar Faure : ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent. Comme en témoignent les ralliés de la 25ème heure. Et l’on imaginera volontiers que le nouveau Président, en voulant décrocher la timbale, a relu Oscar Wilde : il faut toujours viser la lune, parce qu’au moins, si vous échouez… vous finissez dans les étoiles !

Emmanuel Macron

Oscar Wilde